Ligue 1 : Plus d’un milliard € avec Mediapro, beIN Sports et Free, mais sans Canal+

La pilule a dû être bien (bien) amère, mardi fin de journée, dans les locaux du groupe Canal+. La Ligue de football professionnel (LFP) a en effet tranché dans l’appel d’offres lancé fin avril sur les droits TV domestiques de la période 2020-2024 de la Ligue 1. Et pas en faveur du diffuseur historique (avec beIN Sports) de la compétition qui repart bredouille, ne se voyant attribuer aucun des 7 lots mis en concurrence. Le grand vainqueur ? Le groupe espagnol Mediapro, détenu par le fonds privé chinois Hontai Capital (53,5%) et WPP (22,5%), qui rafle la mise avec les principaux lots et devrait créer sa propre chaine 100% football. Il remporte ainsi les 10 plus belles affiches de la saison et l'affiche du dimanche à 21h (lot 1), le match du vendredi à 21h et le match du samedi à 17h (lot 2) ainsi qu’un match le dimanche à 13h et 4 matches le dimanche à 15h (lot 4). Le lot 3 a quant à lui été attribué à beIN Sports (le match du samedi à 21h, le match du dimanche à 17h ainsi que le magazine du samedi soir) tandis que Free remporte les droits de diffusion d'extraits en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en vidéo à la demande (lot 6). Le lot 5 comprenant les 3 Multiplex (Journées 19, 37 et 38), les matches de barrage et le trophée des champions n’a pas trouvé preneur, de même que le lot 7 comprenant les magazines de la semaine. Ces deux lots, dont "le prix de réserve" fixé par la LFP n'a pas été atteint, seront remis en vente "avant la fin de l'année 2018", a encore indiqué la LFP.

Si certains pleurent côté diffuseurs, du côté de la LFP, on avait le sourire mardi. En effet, les droits audiovisuels ont été attribués pour un montant total dépassant le milliard d’euros (1 153 471 723 millions d’euros exactement) par saison, ce qui représente une hausse de 59,7% avant attribution des lots 5 et 7 vs la période 2016-2020. Et un montant total de 4 613 886 892 millions d’euros pour la période du contrat (2020-2024). "C'est un appel d'offres fructueux, avec une augmentation significative de nos droits TV", s'est félicitée la présidente de la LFP, Nathalie Boy de la Tour. Les droits pour la période 2016-2020 s'élevaient à 762 millions d'euros. Canal+ "n'est plus attributaire d'aucun lot" bien qu'il ait fait des offres "sur chacun des 7 lots" mis en vente, a précisé le directeur général de la LFP Didier Quillot. Pour ce dernier, cette augmentation "significative" du contrat "va permettre d'accélérer le cercle vertueux que nous avons commencé à créer. Il y a eu de nouveaux investisseurs, de nouveaux investissements, de nouveaux revenus et cela va continuer à accélérer ce cercle vertueux", s'est-il félicité. Pour le président du directoire du groupe Canal+ Maxime Saada,"il y a une certitude, c'est que Canal ne mourra pas d'avoir payé trop cher des droits sportifs comme la plupart de ses concurrents", s'est-il défendu.

Sous-licence or not ?

De source proche du dossier, certains diffuseurs traditionnels envisagent des accords de sous-licences avec les détenteurs majoritaires des droits pour récupérer au moins en partie certains lots. Didier Quillot a d'ailleurs précisé mardi que "Mediapro peut sous-licencier ou pas, c'est à sa discrétion car c'était prévu dans l'appel d'offres". "Ce qui nous a été remis de la part de Mediapro, c'est le projet d'une chaîne éditoriale avec de nombreux matches et c'est pourquoi ils ont fait des offres sur de nombreux lots". Dans un communiqué, Canal+ a précisé qu’il entendait pour la période postérieure à l’été 2020 examiner « les possibilités de sous-licence qui sont prévues et autorisées par le règlement de l’appel d’offres » mais également explorer « les partenariats éventuels avec les détenteurs de droits sportifs premium, à l’instar des accords de distribution déjà en place avec BeIn Sports ou Eurosport ». Un des responsables de la LFP, Mathieu Ficot, a précisé que "si un attributaire des droits souhaite sous-licencier, il ne peut le faire qu'à un seul sous-licencié, pour deux saisons minimum et sous-licencier le lot dans son entièreté". Suffisant, selon la LFP, pour éviter les turpitudes du championnat italien.

Mediapro malmené en Italie

Hasard du calendrier, justement. La Ligue italienne de football a annulé le contrat passé avec ce même groupe espagnol Mediapro pour les droits TV de la Serie A de 2018 à 2021, rapportent mardi les médias sportifs italiens. Les clubs de Serie A représentés à la Ligue ont voté à l'unanimité l'annulation du contrat, écrivent la Gazzetta dello Sport et le Corriere dello Sport. En février, Mediapro avait obtenu les droits de la Serie A grâce à une offre de 1,05 milliard d'euros par saison. Mais son projet de revente des droits a été retoqué le 9 mai par un tribunal de Milan, saisi par Sky, l'un des diffuseurs actuels du football en Italie. Avant cette décision de justice, Mediapro avait annoncé qu'il ne verserait pas la garantie bancaire prévue d'un milliard d'euros tant qu'il ne pourrait pas disposer de ces droits. C'est l'absence du versement de cette garantie qui a entraîné la décision de la Lega Serie A. Selon la Gazzetta dello Sport, Mediapro a désormais sept jours pour verser la somme prévue. Sinon, la Ligue pourra lancer des discussions de gré à gré avec les diffuseurs intéressés, parmi lesquels Sky. Les médias italiens évoquent également une possible action en justice du groupe espagnol. Selon la Gazzetta, la Serie "pourrait restituer les 64 millions d'euros versés par Mediapro au titre d'acompte en échange de la renonciation à une action contentieuse". En attendant, on ne sait pas où et comment seront diffusés les matches de la prochaine saison de Serie A, qui débute le 18 août.  Jusqu'à la fin de la saison terminée il y a huit jours, les groupes Sky et Mediaset se partageaient les droits télé domestiques de la Serie A, qui s'élevaient à 945 millions d'euros par an sur la période 2015-2018. Pour la France, Didier Quillot et la LFP se sont montrés rassurants en indiquant que le cahier des charges de l'appel d'offres n'était "pas complètement clair" en Italie, contrairement à celui concocté par l'instance française. Canal+ paraît plus sceptique : Maxime Saada se demande en effet dans quelle mesure Mediapro est capable "d'aller au bout de sa démarche financièrement" et "d'obtenir la valeur nécessaire pour justifier des montants comme ça".

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