Étiquetage : vers un nouveau système d’information nutritionnelle

Pourquoi un logo, simple et compréhensible sur la qualité nutritionnelle des aliments, sur la face avant des emballages alimentaires ?

La France s’est dotée, en 2001, d’une politique nutritionnelle de santé publique, au travers de la mise en place du Programme National Nutrition Santé (PNNS).  La dynamique impulsée depuis 14 ans a permis des améliorations significatives : les adultes français mangent plus de fruits désormais et consomment moins de sel. Mais pour d’autres aliments comme les produits sucrés chez les enfants ou les aliments pourvoyeurs de fibres par exemple, les objectifs n’ont pas été atteints. Les données épidémiologiques mettent en évidence une tendance à la stabilisation des prévalences de surpoids et d’obésité chez les enfants, voire une diminution. Cependant persistent de fortes inégalités sociales: les enfants des couches sociales défavorisées ont une probabilité plus forte de présenter une surcharge pondérale.
Le développement du PNNS depuis 14 ans permet de comprendre les limites des stratégies de santé publique fondées sur des actions qui s’appuient uniquement sur la communication et l’information visant l’individu. Aussi primordiales soient-elles, ces approches n’agissent pas sur les inégalités sociales de santé en nutrition.  Les politiques publiques doivent donc chercher à améliorer non seulement les déterminants individuels des comportements alimentaires (et de la pratique d’activité physique), mais aussi intervenir sur leurs déterminants environnementaux.

En janvier 2014, Arnaud Basdevant et moi-même avons rendu à la Ministre de la Santé deux rapports     visant à donner un nouvel élan à la politique nutritionnelle de santé publique dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé. Ces rapports proposent des mesures nouvelles dans les champs de la prévention et de la prise en charge des pathologies nutritionnelles.

Parmi les mesures proposées dans le champ de la prévention, l’une vise à développer un système d’information nutritionnelle simple et intuitif sur la face avant des emballages des aliments:

a) permettant aux consommateurs d’appréhender en un coup d’œil et de façon compréhensible la qualité nutritionnelle globale des aliments au moment de leur acte d’achat. Le consommateur pourra ainsi intégrer la dimension nutritionnelle dans ses choix par une comparaison simple entre aliments de familles différentes, dans la même famille ou entre aliments de différentes marques;

b) ayant la capacité d’inciter les producteurs et distributeurs d’aliments à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils produisent ou distribuent afin de « bénéficier » d’un positionnement le plus favorable possible sur le système d’information nutritionnel et ainsi valoriser leur effort en terme de reformulation nutritionnelle ou d’innovation.

Cette proposition repose sur les nombreux travaux scientifiques publiés démontrant  que les systèmes d’information nutritionnelle sont susceptibles d’influencer les consommateurs et que ces effets touchent tous les groupes de population, notamment ceux avec les plus faibles niveaux d’éducation, plus à risque nutritionnel (obèses, hypertendus) ou qui ont le plus faible intérêt pour la nutrition.  D’autre part plusieurs études, en France  et en Europe montrent que les consommateurs sont en attente d’une meilleure information sur la qualité nutritionnelle des aliments et mettent en avant leur intérêt pour une information simple en « face-avant ».  Enfin, la littérature suggère que, placés en face avant des produits, en plus de leur capacité à éclairer le consommateur dans ses choix, les outils d’aide à la décision, permettent d’agir efficacement sur l’offre alimentaire, en incitant les acteurs économiques, à reformuler leurs produits vers une meilleure qualité nutritionnelle.

Le système proposé s’appuie sur le calcul d’un score synthétisant la qualité nutritionnelle globale de l’aliment. Ce score utilisé déjà au Royaume Uni  a bénéficié d’une validation scientifique au Royaume-Uni et en France. Le score est calculé, pour chaque aliment, sur la base des teneurs en « éléments nutritionnels » pertinents du point de vue de la santé publique. Il repose sur la prise en compte de 4 éléments constitutifs «négatifs» (défavorables sur le plan nutritionnel): densité énergétique (apport calorique pour 100g d’aliment), teneurs en sucres simples, en graisses saturées et en sel). Ce score est éventuellement minimisé par la soustraction d’éléments nutritionnels considérés comme positifs, calculée en fonction de la teneur de l’aliment en fruits ou légumes (et noix), en fibres et en protéines.

Le score permet de classer les aliments en 5 classes exprimées sous la forme d’une échelle colorielle, une chaîne de 5 disques de couleur différente allant du vert au rouge (vert/jaune/orange/rose fuchsia/rouge), de petite taille ou de grande taille (pour le score atteint par le produit considéré), du moins favorable… au plus favorable nutritionnellement. Un couplage à des lettres (A/B/C/D/E) lui assure une plus grande lisibilité. 

Ce système coloriel intuitif apposé sur la face avant des emballages vient en complément de l’étiquetage nutritionnel dont les termes sont compliqués mais qui est nécessaire pour les personnes souffrant de pathologies spécifiques, nécessitant la surveillance des apports dans un nutriment spécifique. Bien sûr, pour garantir une bonne compréhension du système, il sera nécessaire de développer des stratégies de communication, d’information et de formation : campagnes médiatiques,

Le principe d’un système d’information nutritionnel est aujourd’hui intégré dans le projet de Loi de Santé proposée par la Ministre de la Santé en discussion au parlement. Cette mesure spécifique utile pour les consommateurs doit, bien sûr, être replacée dans le cadre global d’un PNNS renforcé et pérennisé  à la mesure des défis de santé publique. 


Pour mieux comprendre la mesure proposée, visualisez la vidéo explicative :


Serge Hercberg, Université Paris 13/Hôpital Avicenne (AP-HP), Directeur de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN), Président du PNNS (Programme National Nutrition Santé)

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