La transformation digitale en baromètre

CSC publie son Baromètre de la Transformation Digitale qui scrute les tendances et impacts en matière de transformation digitale des organisations. Pour 89% des répondants, le digital occupe une place primordiale au sein de leur organisation. Relation client plus individualisée, expérience client enrichie, gains d’efficacité et de réduction des coûts, mais aussi vecteur d’innovation et de croissance ; la transformation digitale s’impose comme une nécessité quasi vitale pour la majorité des organisations. Il s’agit de faire évoluer le modèle opérationnel en misant sur l'adaptation ou la réinvention des métiers, des offres et des produits afin de maintenir ses positions sur le marché et / ou de créer un avantage concurrentiel  et d’adopter des stratégies plus "adaptatives", en se focalisant notamment sur la digitalisation des processus dans une logique de gains d’efficacité et de réduction des coûts.

Rupture numérique dans 2 ans : mythe ou réalité ?

Une des conséquences de cette mutation numérique réside notamment dans l’apparition de nouveaux "business models" dits "disruptifs", c'est-à-dire en rupture avec les modèles traditionnels. Pour 57% des répondants, cette rupture numérique est déjà présente, et pour 29%, elle le sera dans les 2 prochaines années. A l’image des digital natives, les GAFA (Google, Apple, Facebook, et Amazon) ont imposé un modèle économique davantage flexible et agile, qui répond au besoin d’immédiateté, de vélocité et d’innovation constante induit par la révolution numérique. Également, ces modèles ont mis en avant la facilité de "reprise en main" du client final vs les modèles historiques basés sur la maîtrise de la distribution. Pour survivre à cette mutation numérique, les organisations devront revoir en profondeur leur "core model" vers des modèles économiques plus agiles et envisager de nouveaux modèles économiques alternatifs davantage évolutifs, orientés services et mieux intégrés avec l'ensemble de leur écosystème - notamment de partenaires.

Conscience des risques

Malgré les opportunités offertes par le développement du digital, 52% des répondants perçoivent cette transition comme une menace importante (voire très importante) pour leur organisation. L’émergence de technologies de rupture, l’apparition de modèles économiques disruptifs, l'évolution des comportements clients (plus tribaux, moins classiques et plus claniques), la nécessité de développer une acculturation des collaborateurs au digital ont clairement complexifié l’écosystème des organisations. Avec des enjeux d'agilité pour lesquelles certaines s'estiment insuffisamment préparées. Également, la rapidité avec laquelle évoluent les technologies digitales, la concurrence accrue des "born digital" et, dans une moindre mesure, la perte de contrôle de l’entreprise sur ses clients et ses processus "cœur de métier", obligent les organisations à une réflexion profonde sur leur modèle opérationnel tant sur les aspects culturels, organisationnels, économiques, technologiques que structurels.

Impact du digital sur les organisations

Les effets de la digitalisation sur les organisations sont multiples. Et la manière de l'aborder se focalise sur 3 composantes clés du changement :  pour 93% des répondants, le digital implique une réinvention de la relation client (par le biais notamment d’un mode de communication entreprise – client plus direct et individualisé) ; pour 82%, le digital doit contribuer à faire évoluer les modes de management (travail à distance, travail collaboratif, rupture des silos organisationnels et hiérarchiques historiques, développement de la transversalité notamment via les réseaux sociaux d'entreprise…) ; enfin, pour 81%, le digital doit également participer à l'amélioration de l'efficacité opérationnelle via la transformation des processus opérationnels et de support (dématérialisation de certains services, développement du self-care et de l'intégration de partenaires dans l'écosystème, socialisation des processus via des workflows intégrés…).

Le digital et les offres

Alors que le digital favorise une relation client/entreprise davantage directe et bilatérale, l’implication en amont des clients dans la  conception d’offres et de services reste encore au stade expérimental. Si 43% des répondants indiquent une prise en compte plus large des commentaires clients (dans un souci d’amélioration de leurs offres par exemple), peu d’entre eux ont franchi le pas d’une démarche structurée et aboutie de co-création et de partenariat.  L’intégration des clients dans les cycles de conception en amont reste encore peu structurée malgré certains avantages notables (réduction des coûts d’innovation, du "time to market", amélioration des produits et de l’engagement client…). Étonnamment, 39% des répondants affirment toujours que le digital n’impacte pas leurs processus existants. A noter que le niveau de maturité digitale est également fortement lié au secteur d'activité.

On s'informe comment?

