iTélé sort exangue de la grève et s'interroge sur son avenir

Les salariés d'iTélé ont voté mercredi la fin de leur grève historique de 31 jours, sans obtenir d'avancées immédiates, notamment sur leur indépendance éditoriale. "Nous sortons de ce conflit éreintés et meurtris, mais la tête haute, avec au cœur le sentiment d'avoir tenté de défendre notre honneur", ont déclaré les grévistes dans un texte, après avoir mis fin au mouvement le plus long de l'histoire de l'audiovisuel privé. Après l'intervention des ministres de la Culture et du Travail dans le conflit, les grévistes ont notamment obtenu la nomination d'un directeur délégué à l'information qui sera désigné par la direction de la chaine, séparé du directeur de la chaîne, et la composition d'une charte éthique d'ici à quatre mois. La nouvelle loi sur la liberté des médias prévoit une telle charte pour toutes les rédactions d'ici au mois de juillet. Ceux qui veulent quitter la chaîne bénéficieront aussi de meilleures conditions de départ.

Les journalistes pourront également refuser de travailler pour l'émission de Jean-Marc Morandini, dont l'arrivée a déclenché la grève, mais ils n'ont pas obtenu le départ de l'animateur controversé, mis en examen pour "corruption de mineur aggravée". La direction n'a pas non plus cédé sur la double casquette de Serge Nedjar, à la fois directeur de la chaîne et de la rédaction, un mélange des genres aux yeux des grévistes qui réclamaient un nouveau directeur de la rédaction. "Le dialogue avec la direction a été lent, difficile, rythmé par de trop nombreuses plages de silence", regrettent les salariés dans leur texte. Le directeur général du groupe Canal+, Maxime Saada, a lui aussi estimé que "ça aurait sans doute pu être plus court", lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes médias (AJM). "Il y avait des inquiétudes sur le modèle éditorial de la chaîne sur lequel on a pris des engagements", a-t-il dit. "C'était sans doute nécessaire de passer par là. Il y (avait) un manque de confiance entre les gens, un tel niveau d'incompréhension. Les responsabilités sont partagées".

Dans ce contexte, 25 journalistes ont annoncé leur départ mercredi, s'ajoutant à la dizaine qui était déjà en partance, selon des journalistes de la chaîne. Ce chiffre n'a pas été confirmé par la direction. Le journaliste politique Jean-Jérôme Bertolus et le reporter Mathieu Cavada démissionnent après quatre rédacteurs en chef, le spécialiste de l'international Olivier Ravanello ou encore Amandine Bégot, qui présentait la tranche 17H-19H. "On essaiera de remplacer les départs", s'est contenté de commenter M. Saada mercredi, "mais ce n'est pas un engagement à remplacer chaque départ".

Et maintenant ?

Quid de iTélé, maintenant ? Elle restera une chaine d'information en continu mais avec "des colorations plus fortes" sur le sport, la culture et le cinéma afin de se distinguer de ses concurrentes, a ainsi déclaré le directeur général de Canal+. "Il y avait manifestement des inquiétudes sur le modèle éditorial de la chaîne sur lequel on a pris des engagements qui viendront, je l'espère, rassurer les équipes sur le fait qu'on veut rester une chaîne d'information en continu", a-t-il indiqué. "C'est le seul positionnement qui fait sens dans ce marché. Après, on a l'ambition de donner une coloration éditoriale à la chaîne un peu différente de ses concurrentes. Il s'agit plus de différenciation que de changement de modèle éditorial", a-t-il précisé. Pour ce projet baptisé CNews, "on n'a pas encore déterminé la date de lancement", a-t-il ajouté. Le retour de l'animateur controversé Jean-Marc Morandini à l'antenne sera aligné sur ce lancement, selon le dirigeant. Pour ne pas augmenter les dépenses de la chaîne, qui n'a jamais été rentable selon M. Saada, le projet s'appuiera sur les forces du groupe Canal+ : le sport, avec "sans doute un grand rendez-vous hebdomadaire ou bihebdomadaire", la culture, le cinéma, "sans doute la musique" et "potentiellement l'international" car "on s'adresse historiquement à des téléspectateurs CSP+". "On restera une chaîne hot news", avec "quelques émissions hebdomadaires", a-t-il résumé. Il a rappelé que les coûts d'iTélé s'élevaient à environ 60 millions d'euros par an pour 35 millions de revenus et que le but était de "s'approcher au maximum de la rentabilité". "Je ne pense pas qu'on va pouvoir trouver 60 millions d'euros de revenus, donc il faut qu'on dépense moins". Il en profiter pour "saluer" la travail de la chaine d'info concurrente, BFM TV, qui "est partie bien après nous, est passée devant en dépensant beaucoup moins". Toutefois, la vente de la chaîne n'est pas à l'ordre du jour : "Vincent Bolloré (patron de Vivendi, maison mère du groupe Canal+) m'a indiqué qu'il souhaitait conserver l'actif et le développer. Il m'a dit qu'il pensait que c'était important d'avoir une chaîne d'information dans le groupe. Pour lui, c'est un actif important". Et "je ne questionne pas les choix de mon actionnaire", souligne Maxime Saada qui concède avoir été quant à lui en faveur d'une vente de la chaine car "l'info cela ne s'exporte pas, sauf CNN".   M. Saada a également précisé que la direction s'était engagée dans le protocole d'accord signé à iTélé à ce que les rédactions du groupe restent séparées, écartant tout projet de fusion avec le journal Direct Matin, l'une des craintes des grévistes.

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