Le Nouvel Observateur : Claude Perdriel s'explique

"Je n'ai jamais été un actionnaire financier". Claude Perdriel est revenu jeudi sur le rachat du Nouvel Observateur par le groupe Le Monde, lors d'un déjeuner organisé par l'Association des journalistes médias (AJM). "Pour la vente du Nouvel Observateur, ma société n'a touché que 4,1 millions d'euros, bien moins que sa valeur : je ne l'ai pas vendu, je l'ai donné", a raconté son fondateur qui a vendu 66% du premier news magazine français au trio Bergé-Niel-Pigasse, propriétaires du Monde. Il a ainsi expliqué que sa holding SFA avait reçu 6,5 millions d'euros, mais avait reversé 1,5 million aux repreneurs pour aider aux frais de restructuration et 900 000 pour financer deux ans de primes pour une dizaine de salariés. "Pour un journal qui a plus de 90 millions d'euros de chiffre d'affaires et 420 000 abonnés, sa valeur réelle est très supérieure. J'avais dit à Xavier Niel dès septembre (2013) que je vendrais à un prix dérisoire, mais que je demanderais aux nouveaux actionnaires de mettre 6,5 millions d'augmentation de capital. Auprès d'eux, cela me donne un poids moral plus grand que si j'avais reçu 50 millions", a-t-il ajouté. "L'argent que j'en tire sera investi dans Sciences & Avenir et Challenges", les deux magazines qu'il conserve. "J'ai découvert en signant le protocole de vente que Le Nouvel Observateur avait perdu 9,8 millions d'euros en 2013... je pensais que c'était 8" a-t-il souri. "Je me réjouis de la réunion des deux , c'est tout aussi bon pour Le Monde que pour L'Obs", estime-t-il. "Peut-être même que Le Monde a y gagner".

Un bon journal, mais mal vendu

Il a ensuite formulé plusieurs critiques contre la stratégie actuelle de l'hebdomadaire dont la vente devrait être effective "dans moins de 4 semaines", en particulier ses couvertures, point de friction croissant avec la rédaction ces derniers mois. "Le Nouvel Observateur est un très bon journal, mais très mal vendu. On a trop fait de couvertures sur des articles très bons mais qui n'intéressent pas les gens. Une couverture doit être un compromis. L'Obs n'a pas fait de compromis", a-t-il dit. "Et puis L'Obs est orgueilleux, n'a jamais voulu intégrer les apports d'autres rédactions, de Challenges ou Sciences et Avenir". Cette difficulté à bouger, "ça m'a déprimé". "C'est pour ça que Louis Dreyfus arrive, lui pourra le faire bouger", a-t-il lancé. Ajoutant au passage qu'il "ne croyait pas beaucoup" en la sortie le 14 avril prochain d'une édition numérique quotidienne du soir du Nouvel Observateur.

Une trentaine de départs

Louis Dreyfus, le représentant des nouveaux actionnaires, est déjà aux commandes du Monde et devrait diriger de facto le sort de L'Obs, même s'il nomme un nouveau directeur qui devra être "un choc, quelqu'un de jeune, qui travaille ou qui a travaillé à l'Obs", ce qui serait "un énorme avantage", selon lui. "Louis Dreyfus est un ami. Je suis aussi un ami de son père et de son beau-père", a confié M. Perdriel. Lorsque s'ouvrira la clause de départ pour les journalistes de L'Obs, les nouveaux actionnaires s'attendent au départ d'une trentaine de personnes, voire plus, surtout les plus de 60 ans, a-t-il par ailleurs dit. Quant à lui, il "emmènera 5-6 personnes du Nouvel Obs vers Challenges et Sciences et Avenir". D'ailleurs, Sciences et Avenir "gagne de l'argent et vise les 300 000 exemplaires" tandis que Challenges en "perd un peu", mais cela "ne pose aucun problème économique", explique Claude Perdriel. Une édition quotidienne numérique du soir de l'hebdomadaire devrait en outre être distribuée "d'ici 2 mois".

"Je ne garderai pas de bureau"...

"On ne peut pas résumer ce que vous payez un journaliste au nombre de feuillets. A L'Obs, le talent compte. Comptez sur moi pour le rappeler aux nouveaux actionnaires", a-t-il promis, rappelant au passage qu'il conservera la direction de Télé Obs et Paris Obs et qu'il pourra pendant les 6 prochains mois donner son opinion sur les départs de collaborateurs, et que pendant "un an encore", il continuera de s'occuper de la couverture du Nouvel Observateur. "Je ne garderai pas de bureau", souligne-t-il tout de même. Enfin, interrogé sur la démission du directeur de la rédaction Laurent Joffrin la semaine dernière, il a répondu : "je souhaitais qu'il reste. Mais il est pire que moi, il est plus gentil. Il écoute un peu trop les talents autour de lui. C'est pour ça qu'il sera mieux comme éditorialiste. Son remplaçant, c'est Louis Dreyfus qui le choisira".

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