Le numérique s'incruste dans la loi Sapin

"Tout le marché a été pris par surprise". Bertrand Beaudichon, vice-président de l'UDECAM, ne cache pas son étonnement du dépôt par le député PS François Brottes et l'adoption en commission mi-janvier d'un amendement intégré dans la loi Macron qui étend, en l'état, la loi Sapin à tout le digital. La profession était jusqu'alors dans des discussions, intégrées qu'elle était dans la concertation nationale sur le numérique placée sous l'égide du Conseil national du numérique (CNNum). Instaurée en janvier 1993, la loi Sapin réglemente les procédures d’achat d’espaces publicitaires en instaurant un principe de transparence des prix. L'amendement voté mi-janvier, quant à lui, se contente d'ajouter les termes "sur quelque support que ce soit" à l'article 20, et cela change tout. L'article est désormais libellé : "Tout achat d'espace publicitaire [sur quelque support que ce soit] ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisée par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat". Le digital est ainsi partie prenante dans la loi Sapin.

Le député justifie le dépôt de son amendement par l'apparition et le développement des nouveaux médias, des nouveaux modes de commercialisation des espaces publicitaires et des nouveaux acteurs de cette commercialisation. "Cet amendement a pour objet d'appliquer les principes de loi du 29 janvier 1993 aux nouveaux acteurs évoluant sur le marché de la publicité digitale", plaide-t-il. "On enfonce des portes ouvertes. Nous n'avions pas l'intention de ne pas appliquer la loi Sapin sur le digital", assure de son côté M. Beaudichon. Selon lui, le nouveau texte ne résout en rien la problématique "que nous avons". A savoir, interroge-t-il : "comment fait-on pour reconnaitre le statut de transformateur d'espace, donc d'acheteur-revendeur, et comment fait-on si l'on ne veut pas créer de distorsion de concurrence entre les trading desks des groupes de communication que nous utilisons, et les pure players de la transformation d'espaces ?". En tout état de cause, les agences médias ne désarment pas. D'autant que les modalités de "reporting" entre agences et annonceurs insérées dans l'article 23 de la loi Sapin devraient être amendées par décret en Conseil d'Etat, toujours selon l'amendement de M. Brottes. Pour le vice-président de l'UDECAM, "Quelles nouvelles modalités de reporting on se donne sur le media digital ? Nous considérons que c'est faire le boulot qu'à moitié. Nous avons intérêt à pousser le sujet sur : qu'est-ce que l'on fait de ce nouveau métier de la transformation d'espace qui n'est pas prévu dans la loi Sapin, donc pas légal". Tout de même, "nous avons été sollicités pour participer à sa rédaction. Les discussions se poursuivent avec les cabinets d'Axelle Lemaire et Fleur Pellerin", conclut-il.

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