Fake news : l’Assemblée nationale divisée autour de 2 propositions de loi

L'Assemblée est restée divisée mardi à la reprise du débat sur deux propositions de loi controversées contre "la manipulation de l'information" en période électorale, dont l'examen avait été suspendu début juin après huit heures d'échanges électriques sur l'opportunité de légiférer contre les "fake news". Ces deux propositions de loi - ordinaire, et organique pour la présidentielle - visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations" durant les trois mois précédant un scrutin national. Elles imposent aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc.) des obligations de transparence lorsqu'elles diffusent des contenus contre rémunération. Moteurs de ces textes, annoncés par Emmanuel Macron début janvier, "les tentatives de déstabilisation, notamment de l'extérieur" par "la diffusion virale de fausses informations", selon la rapporteure LREM Naïma Moutchou. La Russie a ainsi été accusée d'ingérence lors de la présidentielle aux Etats-Unis, contre Hillary Clinton, mais aussi en France, contre Emmanuel Macron. Cœur de la polémique : la volonté de définir une "fausse information". Début juin, la rapporteure avait fait voter tardivement une nouvelle formulation : "Toute allégation ou imputation d’un fait, inexacte ou trompeuse, constitue une fausse information". Définition alors jugée trop générale par la ministre de la Culture Françoise Nyssen, qui comptait sur le Sénat pour la rendre "plus satisfaisante".

Mardi, les députés ont adopté un amendement gouvernemental pour ne pas limiter la procédure en référé aux seuls cas où la fausse information est "diffusée de mauvaise foi", mais plus généralement de "manière délibérée". Cette procédure "vise à protéger la sincérité du scrutin en mettant fin à un trouble objectif lié à la propagation massive et artificielle de fausses informations. Il ne s’agit pas pour le juge de se livrer à une appréciation de l'intention de l'auteur", a plaidé la ministre. "On ne vise en aucun cas les auteurs de fausses nouvelles, mais leur diffusion" par les plateformes numériques, a-t-elle martelé. Un autre amendement gouvernemental adopté prévoit que l'ensemble des actions en référé seront portées devant la 17ème chambre correctionnelle du TGI de Paris, spécialisée dans les délits de presse, "au nom de l'unité jurisprudentielle". Toujours opposées, droite et gauche ont regretté un texte, au mieux "inapplicable" et "inefficace" vu la rapidité de propagation sur les réseaux sociaux par des sites souvent basés "à l'étranger", au pire "dangereux pour la liberté d'opinion".

"Laissez tomber cette histoire-là, elle ne sert à rien", a plaidé Jean-Luc Mélenchon (LFI). "C'est une loi scélérate qui vise à organiser la censure de l'opinion adverse", a tempêté Nicolas Dupont-Aignan (DLF). "On entre dans la logique de la vérité officielle", a renchéri Eric Ciotti (LR). Des syndicats de journalistes et des médias ont également dénoncé le risque de légitimer une fausse information si le juge n'a pas les éléments pour l'interdire. "La liberté de penser est totale et irréductible. Mais laisser circuler une fausse information, ce n'est en aucune manière servir la démocratie", a répondu Mme Nyssen, invoquant les "garde-fous" protégeant les journalistes.

Le rôle du CSA

Avant de prendre des mesures "proportionnées et nécessaires", comme le blocage du site, le juge des référés devra apprécier, sous 48 heures, si ces fausses informations sont diffusées "de manière artificielle ou automatisée" et "massive". Les plateformes devront notamment indiquer la somme versée, instaurer un système permettant aux utilisateurs de signaler de fausses informations, être plus transparentes sur leur algorithme, sous l'œil du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Elles devront "fournir à l’utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l’utilisation de ses données personnelles" en période électorale, selon un des ajouts portés par Bruno Studer (LREM). Le CSA pourra aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés "par un État étranger ou sous l’influence de cet État", et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. La réponse, législative ou non, aux "fake news" est un débat traversant l'Europe. Refusant à ce stade de légiférer, la Commission européenne a demandé aux plateformes de s'accorder d'ici l'été sur "un code de bonnes pratiques" contre "la désinformation". (avec l’AFP)

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