« Divorce à l’amiable » : la fusion Publicis Omnicom ne se fera pas

2 heures du matin : le communiqué officiel annonce un "accord transactionnel de terminaison de ce projet de fusion". Le patron de Publicis entamait très tôt une tournée -explicative et rassurante - des médias. Retour sur la fin d'une histoire, une belle "opportunité mais pas une nécessité" avec un Maurice Levy presque apaisé. Et qu'en pensent Martin Sorrell et Yannick Bolloré?

Fin du suspens : la fusion de 35 milliards de dollars dévoilée en juillet dernier devant donner naissance au numéro 1 mondial ne se fera pas, pour de nombreuses raisons. Consensus sur le directeur financier, siège social fiscal de l’entreprise incertain, approbations longues – notamment des autorités chinoises- à obtenir, divergences de culture… Et finalement oui : "l'équilibre de l’équipe de management" était trop difficile à mettre en place. Trop d’écueils à franchir qui malmènent les statuts des ex-futurs mariés, leur crédibilité et les actions en bourse. Trop d’incertitudes affectant bien trop l’image des fiancées. WPP reste numéro 1. Après une montée en puissance des rumeurs ces dernières semaines, la nouvelle a retenti la nuit du 8 au 9 juin : le communiqué officiel est tombé à 2 heures du matin. Le conseil de surveillance de Publicis Groupe s’est réuni le 8 mai 2014, sous la présidence d’Elisabeth Badinter, afin de statuer sur la suite à donner au projet de fusion avec Omnicom Group. Et à l’unanimité, il a décidé d’y mettre un terme « compte tenu des difficultés encore à surmonter pour le réaliser et des incertitudes croissantes liées à la lenteur du processus ». Le Board of directors d’Omnicom Group ayant également statué en ce sens, c’est à un accord mutuel des deux parties que l’on assiste, ou plutôt, selon le terme officiel du communiqué, à un « accord transactionnel de terminaison de ce projet ». Maurice Lévy, Président du directoire de Publicis Groupe a déclaré : « Les deux groupes ont chacun un parcours brillant. Cette fusion a toujours été une opportunité et non une nécessité. Les équipes de Publicis Groupe ont beaucoup travaillé pour que cette fusion aboutisse, mais face aux obstacles rencontrés, le risque d’exécution allait croissant. La décision d’interrompre le processus n’a été ni agréable ni facile à prendre, mais elle s’est révélée nécessaire. Prolonger cette situation aurait pu conduire à détourner le management du Groupe de sa fonction principale : servir au mieux nos clients."

John Wren, le directeur général d’Omnicom, explique lui qu’il y « avait un grand nombre de questions complexes que nous n’avons pas résolues. Les fortes cultures d’entreprise propres aux deux groupes ont retardé la conclusion d’un accord. Il n’y avait pas de ligne d’arrivée claire en vue et l’incertitude n’est jamais une bonne chose dans ce secteur". Voilà qui clôt le sujet et conserve à Publicis son identité française. Distribuant interview sur interview le 9 au matin — et avec une conférence de presse officielle organisée à 10h15 heure de Paris-, Maurice Levy affirmait que "Publicis allait accélérer mais ne rechercherait pas de nouveaux partenaires. La vie aurait été très très belle avec Omnicom. Mais elle est très belle avec Publicis". Grandir encore il le faudra malgré tout, mais différemment : les défis "face aux géants du web dans la publicité demeurent". Ce sont d’ailleurs Facebook et de Google qui ont les premiers réagi à l’annonce de la nouvelle "Tous les deux sont maris de ce qui vient d’arriver et me disent qu’ils ont besoin d’un partenaire comme Publicis".

Publicis : accélération annoncée, sans nouveau partenaire

Lors d’une conférence de presse réunissant tout le staff du groupe, vendredi matin, Maurice Levy se montrait presque serein après ces semaines de tensions. "Considérons cela comme une renaissance. Nous devons bouger vers le futur. Le fait de ne pas réaliser ce rêve-là ne signifie pas que nous n’avons pas de rêve. Nous reconstruisons une stratégie. On va faire des acquisitions, on va se développer rapidement. Nous allons investir dans le big data de manière plus massive qu’on l’avait prévu initialement. Nous allons faire des choix stratégiques qui vont nous amener à modifier les équilibres de nos investissements. Nous allons accélérer pour permettre au groupe d’atteindre ses objectifs, notamment dans le digital, pour 2018. Les défis demeurent face aux géants de l’internet, nous aurions été plus rapides ensemble pour attaquer ces défis mais je ne suis absolument pas inquiet sur la capacité du groupe à atteindre tous ses objectifs. L’accélération, nous y sommes prêts : nos positions sont plus que fortes partout dans le monde et nous pouvons aller beaucoup plus loin, plus vite et plus fort". Même son de cloche chez Omnicom qui envoyait un twitt largement repris : "Omnicom is strong, innovative, energized and ready for the futur". Quant à la question d’un départ ou non de Maurice Levy, la réponse est limpide : "Je n’ai pas l’impression d’avoir été affaibli par l’échec. Même si je suis extrêmement déçu. Je resterai jusqu’à la fin de mon mandat qui se termine le 31 décembre 2015. Si je pensais avoir mal fait quelque chose, j’aurais pu décider de partir. Mais nous n’avons rien fait de mal du côté de Publicis. Je suis extrêmement positif concernant notre équipe, et le board de Publicis est positif me concernant". Mais se repose la question de la succession du big boss, à nouveau à l’ordre du jour.

WPP et Havas jubilent

Les réactions fusaient malgré ce vendredi chômé, largement aidées des réseaux sociaux. Sur son fil Twitter, Yannick Bolloré postait ce simple message, qui en dit pourtant long : "Sorry not to comment but remaining focused on making sure clients are happy with Havas". Plus mordant, Martin Sorrell patron de WPP s’empressait de donner son avis cette nuit sur CNBC. Il n’est "pas étonné" : le projet était miné par des questions d’ego. Et d’ajouter que son groupe avait déjà commencé à piquer des comptes à ses rivaux. Propos que balaie Maurice Levy, qui parle de "new biz florissant. Ces dix derniers mois, Publicis va au moins aussi bien que les dix mois précédents l’annonce de la fusion".

Extrait de l'interview donnée par M.Sorrell à L'AFP 

"C'est un peu difficile de justifier pourquoi ils ont mis dix mois à se rendre compte qu'ils ne pouvaient pas se mettre ensemble et pourquoi ils ont dépensé quelques centaines de millions de dollars pour le comprendre. Nous avons réalisé de grosses opérations mais elles doivent avoir une structure simple. Il n'y a pas de fusion entre égaux, seulement des fusions où une partie contrôle l'autre. Nous allons continuer avec cette stratégie (d'acquisitions petites et moyennes). Nous avons déjà conclu près de 25 opérations cette année, nous avons été très actifs, et il y en a plein d'autres en développement. Publicis et Omnicom nous ont laissé le terrain libre pendant qu'ils se disputaient."


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