Denis Gaucher (Kantar Media France) : ‘’Nous rassemblons toutes nos expertises pour un même client’’

Avec sa nouvelle stratégie, Kantar Media France entre dans une nouvelle ère. Denis Gaucher, le CEO France de l’entreprise, détaille la nouvelle offre où le client est le cœur du réacteur, sur fond d’interconnections des données et de formation interne importante. Interview exclusive.

CB News : Vous mettez en place une nouvelle organisation au sein de Kantar Media. Est-ce dans le cadre d’un mouvement mondial ou est-ce que le marché français est-il si spécifique et important que cela s’imposait ?

Denis Gaucher : Les deux. Nous mettons effectivement en place une véritable nouvelle stratégie. Et dans ce cadre, le marché français est un marché clé au même titre que le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Brésil. Jusqu’à présent, chez Kantar Media, nous avions 4 grandes activités : la mesure d’audience, la veille et la mesure de la publicité, la veille média et brand reputation ainsi que le ciblage des consommateurs via l’étude TGI. Ces activités vivaient leur vie de façon très globale. Notre nouvelle approche est de mettre le client au centre. Nous rassemblons ainsi toutes nos expertises pour un même client. Dès ce mois de janvier 2018, nos clients auront un seul et même interlocuteur contre un par expertise auparavant. Ces expertises sont désormais croisées pour une meilleure offre client.

CB News : Comme cette nouvelle offre se décompose-t-elle ?

Denis Gaucher : Il y a en fait trois grandes parties. D’abord, le « Client focus » pour notamment mieux anticiper et comprendre les besoins. Nous allons être plus « conseil » vis-à-vis d’eux. Nous le faisions déjà avec certains clients, certes, mais je veux que nous accélérions dans ce domaine du conseil et de l’accompagnement. Parce que nous avons la donnée et que nous devons y apporter des explications. C’est répondre à un besoin très important du client dans un paysage très large où il a besoin d’un véritable éclairage, à l’heure où le digital a changé la donne. Il est bien évident que nous n’allons pas nous immiscer dans son plan communication, dans sa stratégie. Notre objectif est de fournir tous les éléments nécessaires, toutes les explications, pour sa prise de décision. Ainsi, notre connaissance pointue du earned et paid media nous permet-elle de croiser les données et autres informations. Nos clients peuvent dès lors regarder et appréhender tous les leviers de communication qu’ils ont à leur disposition.

CB News : Vos datas ont un énorme rôle à jouer dans ce changement ?

Denis Gaucher : Bien sûr. Essentiel. Nous avions jusqu’à présent des outils qui analysaient très bien l’éditorial mais également le paid multi-canal et multimédia. Nous voulons demain interconnecter toutes ces données pour apporter une vision encore plus large à nos clients. C’est la deuxième partie de notre développement stratégique. La donnée et la richesse d’information sont là. Mais elle était parfois dispersée dans les différentes expertises, et peut-être même sous-exploitée. C’est terminé. L’interconnexion de l’ensemble rajoute encore plus de valeur ajoutée grâce à notre nouvelle organisation.

CB News : Vous allez également travailler l’insight client…

Denis Gaucher : C’est le troisième étage de la fusée, oui. Il faut l’apporter aux clients. J’ai beaucoup poussé pour la France la partie insight qui sera peut-être un peu moins présente dans les autres pays. Je le répète, nous avons une richesse de données. Nous avons les experts. Notre credo est d’apporter sur un plateau l’information aux clients, la donnée dont ils ont besoin pour prendre la bonne décision. Dans la masse dont nous disposons, il nous faut être non seulement capable de les collecter, mais aussi de les trier, de les catégoriser, les segmenter… Nous avons les experts.

CB News : Justement, pour cela, vous avez mis en place un lourd plan de formation ?

Denis Gaucher : Nous capitalisons sur les talents de Kantar Media. Nous avons mis en place début décembre 2017 une équipe « knowledge » avec un plan de formation à l’intention des 170 personnes concernées par ces changements afin de transmettre toutes les expertises disponibles. C’est un plan ambitieux, indispensable. Nous pensons l’avoir terminé mi-juillet 2018, via 70 modules et 40 formateurs maison. Lorsque ma feuille de route m’a été délivrée, j’ai bien senti d’entrée qu’il fallait capitaliser sur les talents en interne, et les accompagner, les mettre en valeur et à l’aise avec toutes les expertises.

