Le Monde : une fin d'année compliquée

Le groupe Le Monde enregistrera "un résultat d'exploitation négatif en 2013" après une année 2012 bénéficiaire, selon le président du directoire Louis Dreyfus devant l'Association des journalistes médias (AJM). "Les recettes se sont bien tenues jusqu'à fin septembre, mais depuis octobre il y a une baisse brutale de recettes publicitaires" due à "l'inquiétude générale des annonceurs non pas envers la presse, mais envers l'économie, envers la consommation en France". Et quelles seront les tendances en mars, avril, mai et juin ? "Personne ne le sait", assure-t-il. Dans ce contexte, malgré tout, "nous visons un retour à l'équilibre dès 2014", a poursuivi M. Dreyfus. "Cela force à s'interroger sur la façon d'accélérer la transformation du modèle". Ainsi, "nous serons attentifs à nos structures de coûts" avec notamment "de nouvelles offres éditoriales" mais aussi avec le développement, en 2014, d'une activité événementielle en partie payants et en partie sponsorisés par des annonceurs, et le lancement au 1er semestre d'une édition numérique quotidienne pour tablettes, le soir. Le président du directoire ne s'est par ailleurs pas montré hostile au développement du "native advertising", à condition qu'ils soient clairement identifiés comme tels pour les lecteurs.

Kiosque et numérique

"Ce qui se passe dans la presse va forcer à une consolidation accélérée dans les années qui viennent" car "le niveau d'investissement demandé à chaque groupe pour les cinq prochaines années est important et demande des actionnaires industriels", a estimé M. Dreyfus. "Il va y avoir des rapprochements, cela va arriver, car les à-coups du marché publicitaire sont très violents aujourd'hui et il y a une forte dégradation du système de distribution". "Mais "il faut avoir les moyens", a-t-il ajouté. Pour lui, toutefois, "le kiosque est encore un moyen de renouveler nos lecteurs", même si la présence du quotidien Le Monde sur le Newsstand d'Apple lui a permis depuis le 14 novembre dernier de "doubler le rythme de recrutement sur la période". Concernant l'absence du groupe Le Monde sur la plateforme ePresse, M. Dreyfus campe sur ses positions avec un ironique "je leur souhaite bonne chance". Argumentant, il considère la vision d'ePresse qui consiste pour les éditeurs "à se donner la main" pour être une véritable "alternative", un "peu naïve". De plus, explique-t-il, "on servirait inutilement de locomotive" alors que "l'outil technologique est moins performant que celui d'Apple".

Interrogé sur les aides à la presse récemment révélées par le ministère de la Culture et de la Communication, Louis Dreyfus invite ses confrères "à construire leur modèle économique hors des aides". De même, le fonds Google pour la presse ne doit être qu'un des outils de développement. Il faut là aussi "construire de façon autonome" des modèles économiques et "réfléchir aux relais de croissance", souligne-t-il. Selon lui, la direction du Monde étudie pour 2014 une hausse du prix et pour le journal papier et pour sa version numérique, qui compte 125 000 abonnés dont 55 000 qui reçoivent uniquement sa version en ligne. Si la TVA sur la presse en ligne était ramenée à 2,1%, comme le prévoit la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filipetti pour 2015, cela économiserait au journal actuellement environ 1 million d'euros, a-t-il évalué.

Papier : encore "85-86%" du CA du groupe

Au sein du groupe, qui comprend aussi notamment Télérama, Courrier International et La Vie, l'hebdomadaire culturel Télérama affichera "une rentabilité positive de 7 millions d'euros". Côté diffusion, sur l'ensemble de 2013 le journal le Monde aura vu ses ventes baisser de 2,5% environ, a-t-il estimé. Le papier représente encore "85-86%" du chiffre d'affaires du groupe. Par ailleurs, Le Monde continue à restructurer son activité imprimerie, qui a été ramenée de 242 personnes à 86, mais qui va encore générer de 2,5 à 3 millions d'euros de pertes annuelles. Revenant sur les suppressions de postes à Courrier International, il a souligné que la perte du contrat avec la Commission européenne pour le site presseurop.eu - que rédigeait Courrier International - coûtait au magazine "dix années de son résultat" puisque ce contrat représentait 2,5 millions d'euros alors que l'hebdomadaire dégageait un bénéfice de 250 000 euros par an. D'après lui, les suppressions de postes envisagées sont liées aux effectifs qui travaillaient pour presseurop.eu, "sauf trois ou quatre postes" supplémentaires.

Enfin, M Dreyfus a confirmé, comme l'a révélé Satellinet, que plusieurs groupes de presse avaient demandé un rendez-vous à Médiamétrie pour protester contre les nouvelles règles de mesures d'audience internet appliquées par l'institut depuis ce mois-ci. Médiamétrie refuse désormais de cumuler l'audience des sites qui n'apparaissent pas clairement comme faisant partie du même groupe. Pour le Monde, cela signifie par exemple qu'il ne pourra plus agréger à son site l'audience du HuffingtonPost. Selon M. Dreyfus, cette nouvelle règle "défavorise tout le monde sauf Le Figaro, c'est donc discutable".

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