Après les magazines en France de Lagardère, Czech Media Invest lorgne sur Marianne

Le groupe de médias tchèque Czech Media Invest frappe un grand coup en France : après avoir ouvert des négociations avec Lagardère pour acquérir ses magazines dont "Elle" et "Télé 7 Jours", il souhaite racheter le news magazine en difficulté Marianne. "Czech Media Invest vient d'adresser à Marianne une proposition ferme d'acquisition de 91% du capital de cette dernière", indique dans un communiqué l'hebdomadaire, qui suivait un plan de redressement approuvé par le tribunal de commerce de Paris cet été. L'opération est "subordonnée à la mise en oeuvre de la procédure d'information et consultation des instances représentatives des salariés et à l'approbation du Tribunal de Commerce de Paris dans le cadre du plan de continuation dont bénéficie le journal", précise le magazine. "Les salariés et le management de Marianne et leurs expertises sont un atout majeur pour Czech Media Invest qui demandera à Yves de Chaisemartin de garder les fonctions de PDG et directeur de la publication du journal", ajoute le communiqué. Marianne compte 46 salariés.   Le groupe Czech Media Invest, cofondé et dirigé par le milliardaire Daniel Kretinsky a été très actif en France ces derniers jours, pays dont il souhaite faire le "pilier de sa stratégie d'expansion internationale".  Il a racheté à Lagardère ses radios en République tchèque, Pologne, Slovaquie et Roumanie pour 73 millions d'euros, puis a annoncé être en négociations pour acquérir ses magazines français (Elle, Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public).   Inquiets de ces annonces, les syndicats de la branche médias de Lagardère ont souligné la veille que Daniel Kretinsky "copropriétaire du club de football Sparta Prague", "avait été cité, selon la presse, dans l'enquête dite des Panama Papers pour la possession d'une société basée dans les îles Vierges britanniques". En 2017, Marianne s'est vendu à 143 476 exemplaires par semaine, une très légère baisse de 0,03% sur un an (source ACPM-OJD), et il a dégagé un bénéfice d'exploitation. La moyenne mensuelle de visites sur son site et ses déclinaisons numériques s'est établie à 6 millions de visiteurs. Le magazine s'était déclaré en cessation de paiement et avait été placé début janvier en redressement judiciaire. Un plan de continuation avait été présenté et accepté au tribunal de commerce, qui prévoyait "un apurement de la dette et une réorganisation", pour "se recentrer sur le cœur nucléaire du métier", avait expliqué Yves de Chaisemartin à l'AFP.

Qui est Daniel Kretinsky, patron de Czech Media Invest (CMI) ?

La fortune de ce magnat à la stratégie d'expansion très ambitieuse est évaluée à 2 milliards d'euros. A 42 ans, le milliardaire est le cinquième homme le plus riche de son pays, selon Forbes. Ses activités s'étendent de l'énergie (le groupe EPH, à l'origine de sa fortune) jusqu'à la présidence d'un club de football, le Sparta Prague. Dans le secteur des médias, M. Kretinsky est un gros joueur depuis 2013, suite au rachat avec l'homme d'affaires slovaque Patrik Tkac, du groupe local Ringier Axel Springer CZ, filiale de la coentreprise germano-suisse Ringier Axel Springer Media AG. La société CNC (Czech News Center) qui fait partie du groupe CMI publie des journaux et des magazines lus par quelque 3,5 millions de personnes, dans ce pays de 10,6 millions d'habitants. Il s'agit notamment des quotidiens populaires à gros tirage Blesk et Aha! et du journal Sport, ainsi que de l'un des principaux hebdomadaires du pays, Reflex. Les sites web de CNC dont le site d'information www.info.cz sont quant à eux suivis par quelque 7 millions d'internautes. En 2016, CNC a réalisé un bénéfice net de 19 millions de couronnes (751.000 euros, pour un chiffre d'affaires de 1,88 milliard de couronnes (74 M euros). Le holding CMI inclut aussi la société CN Invest, qui publie quant à elle le quotidien économique E15 et plusieurs magazines de société tels que Maminka ("Maman") et F.O.O.D. "CMI est continuellement à la recherche d'occasions intéressantes d'investissement, autrement dit d'actifs médias de qualité pour un bon prix", a indiqué à l'AFP un membre de la présidence et porte-parole de CMI, Daniel Castvaj. M. Kretinsky, lui, ne parle que très rarement aux médias. C'est surtout le secteur de l'énergie qui est derrière la fortune de M. Kretinsky, qui détient à 94% le géant EPH (Energeticky a Prumyslovy Holding), septième électricien européen. L'EPH contrôle une cinquantaine de sociétés en République tchèque ainsi qu'en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Hongrie, en Italie et en Slovaquie, avec un total de 25.000 employés. Le groupe s'est fait connaître entre autres par le rachat systématique à travers l'Europe de centrales à charbon, au grand dam des écologistes. Il a réalisé en 2016 un bénéfice net de 800 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de 4,9 milliards. Un analyste du groupe financier Cyrrus, Lukas Kovanda a comparé ce qui est selon lui une "expansion agressive s'appuyant sur une dette énorme" de M. Kretinsky à une "chevauchée à dos de tigre". (avec l'AFP)

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