Crise de confiance à France Télévisions

Les journalistes de France Télévisions ont infligé un camouflet à leur patronne, Delphine Ernotte, en adoptant mardi à une majorité écrasante une motion de défiance à son encontre, pour dénoncer des économies sur l’information et une vaste réforme que prépare par le gouvernement. Les journalistes des rédactions nationales du groupe (France 2 et 3, franceinfo…) ont approuvé à 84 % une motion de défiance, qui leur avait été soumise par les Sociétés de journalistes (SDJ) du groupe public, avec un taux de participation au vote de 69 %. Cette motion intervient à quelques heures du début d’une grève de vingt-quatre heures, ce mercredi, à l’appel de trois syndicats, la CGT, FO et le Syndicat national des journalistes (SNJ), à l’occasion de la tenue d’un Comité central d’entreprise. Cette grève vise à contester non seulement les économies prévues en 2018, mais aussi un projet de réforme en profondeur de l’audiovisuel public, préparé par le gouvernement. À la question "Faites-vous confiance à Delphine Ernotte-Cunci pour préserver la qualité et les moyens de l’information à France Télévisions ?", 83,77 % des journalistes votants ont répondu "non" mardi, 8,95 % ont opté pour le "oui", et 7,28 % ne se sont pas prononcés, selon les chiffres des SDJ.

C’est un vote "clair, net et massif", et d’une ampleur inédite au sein du groupe, a déclaré à l’AFP Clément Le Goff, président de la SDJ de France 2. "Le résultat est sans appel, les journalistes ont voulu envoyer un message clair : l’information doit rester la priorité à France Télévisions", a-t-il ajouté. Ce scrutin visait à dénoncer "une attaque inédite contre l’information du service public", selon les organisateurs. La présidente de France Télévisions avait assuré prendre ce vote "au sérieux", dans un message adressé lundi aux salariés. Delphine Ernotte a pris les rênes du groupe public en 2015 et subit régulièrement des critiques, comme lors du remplacement de David Pujadas par Anne-Sophie Lapix aux manettes du 20H de France 2. Sommée par le gouvernement de réduire de 50 millions les dépenses du groupe en 2018, à 2,57 milliards d’euros, la direction veut supprimer 180 postes équivalent temps plein (ETP) l’an prochain, via des non-remplacements de départs à la retraite, dont 30 dans l’information. France TV a en revanche renoncé, face au tollé, à réduire la diffusion des magazines emblématiques de France 2, "Envoyé Spécial" et "Complément d’enquête".  "Nous comprenons la nécessité de faire des économies. Mais demain, avec les coupes budgétaires envisagées par une présidence sans vision stratégique, les équipes ne seront plus en mesure de vous proposer une information de qualité, digne du service public, indépendante et vérifiée", ont estimé les SDJ de France Télévisions.

"Je sais combien certains chantiers peuvent être difficiles, mais ils sont nécessaires", avait plaidé de son côté Delphine Ernotte, dans son message aux salariés. "Si l’information reste l’une des priorités du groupe, elle ne peut pas être exonérée des efforts d’économies que nous devons tous faire. Je prends au sérieux la mise au vote d’une motion de défiance. Elle témoigne d’une inquiétude réelle et d’une demande d’équité dans la répartition des efforts. Nous y serons vigilants et attentifs", avait-elle ajouté. Aux économies envisagées s’ajoutent des inquiétudes liées à l’avenir de l’audiovisuel public. Cet automne, la révélation de "pistes de travail" radicales émanant du ministère de la Culture, évoquant un "rapprochement" entre France Télévisions et Radio France, une fusion de France 3 et France Bleu, la suppression de France Ô ou le passage de France 4 à une diffusion 100 % numérique, a déclenché la colère des syndicats. Des propos très sévères du président Emmanuel Macron envers l’audiovisuel public, tenus la semaine dernière devant des parlementaires, ont accru la tension. Les patrons de l’audiovisuel public doivent présenter des propositions communes à la ministre de la Culture Françoise Nyssen le 21 décembre. Cette dernière remettra ensuite ses recommandations à l’exécutif, en vue d’une décision en février ou mars. Il ne s’agit pas "de supprimer, de fusionner" mais de "réfléchir" à "des synergies et des coopérations", s’est défendue la ministre lundi

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