Le député Marcel Rogemont tire à boulet rouge sur le CSA

Un rapport parlementaire a relevé mercredi les carences de la loi de 2013 qui étendait les pouvoirs du CSA, proposant une nouvelle réforme des attributions du régulateur de l’audiovisuel. "Les nouvelles attributions du CSA engendrent un dédoublement fonctionnel et un mélange des genres qui mettent le régulateur dans une situation particulièrement inconfortable", analyse le député PS Marcel Rogemont dans son rapport sur la loi de 2013, adopté mercredi par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée. En rendant des avis sur les orientations de l’audiovisuel public, le CSA entre en "concurrence directe" avec les rôles de l’État et du Parlement, selon le député. Le député souhaite également que le CSA ne choisisse pas les dirigeants de l’audiovisuel public sur leur projet, mais plutôt "sur des critères de compétence managériale et d’expérience". Il fait en effet valoir "la difficulté d’asseoir la nomination d’un président sur un projet préparé sans connaissance réelle des données de l’entreprise, sans en discuter avec les tutelles et sans consulter les salariés".

Il tacle ainsi, lors de son audition par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée, le processus de nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France où ni le futur président du groupe radiophonique ni même le CSA "n’avaient une vision suffisamment éclairée de la situation de l’entreprise, notamment financière". M. Rogemont a en outre pointé la publication par le CSA d’une simple synthèse du projet stratégique de M. Gallet alors que l’instance doit produire un rapport quadriennal sur la base dudit projet. Ce qui, selon le député, rend "encore plus opaque la nomination d’un projet stratégique et surtout la nécessaire transparence de son évaluation au bout de quatre ans".

La feuille de route des dirigeants de France Télévision, Radio France et France Médias Monde (France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya) serait alors établie directement par l’Etat, avant leur nomination. Une proposition de loi dans ce sens sera déposée avant le 15 février, a annoncé le député. "Si le législateur n’est pas satisfait, il lui appartient d’agir", a déclaré un porte-parole du CSA, contacté par l’AFP.

Une commission d’enquête parlementaire pour le cas Numéro 23

Dans le même rapport, le député est revenu sur l’attribution par le CSA en 2012 d’un canal de la TNT à la chaîne Numéro 23. Une autorisation retirée en octobre dernier qui prendra en principe effet à compter du 30 juin prochain. "L’affaire Numéro 23 constitue un cas d’école qui a contribué à jeter le discrédit sur l’ensemble de la politique audiovisuelle", accuse le député. Cette affaire a "mis en lumière une série de graves manquements et d’interrogations" liées à la tutelle du CSA sur cette chaîne, estime-t-il.

Numéro 23 avait obtenu gratuitement en 2012 une autorisation d’émettre, accordée par le CSA, alors présidé par Michel Boyon, dans le cadre d’un appel d’offres pour six nouvelles fréquences. La chaîne avait fait valoir qu’elle défendrait la diversité. En 2015, Numéro 23 avait annoncé son intention de se vendre au groupe NextRadio TV d’Alain Weill pour 88,2 millions d’euros. Estimant qu’il s’agissait d’une spéculation frauduleuse sur une fréquence publique, le CSA, présidé par Olivier Schrameck, a décidé en octobre 2015 de retirer à la chaîne son autorisation de diffusion, une première. "Il y a un scandale dans l’affectation de Numéro 23", a déclaré M. Rogemont à l’AFP. Le CSA avait pris la précaution d’introduire dans la convention de Numéro 23 un délai de deux ans et demi avant une éventuelle cession. Le fait même que le CSA ait jugé nécessaire d’introduire cette clause, "de façon totalement inédite, […] ne peut qu’interroger sur sa connaissance de l’objectif réel de l’opération", avance l’auteur du rapport. C’était "ouvrir la porte à une vente rapide", a-t-il jugé. Le député pointe aussi du doigt les "obligations particulièrement peu ambitieuses" réclamées par le CSA en contrepartie de l’attribution d’une fréquence à Numéro 23, alors qu’il est "comptable de la qualité de la plate-forme hertzienne". Ces obligations "n’ont pas été remplies par Numéro 23", estime-t-il, regrettant que le régulateur ne s’en soit pas ému "avant le déclenchement d’une polémique sans précédent", en octobre 2015. Les questions et les accusations portées par la presse et les députés sont ainsi "suffisamment graves pour que le rapporteur sollicite la mise en place d’une commission d’enquête", estime Marcel Rogemont.

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