Le Monde sans direction

Une surprise sans en être vraiment une ? Contestée par sa rédaction sur ses méthodes et ses projets de réforme, la directrice du Monde Natalie Nougayrède a démissionné mercredi, après seulement 15 mois de mandat, C'est un dénouement rapide et brutal pour un conflit qui durait depuis plusieurs semaines et s'était brusquement aggravé la semaine dernière. Mme Nougayrède a tenté, en vain, de se constituer une nouvelle équipe, sans trouver d'alliés en interne. La rédaction, comme la direction, la poussaient à se contenter de fonctions de représentation, un rôle de "reine d'Angleterre" qu'elle a refusé de jouer, selon une source proche du dossier. Ce qui rendait son départ inévitable. Dans un courriel à l'AFP mercredi, elle a expliqué qu'elle ne pouvait pas "consentir à l'effacement du poste de directeur du journal". "La volonté de certains membres du Monde de réduire drastiquement les prérogatives du directeur du journal est pour moi incompatible avec la poursuite de ma mission", a-t-elle souligné.

Un nouveau directeur « rapidement »

"La démission de Natalie n'est pas une bonne nouvelle pour notre collectivité", a commenté Louis Dreyfus, le président du directoire, dans un message interne aux salariés. "Il est aujourd'hui indispensable de mettre en place, dans des délais courts, une solution de continuité qui préserve la fonction de directeur et permette de mener à bien la poursuite de nos projets (...) dans une vraie logique de concertation", promet-il. "Les actionnaires proposeront très rapidement une solution pour la direction du journal". "Cette crise témoigne de la difficulté de transformer les journaux. Tout le monde a en tête la période de pourrissement long à Libération, il fallait une issue rapide", a commenté une source proche du dossier. Le conflit est né à la fois du malaise de la rédaction face à des réformes rapides favorisant le numérique au détriment du papier et aux méthodes d'une directrice jugée "autarcique" et "rigide".

La direction, attachée avant tout à faire passer ses réformes, a accepté la semaine dernière de ralentir leur cadence. Louis Dreyfus, le président du directoire, a annoncé que le plan de mobilité serait prolongé jusqu'à fin septembre et reporté à l'automne la nouvelle formule papier, qui devra s'articuler avec une éventuelle édition du matin pour mobiles. Pour certains syndicats, le remplacement de la directrice ne suffit pas. Ils réclament une suspension des réformes et leur remise à plat. "La direction a voulu tout faire à la fois : déplacer des journalistes vers le numérique, une nouvelle formule papier et l'édition pour mobiles", a-t-on commenté de source syndicale. "Tout se cristallise sur Natalie Nougayrède alors qu'ils étaient deux dans le directoire, avec Louis Dreyfus. Elle a été mauvaise pour vendre les réformes, mais ils ont été deux pour les concevoir". Dans un communiqué, la Société des lecteurs du Monde indique qu'elle « souhaite qu’une réflexion de fond soit menée pour que les missions du directeur du Monde puissent se dérouler dans un contexte de concertation, d’innovation etde stabilité ».

À lire aussi

Filtrer par