En 2014, pour une très grande majorité des répondants (76%), le digital modifie largement la manière dont les clients s’informent sur les offres. Plus encore qu'en matière de cycle de conception – développement, l'accès aux offres est impacté par les évolutions digitales. La multiplicité des canaux (médias sociaux, blogs spécialisés, site de l’entreprise) offre aux clients davantage d’accès à l’information et ce, à tout moment et de manière quasi instantanée. A l’heure du tout mobile, le client ultra connecté, résolument omnicanal (tant en B2C qu'en B2B) n’hésite donc plus à utiliser toutes les ressources mises à sa disposition par les organisations, quels que soient les canaux, lors de son parcours d’achat. Du "web-to-store" au "store-to-web", ce client mieux informé recherche aussi la meilleure offre au meilleur prix. En matière de nouveaux usages, c'est l'accès aux offres qui est le plus impacté par les évolutions digitales. Postérieures à l'information, les étapes de simulation – contractualisation s'entremêlent via la multiplication des canaux et le développement des outils nomades (smartphones, Pad, tablettes…) qui contribuent indéniablement à modifier les parcours d’achat et les comportements clients. Et ce pour 81% de nos répondants. Avec un accès permanent aux offres (en quasi temps réel, en tout lieu et à tout moment), le client digital a de nombreux points d’accès pour concrétiser sa vente (par le biais notamment des comparateurs d’offres, des blogs spécialisés et réseaux sociaux) qui échappent parfois au contrôle de la marque. Pour autant, malgré la multiplicité des canaux, les clients plébiscitent surtout plus de contenu marketing et recherchent davantage de transparence, de lisibilité et de simplicité dans l'accès à ces offres.  Le digital a largement (pour 43% des répondants), voire fondamentalement (pour 15% des répondants), modifié la manière d’utiliser les produits et services. Même si la vocation même du produit ou du service n'évolue pas nécessairement, la manière de l'utiliser, de le consommer change profondément. Que ce soit dans une approche d'usage plutôt que de possession, de partage vs d'appropriation, la digitalisation a rendu possible non seulement un accès plus fluide aux offres de produits et services, mais également une consommation plus adaptée aux besoins de chacun. C'est un impact majeur pour les équipes marketing que d'intégrer, dès les phases de conception, la manière que leurs clients auront d'utiliser leurs produits – en dehors d'une stricte logique de commercialisation. Également, cette item pose la question de l'intégration d'offres simplifiées et lisibles dans les chaînes de valeur de nouveaux partenaires, avec pour conséquence un risque de cantonnement des organisations à des rôles de purs producteurs (de contenu, de produits, de services), en s'affranchissant de la logique de commercialisation qui peut rester, dans certains cas, l'apanage de nouveaux types d'intermédiaires maîtrisant parfaitement les attentes – et donc la relation – client. Ainsi, l’expérience client fait désormais partie intégrante de l'offre, à l’instar du marketing produit qui doit désormais s’intéresser davantage à l’usage d’un produit ou service plutôt qu’à ses attributs, et ce afin de fidéliser durablement des clients de plus en plus volatils.

Le digital et l’après-vente

Les canaux numériques ont fortement impacté le cycle d'après-vente de la relation client (SAV, réclamations…) pour près de 70% de nos répondants. D'une part, parce que, moins onéreux que les canaux physiques, et dans une certaine mesure plus efficaces en termes de traçabilité, ces canaux digitaux se sont très largement imposés dans les cycles aval de commercialisation. D'autre part, parce qu'au-delà du seul acte commercial, les clients sont en attente d'un accompagnement durable et pérenne post-achat, accompagnement pour lequel le digital peut être un vecteur fort. En 2014, 69% des interviewés estiment que le digital a eu un impact large – voire fondamental – sur les processus d'après-vente. Ces résultats sont pourtant à nuancer car très liés au secteur d’industrie. En effet, 92% des répondants issus du secteur du tourisme estiment que leur cycle d'après-vente est très fortement impacté par la digitalisation. A l’inverse, moins de la moitié des répondants issus du secteur de la grande distribution estiment l’impact digital important dans leurs processus d'après-vente. Autrement dit, un rôle accru du digital sur des cycles de vente où achat et usage du produit sont décorrélés – notamment au plan temporel – et où les processus "post-vente" prennent alors une valeur plus importante dans le parcours-client.

