« Tout changer... dans la continuité »

Frédéric Messian, président de Lonsdale : « Un supplément d'âme pour chaque produit ». C'est ce que voudrait Fréderic Messian, président de Lonsdale, pour l'univers du food.

En tant qu’expert du Branding, quel est votre regard sur le secteur de l’alimentaire ?

La vraie problématique de l’univers du food est de faire cohabiter deux tendances qui pourraient s’opposer. Il y a d’une part le respect du patrimoine historique, car il faut savoir intégrer tout le travail fait en amont sur une marque, et d’autre part tout ce qui a trait aux innovations et prospectives en aval. De plus, dans l’alimentaire, la concurrence fait rage. Le nombre de références proposées n’a jamais été aussi élevé, il est phénoménal. Il y a les marques nouvelles, comme Michel et Augustin, et les marques de distributeurs dont les références augmentent exponentiellement. Et ce n’est pas un épiphénomène : elles représentent 50% des ventes. Les distributeurs ont aussi travaillé à segmenter leur offres. On est passé des premiers prix à des gammes premium, ils sont sur tous les créneaux. Les grands patrons de marque poussent d’ailleurs des coups de gueule ! Si à cela on ajoute les gammes bio, le sans gluten, l’international… Il faut réellement émerger avec un territoire de marque fort qui donne des repères et crée de l’envie…  Dans ce monde en effervescence, le Branding est au cœur des enjeux : les marques ont besoin de se créer des codes forts d’identification en linéaire, sur la toile, dans nos cuisines… sur tous les points de contact. Existants et à imaginer !

Cela change-t-il votre façon de travailler ?

Evidemment, au-delà du packaging, nos métiers doivent intégrer de profondes réflexions sur la fonction des marques et tous les bouleversements que je viens d’évoquer.  C’est d’autant plus vrai pour les catégories challengées par les nouveaux produits, comme cela a été le cas dans le monde de la lessive mais aussi du café. Construire une marque dans ce monde là, un peu « dangereux », relève de la gageure. Parmi les enjeux du discours figurent bien sûr celui du plaisir, mais aussi ceux de la santé, de la sécurité… Alors notre rôle est de construire un territoire cohérent, qui intègre l’ensemble de ces messages, qui soit stable, et s’inscrive dans la durée. Tout le monde peut faire du pack mais créer un système global dans lequel doit grandir et s’épanouir une marque, ça c’est notre vraie mission…

La recette miracle ?

Pour émerger, il faut jongler avec de plus en plus de balles ! J’insiste sur des codes de marques qui s’inscrivent dans la durée. Mais il faut en plus savoir les faire évoluer  réussir aujourd’hui cette phase de bascule pour s’adresser à la génération Y dont le comportement alimentaire est si différent du notre. Et pour autant, ne pas casser l’existant. La marque doit s’adapter aux nouveaux usages, parler certes à la ménagère de moins de 50 ans mais à pléthore d’autres cibles aussi. Le challenge est donc de traduire, notamment sur packaging, un code identitaire qui séduise tant les nomades et leur snacking,  que les consommateurs traditionnels.

L’innovation à tout crin alors ?

Evidemment. Au-delà de l’extrême sincérité dont les marques doivent faire preuve –avec les réseaux sociaux, nous n’avons plus le droit au moindre faux pas – nous sommes obligés de penser à une vie virtuelle du produit. Toutes les affirmations doivent s’illustrer, en promesse produit, en expérience client, en objet connecté, en service consommateur, en site avec partage d’expérience… Quand nous construisons un produit, nous pensons directement digital en amont, et production de contenus. Ce que fait par exemple Lonsdale Digital avec des livres de cuisine digitalisant des recettes de chefs. C’est de cela que le futur est fait. Désormais, nous gérons en extension toutes les façons d’irriguer le produit, par tous les canaux possibles, y compris le travail sur le lieu de vente, le retail, les magasins éphémères. Demain, cela sera aussi des produits en relation avec des autocuiseurs connectés, des yaourtières, la possibilité de télécharger ce qui est en relation avec le pack… Tout se globalise aujourd’hui autour de l’idée de l’expérience client. Là aussi se situe la grande évolution de nos métiers du Branding, nous visons et devons faire vivre des expériences complètes. Le discours de la marque doit être cohérent : graphiquement et au-delà. Et, accompagnant innovation et extrême modernité, nous devons aussi penser RSE, respect de la personne, santé, bien être. La tendance est réellement dans le mieux manger après des années de malbouffe. Il y aura bientôt 8,5 milliards de personnes à nourrir. Alors nous devons travailler dans le respect de la planète et dans un cadre contingenté par de nombreuses contraintes économiques à l’échelle mondiale !

Y’a-t-il des tendances mondiales ? Le pack se globalise ?

Le packaging se globalise par grandes zones au niveau mondial mais l’alimentaire reste le secteur où le phénomène de culture joue le plus. Les lessives peuvent adopter un code unifié, mais pas ce que nous mangeons ! Et plus le produit est sophistiqué plus c’est vrai. Plus c’est simple, comme Coca-Cola, et plus c’est universel. Pour un secteur comme les plats cuisinés par exemple, uniformiser est juste impensable. C’est pourquoi notre vision doit devenir internationale. Nous devons disposer de toutes les données culturelles qui caractérisent tel ou tel marché et être à l’affût des innovations : beaucoup d’idées et de tendances viennent d’ailleurs que d’Europe. La capillarité est dans nos gènes, toujours plus. Notre cellule de veille se développe, nous devons penser « global » et saisir les bonnes idées dès qu’elles naissent, où qu’elles naissent. 

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