CB News : Avez-vous d’ores et déjà testé cette nouvelle organisation auprès de vos clients ? Les sentiez-vous un peu perdus pour leur proposer aujourd’hui cette nouvelle organisation ?

Denis Gaucher : Non, ils ne sont pas perdus. Tout cela est derrière nous. Ils ont surtout un besoin d’informations. Ils ont soif de transparence, de KPI’s, de normes identiques pour que tout le monde parle le même langage, avec la même approche. Lorsque vous observiez la façon dont étaient structurés nos clients directs il y a quelques années, eux aussi en pleine mutation, il y avait un dircom, un directeur des médias et un parfois un directeur du digital… Aujourd’hui, souvent, une seule personne a la seule responsabilité des trois parties. C’est pour répondre à ces besoins que nous nous réorganisons. C’est le sens de l’Histoire.

CB News : Cela passe également par un puissant développement de la R&D ?

Denis Gaucher : C’est certain. Kantar Media a mis en place au niveau international un pôle R&D très important avec 200 personnes dédiées dans chaque pays, mais centralisé depuis Londres. C’est une vraie nouveauté. Il est composé de personnes spécialisées dans l’analyse de données, dans la conception de produit et, bien sûr, dans le digital.

CB News : Pour mener ces changements en France, vous vous êtes entouré d’une garde rapprochée ?

Denis Gaucher : Oui, j’ai trois personnes promues autour de moi. Corinne Foucault est ainsi chargée des annonceurs et des institutions France tandis que Sophie Le Barazer a la responsabilité des agences, des médias et des institutions européennes. Hélène Hascoët prend quant à elle les rênes du nouveau département d’interprétation des données (insight & knowledge).

CB News : Pour avancer, vous n’hésitez pas non plus à échanger et travailler en partenariat avec des sociétés ?

Denis Gaucher : Le spectre du digital est tellement large, que sa mesure est bien plus compliquée. Nous croisons énormément de données avec elles pour fournir des estimations. Nous avons des accords avec Médiamétrie, par exemple. Je crois beaucoup à un échange intelligent avec des partenaires locaux et leurs expertises. Je suis à cet égard également très satisfait de nos échanges avec l’IREP et France Pub sur les données marché. Nous voulons encore plus de digital pour ces données. Nous allons travailler avec eux à ce que les séquences de restitution des chiffres soient raccourcies… Nous avons aussi des réflexions autour de la méthodologie. Nous travaillons aussi avec l’UDA, le SNPTV, le SRI, l’UDECAM. Nous ne prenons aucune décision sur le marché sans avoir leur avis. Nous pensons qu’il est important que nous fassions, en quelque sorte, l’unanimité. Cela ne nous empêche pas non plus d’avoir des accords de partenariat avec Spotify, Deezer, Twitter, Facebook…

CB News : Êtes-vous également à l’affût de croissances externes en France ?

Denis Gaucher : Si une société a une approche, une technologie complémentaire à la nôtre, nous regarderons. Mon rôle est également d’identifier et de préconiser cela.

CB News : Quel bilan peut-on tirer pour le marché publicitaire en 2017 ? Quelles perspectives pour 2018 ?

Denis Gaucher : 2017 sera un marché flat par rapport à 2016. Le digital est encore dans la dynamique alors que la TV se maintient très bien. La grande force de ce média est que, de plus en plus, les pure players s’appuient sur lui, et inversement. Ces deux mondes qui pouvaient apparaître comme opposés jusqu’alors sont dans une sorte de convergence. Tout le monde a aujourd’hui bien conscience que chaque levier de communication a son avantage, sa raison d’être pour toucher une cible spécifique.  C’est rentré dans les mœurs. Pour 2018, je pressens une certaine volonté d’investir. J’insiste sur le terme « volonté ». L’atmosphère me semble plus positive.

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