''Il faut des rédactions à forte valeur ajoutée''

En trois points clefs, François Morinière, Dg du groupe l’Equipe intervenant lors des Rencontres de l'Udecam ce 4 septembre, livre sa vision des médias nouvelle donne. Comment, dotés de rédactions professionnelles à forte valeur ajoutée, ils doivent répondre aux attentes toujours plus diversifiées, évoluer, quels outils ils doivent emprunter... Le tout en restant attentifs au respect de règles constantes.

- Quel est votre regard sur les médias à l'heure des nouvelles temporalités et du tout social?

Nous vivons une interconnexion grandissante des médias les uns avec les autres, qui s’accélèrent sans cesse. Volontairement ou de façon fortuite, la personne tend à se construire une « martingale » personnelle de sources d’informations, issues de multiples horizons, et où le numérique a pris un rôle majeur. Le challenge des médias est de comprendre ses formes de construction, et de répondre à des formes d’attente de plus en plus diversifiées. Cela nous impose 2 exigences nouvelles. Tout d’abord, il nous faut mener une réflexion constante de complémentarité entre nos médias, et dans le cas de L’Equipe, il s’agit d’un schéma unique en France, avec un journal, un magazine hebdomadaire, un site, une appli mobile, une télévision gratuite, et plus de 3 millions d’abonnés à Facebook et Twitter. Ensuite, il faut tout mettre en œuvre pour disposer d’une cohérence de marque, qui doit être impregnée du sceau d’une exigence transversale toujours plus forte sur la qualité. On dit souvent que dans une chaine hi-fi, c’est le maillon faible qui détermine la qualité finale de la musique écoutée. Il ne faut donc aucun maillon faible. Il en va ainsi pour les médias. Tout cela repose sur le respect des règles constantes qui sont à la base d’un média d’information : honnêteté, souci de l’analyse et de la pédagogie, curiosité et indépendance.

- Comment les plateformes de communication peuvent gérer ces nouveaux rapports temps/espace ?

Le recours à des sources souvent multiples doit s’accompagner d’une simplification et d’une ergonomie facilitée pour permettre des accès immédiats et intuitifs, si la personne le désire. La tablette représente en ce sens l’outil idéal de convergence, plus encore que le smartphone. Sa généralisation est en route et va modifier les comportements. Ce qui peut être perçu comme un outil –certes sophistiqué– devient encore plus, puisqu’il pousse le consommateur à découvrir de nouveaux champs d’information. Malgré tout, la règle devient par-dessus tout « le choix ». Et pour des personnes très connectées, possédant les technologies les plus avancées, rien ne remplacera le bonheur de lire le matin le journal l’Equipe papier à la terrasse d’un café.

- Le social peut-il être le facteur de régénération et de lutte contre la fragmentation des audiences ? Comment s'organiser pour qu'il le soit?

Pour ce qui est de la lutte contre la fragmentation, ce n’est pas sûr car les réseaux dits sociaux ont quand même tendance à répliquer les modèles de puissance notamment des marques médias. Le cas de L’Equipe est d’ailleurs illustratif : 2 millions de lecteurs papier par jour, 1 million de visiteurs sur le site, 1,5 millions d’abonnés au fil Twitter. Les réseaux sociaux sont plutôt un consolidateur de la force médiatique, en ouvrant un bénéfice longtemps ignoré par les médias : la voix de retour et l’adhésion participative. En ce sens, c’est effectivement un effet novateur et régénérant. Le risque réside tout de même sur la capacité de ces réseaux à devenir des médias autonomes hyper abrégés mais suffisants. On en revient toujours au point de départ : s’assurer de la complémentarité des médias et de l’existence d’un modèle économique capable de financer l’origine et la création des contenus, et donc en tout premier lieu les rédactions professionnelles à forte valeur ajoutée.

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