Les producteurs audiovisuels s'insurgent contre la revente des programmes

Le syndicat des producteurs audiovisuels, l'USPA, s'est indigné du vote par le Sénat d'un amendement donnant aux chaînes de télé des droits sur la revente des programmes qu'elles ont majoritairement financés. Cet amendement, passé dans la nuit de mardi à mercredi dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'indépendance de l'audiovisuel public, permet aux chaînes de détenir des parts de coproduction dans ces programmes, après des années d'interdiction. Elles pourraient donc toucher des droits ou simplement bloquer la revente du programme à d'autres chaînes, alors que jusqu'ici ces droits restaient intégralement aux mains des producteurs. "C'est un amendement scélérat, nous sommes en colère contre ces méthodes", a dénoncé à l'AFP Jean-Pierre Guérin, président de l'USPA. "C'est le fruit d'un lobbying invraisemblable de TF1 et de M6", a-t-il accusé. "Leur unique but est de bloquer la circulation des oeuvres, pour éviter de voir des programmes qui étaient chez eux repasser sur les chaînes de la TNT, qui leur font concurrence". "Pour une série qui a 20 ans, il est normal que les droits soient libres", a-t-il poursuivi. "Il n'y a aucune raison pour que les droits soient donnés à vie. Et puis des droits sur la revente ne leur rapporteraient que très peu d'argent, ils veulent uniquement empêcher la circulation des oeuvres françaises, alors qu'ils en commandent au compte-goutte et préfèrent acheter des séries américaines, comme Les Experts sur TF1", accuse-t-il.

La fin de 20 ans de décrets Tasca

"Qu'on laisse aux producteurs au moins les droits de commercialiser les oeuvres sur la France, sinon on porte un coup grave à la production indépendante. La TNT était devenue pour nous un second marché, nos seules recettes commerciales, car on a très peu de chances de vendre la production française à l'international". Le sénateur Jean-Pierre Plancade, auteur d'un rapport qui recommandait une telle mesure, s'en est dit jeudi dans « Le Monde » extrêmement satisfait, se réjouissant de "mettre fin à 20 ans de décrets Tasca". L'amendement modifie en effet ainsi la loi du 30 septembre 1986, qui indiquerait maintenant que "l'éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, de parts de producteur, sauf s'il a financé une part substantielle de l'oeuvre" . Le pourcentage de financement qui donnerait ce droit n'est pas précisé, mais en séance la ministre de la Culture Aurélie Filipetti, qui a défendu l'amendement, a évoqué des seuils de 70 à 75% minimum, qu'un décret devra préciser.

Depuis longtemps les chaînes se plaignent de financer des émissions mais de ne détenir aucun droit sur la revente des programmes, en vertu des "décrets Tasca" de 2001. Cet amendement, voté dans un texte dont ce n'était pas l'objet, devra maintenant franchir le cap de la Commission mixte paritaire du Sénat et de l'Assemblée, chargée de rédiger une version commune de la loi. Les relations producteurs-diffuseurs font actuellement l'objet d'un rapport commandé par la ministre de la Culture à Laurent Vallet, président de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic).

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