Rémy Pflimlin à France Télévisions : je suis venu vous dire que je m’en vais

Une fois n’est pas coutume. L’Association des journalistes media (AJM) n’invitait pas, mais était l’invitée de Rémy Pflimlin  jeudi dans le cadre d’un déjeuner. Au menu, le bilan de 5 ans de présidence de France Télévisions qu’il quittera officiellement le 22 août. Il conservera toutefois les clés de la maison jusqu’au 24 août au matin, un lundi, pour officiellement laisser les rênes du groupe à Delphine Ernotte Cunci, son successeur. « J’ai une forme de mélancolie à partir, j’aurais aimé continuer », confesse-t-il d’entrée. Il avoue « quelques contacts pour la suite » mais ne « sait pas » pour l’heure ce qu’il fera après. En ayant « le sentiment du devoir accompli », l’encore président de France Télévisions, ne semble guère goûter cette période de « tuilage » qui est une « fausse bonne idée ». Les gens « croient que France Télévisions c’est l’Opéra de Paris », que l’on peut démarrer d’une page blanche. Il s’interroge tout haut : « pourquoi le CSA n’a pas choisi une période de tuilage de 3 mois alors qu’il en avait la possibilité » au lieu de ces quatre mois qui « perturbent mentalement les collaborateurs du groupe ».

Changer le mode de désignation du président de France Télévisions

Revenant sur l’élection et la procédure adoptée pour nommer son successeur, M. Pflimlin n’est pas tendre, même s’il se plie aux règles en vigueur : « cela n’avait pas de sens d’auditionner le président de France Télévisions. Je connais tous les dossiers, tous les membres du CSA que je vois souvent… ». Il prône ainsi une (ré)élection par le conseil d’administration du groupe qui peut dire, en connaissance de cause, « on continue ou on arrête ». France Télévisions « c’est une entreprise gérée par un chef d’entreprise, le conseil d’administration peut débattre… », et choisir. Mais la roue a tourné. « Deux jours après sa nomination, Delphine Ernotte Cunci et moi-même déjeunions », indique-t-il. Interrogé sur les actions en justice actuellement lancées à l’encontre du processus, le président du groupe d’audiovisuel public est clair et net : « le processus de sa nomination doit s’appliquer. Il faut qu’elle prenne ses fonctions ».

L’arrêt de la pub après 20h : une erreur

Revenant sur la suppression de la publicité sur les antennes du groupe après 20h, il réitère une position bien connue : « c’était une erreur, du moins son application est une erreur » sans une compensation de la perte de revenus. Selon lui, même si le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, pensait vraisemblablement à libérer l’audiovisuel public de la contrainte d’audience, « c’est une vue de l’esprit, je perds de la légitimité », assène-t-il. Toutefois, les recettes publicitaires sont de « +7% par rapport à 2014 », alors que le parrainage « souffre », victime de ne pas avoir la possibilité d’évoquer un produit.

L’enjeu 2016 : le numérique

Editorialement, la fusion des rédactions enclenchée dans le cadre du plan « Info 2015 » verra les services économie et culture rassemblés « en septembre ». De même, aujourd’hui, les correspondants de France 2 et France 3 à l’étranger deviennent « des correspondants de France Télévisions », souligne-t-il. D’ailleurs, insiste M. Pflimlin, « France Télévisions n'est plus un diffuseur, c'est un éditeur », même si en matière de fictions, « on ne peut pas à France Télévisions, comme à Canal+,  investir dans la fiction innovante pour 3% d'audience », répondant ainsi au ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin qui stigmatisait mercredi « le manque d’audace » du groupe en la matière. De même, les chantiers à venir pour le groupe ne passe pas, pour lui, par la création d’une chaine d’information sur le linéaire. « Je ne suis pas persuadé que ce soit cela l’enjeu. L’enjeu en 2016 est le numérique », plaide-t-il. Côté numérique, donc, et évoquant les problèmes de piratages des images sur Facebook et Twitter, Rémy Pflimlin souligne que « nos interlocuteurs sont dans le dialogue ». Il indique également être en discussion avec d’autres groupes audiovisuels en Europe « pour un service de SVOD au niveau européen », prenant garde à ne pas faire cumuler redevance et le prix d’un abonnement pas en phase avec la notion de service public. Avec cette formule « européenne », France Télévisions pourrait ainsi proposer des services enrichis en provenance d’ailleurs. Le président de France Télévisions a par ailleurs annoncé avoir donné son accord à la participation du groupe au futur service de vidéo Molotov lancé à la rentrée par Pierre Lescure.

Soyez tenace !

Mais finalement, qu’est-ce qui a été le plus dur pendant ces cinq années de présidence ? Sans hésitation, « la pression extérieure, et à cause de vous aussi, les journalistes… C’était pire qu’à Presstalis (distributeur de la presse dont il a assuré la direction générale entre 2006 et 2010, ndlr) », ironise-t-il. Et un conseil à donner à Delphine Ernotte Cunci : « soyez tenace. Et je ne doute pas qu’elle le sera ». Le message est passé…

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