Les salariés de Libération déclenchent leur droit d'alerte

Au lendemain d’une série de départs, la tension est montée d’un cran jeudi à Libération où les salariés vont déclencher leur droit d’alerte auprès de la direction pour l’interroger sur la situation économique du journal, alors que les actionnaires affichent leur confiance. Mercredi, lors d’un conseil de surveillance long et houleux, Philippe Nicolas, coprésident du directoire de Libération avec Nicolas Demorand, qui avait démissionné la semaine dernière, a été révoqué par les actionnaires du journal. Il est remplacé par François Moulias qui devient le seul président du directoire. En interne, on estime que la révocation de Philippe Nicolas est liée à sa volonté de déposer le bilan et de placer le quotidien sous la protection du tribunal de commerce alors que François Moulias et Bruno Ledoux, principal actionnaire du journal, ne le souhaitent pas. Au cours de ce même conseil de surveillance, Anne Lauvergeon, qui en était la présidente, a démissionné et laissé sa place à Bruno Ledoux. Plusieurs sources internes indiquent que le départ d’Anne Lauvergeon, qui souhaitait démissionner depuis des mois, ne serait pas lié directement à la crise actuelle. "Je suis confiant et je félicite les équipes pour le travail qu’elles font tous les jours", a assuré jeudi à quelques journalistes François Moulias. "Deux ou trois investisseurs ont déjà manifesté leur intérêt à l’égard de ce projet (de réseau social et espace culturel) et pourraient apporter des liquidités complémentaires", a avancé sans plus de détails Bruno Ledoux dans un entretien au site internet des Echos, jeudi.   "J’espère être en mesure de proposer une solution de long terme courant mars avec une forte contribution de ma part. Mais je ne souhaite pas être seul", a-t-il ajouté, précisant qu’il réfléchissait "au moyen d’apporter, dans le cadre d’un tour de table, l’immeuble de 4 000 mètres carrés dans le Marais, où est installé le journal, dont je détiens un tiers du capital". 

"Cela permettrait de consolider le bilan de Refondation (holding du quotidien, ndlr) et donc de Libération, très au-delà des besoins réels. Un tel actif vaut une trentaine de millions d’euros. Cela est un signal fort", a-t-il estimé. Son projet de créer un réseau social et de transformer le siège parisien de Libé en espace culturel, transférant la rédaction en banlieue, dévoilé début février, avait déclenché la colère des salariés et transformé les inquiétudes en crise ouverte. La préoccupation quant à l’avenir de leur journal est montée d’un cran parmi les salariés qui évoquent un "flou le plus total" et des "investisseurs masqués". Réunis jeudi midi en assemblée générale, les représentants du personnel ont annoncé qu’ils allaient déclencher un droit d’alerte, procédure qui permet d’interroger la direction sur la situation économique du quotidien, vendredi après-midi lors d’un nouveau comité d’entreprise. "À court terme, est-ce que les actionnaires vont remettre ou pas de l’argent et, à long terme, quel projet d’entreprise les actionnaires imaginent ?" s’est interrogé Nicolas Cori, élu SUD au CE. "On a l’impression que l’on discute depuis des mois avec des interlocuteurs qui nous baladent", a-t-il ajouté, soulignant "qu’aucune crédibilité" n’était plus accordée par les salariés à la promesse de nouveaux investisseurs. Plusieurs salariés de Libération, interrogés par l’AFP mais souhaitant rester anonymes, estiment qu’un dépôt de bilan permettrait, d’une part, d’ouvrir un guichet départ pour ceux qui le souhaitent avec des indemnités à la clé, et, d’autre part de pouvoir repartir avec un repreneur qui aurait un "autre projet et une meilleure surface financière".

À lire aussi

Filtrer par