De nouveau business model

Près de la moitié des interrogés privilégient une évolution de modèle axé sur le développement de nouveaux services (extension de gammes de services commercialisés, diversification et développement de nouveaux produits et services digitaux) : moins impactant sur leur modèle opérationnel, ces évolutions permettent notamment de créer de la valeur ajoutée sur des domaines hors du "core business" de l'organisation (en adjoignant des services potentiellement sourcés hors du périmètre naturel de l'entreprise, celle-ci peut progressivement créer de la fidélité et de l'attachement à moindre frais, mais sous réserve que le "delivery" de ces services soit réalisé de manière efficace) ; 17% privilégient une stratégie plus offensive, en misant davantage sur une logique de partenariats et de cross selling, par le biais notamment d'inclusion de leurs offres au sein d'écosystème de partenaires, leur donnant ainsi accès à de nouvelles sources de revenus auprès de clients qui n'y auraient pas eu accès naturellement; au-delà des ventes additionnelles, ces approches permettent également d'étendre le champ d'activité de l'entreprise sans trop l'éloigner de son "core business", sous réserve que les partenaires partagent les mêmes objectifs et valeurs que l'organisation ; 18% adoptent une stratégie plus agressive, et dès lors plus impactante au plan structurel : un producteur souhaitant ainsi reprendre la main sur ses clients finaux via le développement d'approches distributives rendues possibles par la dématérialisation de la relation (Internet, applications mobiles…) aura davantage de difficulté à se légitimer auprès de ses clients finaux, historiquement habitués à traiter avec un intermédiaire ; ces approches ne sont pas nouvelles (on peut citer l'exemple du secteur du transport ou du tourisme qui est progressivement passé d'une approche de pur producteur à celle également de distributeur), mais elles nécessitent une évolution forte du modèle opérationnel du fait du besoin de créer de nouveaux processus, de faire évoluer l'organisation vers plus de "customer centricity"… ; Enfin, les ruptures de "business models" les plus audacieuses ne sont partagées que par 12% de nos répondants, consistant à réinventer complètement le "core business" ; citons par exemple le cas de cette entreprise de fournitures de matériels électriques qui est passée d'une logique de fabriquant à un positionnement de "smart energy enabler" en utilisant les technologies digitales pour accompagner ses clients dans des stratégies d'usage plus économes et plus responsables de leurs ressources énergétiques – avec, à la clé, une rupture du modèle opérationnel au plan des processus, de la culture, de l'organisation et des systèmes d'information associés.

Le digital et l’évolution des usages

En 2014, 2/3 des répondants estiment que le client a le choix du canal de contact lors de son parcours d’achat. Cette réalité reste pourtant à nuancer puisque moins de la moitié des répondants issus du secteur des services semble encore laisser ce choix au client. Pour des raisons souvent économiques, de plus en plus de marques cherchent à orienter leurs clients vers les canaux de contact dématérialisés (par le biais, par exemple, des chats ou du site web de l’entreprise). Si les canaux de contacts numériques offrent davantage la possibilité de cibler les clients (traçabilité des achats, réseaux sociaux, forums, espaces personnels virtuels…), 67% des organisations estiment insuffisante leur capacité à personnaliser leurs interactions et à capitaliser sur l’information client. Mis à part les pure players du digital qui, grâce notamment à des techniques de ciblage particulièrement avancées, vont jusqu’à la recommandation de produits et services, beaucoup d’organisations restent structurées en silos, sans vision 360° client faute de centralisation de la capture et de l'exploitation de la donnée client. En matière de transformation digitale, c'est un axe de progrès majeur auquel les organisations doivent s'atteler afin de ne pas se contenter d'offrir du multicanal (plusieurs canaux d'interaction peu coordonnées entre eux), mais bien de la cross-canalité (chaque canal alimentant au plan informationnel, relationnel et transactionnel l'ensemble du mix).

Cross-canalité et parcours client

Là encore, près de 2/3 des répondants évaluent le degré de cross-canalité comme insuffisant. Ainsi, la possibilité d’initier une transaction sur un canal et de la poursuivre ultérieurement sur un autre, en conservant le contexte et en adaptant le contenu en fonction de l'historique de la relation et du parcours client préalable, semble peu intégrée. Quelques exceptions pourtant, notamment dans le secteur de la distribution, tendent à relativiser ce constat, puisque le développement de nouvelles pratiques (click and collect, par exemple) offrent désormais la possibilité au client de pré-réserver un article en ligne pour finalement passer la transaction en magasin. Mais l'intégration fluide et sans couture de l'ensemble des canaux d'interaction, souvent construits en silos et avec plusieurs couches peu communicantes, représentent un des enjeux majeurs des programmes d'évolution des systèmes d'information des prochaines années. Les enjeux de digitalisation de l’expérience client sont multiples. Là encore, 57% des répondants estiment qu'au-delà de la cross-canalité intégrée, la capacité à offrir une expérience client unifiée (tant sur le fond que sur la forme) est faible. Il s’agit pourtant, d’une part de garantir une expérience cohérente, fluide et sans couture sur l’ensemble des canaux physiques et online (dans une logique de convergence entre online et offline que le client a déjà réalisée), et d'autre part de saisir les opportunités offertes par le digital en termes de captation et d'exploitation, en temps réel, de la connaissance client, de personnalisation de l’offre de services, contribuant ainsi à une proposition de valeur individualisée.

