Conférence Medias 2013 : ce qu'il faut en retenir

Dans le cadre de la conférence "Medias 2013" organisée hier par Les Echos, dont CB News était l'un des partenaires, le parterre d'intervenants a pu débattre à loisir sur le thème : "Medias, agences et géants du net : entre défiance et alliances, quels nouveaux équilibres?".

En introduction à ces débats, le président du directoire de Publicis Groupe Maurice Levy a pu doucher les enthousiasmes en évoquant un marché publicitaire "faiblard" pour le 4ème trimestre qui ne "s'annonce pas au mieux". Interrogé sur la fusion en cours entre son groupe et Omnicom, il se montre "fier" de revendiquer que "50% du chiffre d'affaires du futur Publicis-Omnicom se fera aux USA". Certes, "le risque d'être trop gros existe, mais il nous faut développer (aussi) des unités petites très agiles". De toutes les façons, "les commentaires aigris de certains ne me gênent pas", assure-t-il.

La presse s'adapte-t-elle ?

Puis la tension monta d'un cran. L'échange aimable, mais ferme, entre Carlo d'Asaro Biondo de Google et Louis Dreyfus du groupe Le Monde, entérinait s'il en était besoin le chemin qu'il reste à parcourir par la presse pour enfin gagner de l'argent via le digital. M. d'Asaro Biondo tire le premier : "la presse a gagné la bataille de l'audience, sa difficulté est de la monétiser. Un des problèmes, aussi, "c'est que les grosses marques de presse ont du mal à voir la profondeur du changement". D'ailleurs, selon lui, "pour garder la maîtrise de vos régies publicitaires, vous devez y mettre de la technologie", explique-t-il. Alors même si "Google a une capacité d'anticipation loin de nos capacités propres", souligne M. Dreyfus, ce dernier veut à la fois "attirer les nouvelles générations avec la gratuité" et "développer les revenus payant et une relation différente avec l'abonné". "J'ai du mal à voir en Google un chevalier blanc", poursuit le président du directoire du Monde. Pour lui, les problèmes créés viennent du fait que "Google est orienté client final", mais il reconnait tout de même que le fonds Google pour la presse est "utile" même s''il "ne change rien à nos modèles". Afin "d'inverser les courbes", explique M. Dreyfus, "on a amélioré l'offre" grâce à une "presse papier (qui) s'est largement adaptée". Pour M. D'Asaro Biondo, cependant, "il faut passer à une logique où le lecteur a pris le contrôle. Le problème n'est pas QUE l'internet, il faut regarder les évolutions de lecture". Tout un programme.

A la recherche du modèle

Et les écrans connectés ? Rappelant que nous ne sommes "pas dans la substitution des médias mais dans l'addition", le président de Médiamétrie Bruno Chetaille souligne qu'il "ne faut pas confondre le TV connectée et le téléspectateur connecté". La radio, explique pour sa part Christopher Baldelli du groupe RTL, a "aujourd'hui des concurrents, à commencer par la TV. Nous n'avons plus l'exclusivité de la mobilité". D'ailleurs, "le modèle économique numérique, on le cherche encore", relève-t-il, à l'heure où il existe un risque fort de "déflation (des prix, ndlr) à cause de la croissance accélérée des inventaires" autour du replay.

Petite pause autour du marché français, la conférence à donner la parole à des représentants des médias anglo-saxons. Tracy Quitasol est ainsi venu notamment présenter l'Idea Lab du New York Times, une entité qui scrute les nouvelles consommations d'informations en ligne et qui "fournit des contenus créatifs qui engagent le lecteur", explique-t-elle.

Publicité et... data

Puis vint le temps du traditionnel (et instructif) échange annonceur-média-agence. Relation parfois houleuse, s'il en est, mais qui prend encore plus son sens à l'heure du digital et du besoin exacerbé de contenus. Tout le monde se serre les coudes. "Ce que nous demandons à nos agences doit appréhender une communication globale via des contenus" explique donc Caroline Bruel du Club Med. Ce qui tombe bien puisque selon Thierry Jadot d'Aegis Media France, "le processus créatif est bien plus collaboratif aujourd'hui". Toutefois, il faudra éviter "le risque de gadgetisation des propositions" digitales explique Mme Bruel, reconnaissant au passage que les réflexions ne sont pas toujours "abouties" en la matière, que ce soit du côté des agences que des annonceurs. Puis, M. Jadot saisit la balle au bond pour affirmer : "le contenu c'est de la publicité... avec des datas en plus". Coup de froid dans la salle. "On a passé le stade de la défiance, on cherche maintenant les modèles d'alliance", assure pour sa part Patricia Levy d'Echomédias. Alors même si "l'automatisation laisse moins de place à la subjectivité", il n'en reste pas moins que "l'on va redécouvrir l'affinité, qui restera le premier vecteur d'engagement des clients". D'ailleurs, pour Thierry Jadot, "ce n'est pas parce qu'il y a des trading desk, qu'il y a perte de valeur pour les médias".

L'Age de la conversation

Multi-screens, quand tu nous tiens. Au cœur du nouveau débat, la place prise par Twitter dans la télévision, désormais entrée "dans l'âge de la conversation" selon Bruno Patino de France Télévisions. Justine Ryst de Twitter France, elle, cadre le domaine de compétence du site de micro-blogging : "Twitter n'est pas un média, mais un pont entre l'audience et un média" avec un "l'enjeu (...) de trouver le lien gagnant-gagnant" entre lui et les médias. Mais pas d'inquiétude, selon elle Twitter ne renversera pas tout sur son passage : "l'information nait sur Twitter mais les médias sont là pour la vérifier, la remonter et la hiérarchiser". Ouf.  Mme Ryst trouve au passage un supporter en la personne de M. Patino : "Twitter nous permet de "liver" du différé. Cela réchauffe la TV et la remet dans la conversation" au bénéfice d'une chaîne, d'un programme... "La télévision doit aujourd'hui créer des offres délinéarisées, permanentes et thématiques", souligne-t-il encore.

Enfin, le journaliste-animateur-producteur Emmanuel Chain avait la lourde tâche de conclure cette matinée avec sa casquette de producteur dans un paysage audiovisuel en mutation. Pour lui, d'abord, "le métier de producteur c'est faire des hits" et "plus l'offre est riche, plus le contenu qualitatif va créer de la valeur". Même s'il "ne croit pas, en tant que producteur, à la création de chaînes sur Youtube" il se dit "confiant sur les modèles de la télévision". Car elle créée encore l'événement et qu'elle "a la puissance". De quoi lui permettre de perdre "750 000 euros par an dans des projets qui n'aboutissent pas" et d'investir largement dans les talents numériques qui s'adressent aux jeunes.

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