Portugal : l’accord Prisa-Altice sur Media Capital caduc

Redevenue secondaire depuis la reprise en main d'Altice par son fondateur Patrick Drahi, la stratégie de convergence médias-télécoms du groupe a subi un nouveau coup d'arrêt au Portugal, avec la fin lundi de l'accord avec l'Espagnol Prisa en vue d'un rachat de Media Capital. L'opération semblait avoir déjà du plomb dans l'aile depuis que l'Autorité portugaise de la concurrence avait émis de fortes réserves, le 28 mai, estimant qu'elle risquait d'aller à l'encontre des intérêts des consommateurs. L'accord avec Prisa, le premier groupe de presse espagnol – propriétaire notamment du quotidien El Pais -, prévoyait en effet un rapprochement entre le premier opérateur portugais, MEO, héritier de l'opérateur historique Portugal Telecom, et du premier groupe de presse privé, Media Capital, propriétaire de la chaîne de télévision la plus populaire dans le pays, TVI. Pour l'Autorité portugaise de la concurrence, la concentration au sein du même groupe de MEO et TVI, dont les contenus pourraient devenir payants pour les opérateurs concurrents, risquait "d'avoir des répercussions sur la facture des consommateurs". Cette circonspection a surpris certains spécialistes du secteur, qui rappelaient que "le régulateur portugais était à contre-courant de ce qui se passait ailleurs, notamment aux Etats-Unis, avec le rapprochement AT&T et Time Warner, au Royaume-Uni ou même en France" où le groupe Altice est propriétaire de SFR et NextRadioTV, éditeur de la chaîne BFMTV et de la radio RMC. Conséquence, Altice, qui a refusé de revoir sa copie pour tenir compte des réserves du régulateur, a annoncé prendre acte de l'échec de son projet de rachat, le délai pour sa conclusion étant passé vendredi. Lundi, Prisa et Altice ont annoncé, dans des communiqués diffusés par Media Capital via l'Autorité boursière portugaise (CMVM), que l'accord signé en juillet 2017 était devenu caduc.

Entre la signature et la fin des négociations, Altice a profondément remanié sa direction, avec le départ de son ancien président Michel Combes, désormais à la tête de l'opérateur américain Sprint, et le retour aux affaires de son fondateur, Patrick Drahi. Ce dernier avait annoncé une séparation des opérations américaines et européennes du groupe, effective depuis début juin, et un recentrage de la stratégie sur les télécoms et la satisfaction des clients, afin de mettre fin à l'hémorragie d'abonnés, en particulier en France. L'offre du groupe coté à Amsterdam valorisait à 440 millions d'euros Media Capital, propriétaire de la chaîne de télévision TVI et de la Radio Comercial, également en tête des audiences dans le pays. Altice espérait avec cette opération combiner des actifs de télécoms, de médias, de contenu et de publicité. Dans un communiqué publié lundi, Altice Portugal a critiqué le régulateur pour son "manque d'ouverture" à la négociation, mais aussi en raison de décisions jugées "insuffisamment justifiées" et prises dans des délais "excessifs". "Altice considère qu'une occasion cruciale pour dynamiser les secteurs des télécoms et des médias au Portugal a été perdue", écrit le groupe en ajoutant que l'opération s'est heurtée à "une résistance injustifiée à la tendance mondiale vers un regroupement entre télécoms, médias, contenus et publicité numérique". De son côté, Prisa va "analyser tous les scénarios qui se présenteront au sujet de l'avenir de Media Capital", a indiqué le groupe dans une déclaration au quotidien économique portugais Jornal de Negocios, en rappelant qu'il s'agissait d'un actif "très rentable". En 2017, Media Capital a dégagé un bénéfice net de 19,8 millions d'euros, en hausse de 4% par rapport à l'année précédente. Les opérateurs NOS et Vodafone, concurrents d'Altice au Portugal, se sont pour leur part réjouis de l'échec d'une opération à laquelle ils étaient farouchement opposés. (avec l'AFP)

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