Selon CSC, les processus digitaux possèdent 5 caractéristiques : ils sont dématérialisés, socialisés et ouverts vers des tiers, ils deviennent proactifs et l'assignation des tâches peut être revue. Même si l'impact du digital sur la transformation des processus opérationnels et de support est évalué comme important ou majeur par 81% de nos répondants, c'est sans doute l'une des composantes du changement qui paraît la moins avancée dans les faits.

Degré de dématérialisation des processus

Une majorité de répondants (45%) déclarent que seuls quelques processus-clés sont dématérialisés au sein de leur organisation. La dématérialisation, qui peut consister à numériser un processus aujourd'hui au moins partiellement supporté par des échanges papiers, est pourtant un des enjeux clés de la transformation digitale. Scan des pièces d'identité client pour l'ouverture d'un compte bancaire, signature électronique, EDI sur des processus de commande et de paiement : autant d'exemples où les technologies numériques permettent de gagner en efficacité opérationnelle tout en contribuant à la simplification du parcours client. Socialiser un processus revient à transformer une chaîne traditionnelle en conversation / collaboration autour de thématiques impliquant plusieurs acteurs. Schématiquement, cela peut consister à appliquer les règles des médias sociaux dans une acception plus professionnelle. 2/3 de nos répondants considèrent avoir un niveau d'avancement assez faible sur cette thématique. A titre d'exemple, il peut s'agir de passer d'un mode de vente traditionnel où un responsable de compte entend parler d'une opportunité chez un client et s'adresse au service marketing produit, à une conversation entre ce même responsable, un expert produit et un responsable back-office pour déterminer ensemble la meilleure approche et la faisabilité économique et technique du "deal". Même si des outils existent (par exemple, modules sociaux d'outils CRM comme Salesforce ou MSDynamics), nos répondants considèrent que leur organisation n'a que peu investi ce territoire de transformation. Intégrer, notamment via des outils partagés, des partenaires (fournisseurs, éventuellement clients) dans les processus opérationnels de l'entreprise : ¾ des répondants considèrent que leur organisation n'est que faiblement avancée et reste encore trop cloisonnée vis-à-vis du monde extérieur. Pourtant, dans un écosystème de plus en plus lié, où les organisations collaborent entre elles pour offrir le meilleur service, se recentrer sur leur "core business" et réduire leurs coûts, ce type de transformation est vecteur de gains importants. A titre d'illustration, c'est le cas d'un cabinet de recrutement, qui, plutôt que de transférer le dossier d'un candidat aux RH, va initier le processus de recrutement et identifier en interne l'opérationnel le mieux à même de recevoir le candidat. Avec des solutions de recrutement directement disponibles sur le cloud (par exemple, At Work, Cornerstone…).

Entreprise : où en est la culture digitale ?

Développer une culture digitale auprès des collaborateurs et faire évoluer les modes de management grâce aux technologies digitales. Un enjeu clé pour nombre d'organisations qui voient cohabiter en leur sein des populations hétérogènes, issues des générations du baby-boom, X, Y, Z…  Au-delà d'acculturer les collaborateurs aux évolutions digitales (à la fois pour mieux leur faire appréhender les attentes de leurs clients B2C et B2B, mais également leur faire prendre conscience des opportunités et ruptures induites par le digital), il s'agit d'adapter des modes de management historiquement très hiérarchisés et verticalisés, pour transversaliser les approches collaboratives et gagner en efficacité au quotidien. Et s'assurer que l'image et la réputation de l'organisation sont valablement déployées au plan "social" pour constituer un facteur d'attractivité fort vis-à-vis de candidats de plus en plus volatils et soucieux d'un équilibre raisonné entre vie professionnelle et personnelle. Preuve de l'importance que les organisations lui accordent, cet item arrive en 2ème position des priorités en matière de changement pour nos répondants, à plus de 80%. La majorité des répondants (42%) indique avoir une politique de marque employeur encore limitée sur les médias sociaux, seuls un répondant sur cinq affirmant une forte activité de son organisation dans ce domaine. A l'heure où la concurrence pour attirer les meilleurs talents se fait plus féroce, la capacité à s'inscrire dans les nouvelles tendances digitales pour promouvoir son image est clé. Également, cet effort passe par la capacité de mobilisation des collaborateurs comme véritables ambassadeurs de chaque organisation, et relais efficaces, souvent à titre individuel dans le cadre de politique RH balisée. L'enjeu réside désormais dans la volonté de passer d'une approche institutionnelle généralement centralisée par les RH à une approche collective et collaborative, démonstration de l'engagement de chaque collaborateur au service de la marque employeur.

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