Sombres perspectives pour Libération

Le sort de Libération, à court d’argent, se jouera d’ici avril-mai entre deux options : une transformation autour d’un espace culturel et d’un réseau social, projet encore à financer, ou un dépôt de bilan avec reprise probablement partielle, selon des sources proches du dossier. La crise à Libération, aux ventes en chute libre, a provoqué le départ jeudi de son directeur, Nicolas Demorand, contesté massivement par une rédaction mobilisée pour défendre l’avenir du journal papier. Déficitaire et endetté, sans trésorerie, Libération est en survie : le quotidien n’a pu passer le cap de janvier-février que grâce à un versement anticipé par l’Etat d’une partie des aides à la presse. L’État peut encore lui verser à ce titre un million d’euros, juste de quoi tenir quelques semaines de plus, selon les mêmes sources. Le journal a aussi obtenu début février du tribunal de commerce un étalement jusqu’en 2017 de sa dette de 6 millions d’euros, a rapporté Le Figaro, mais sous réserve de la mise en place d’un plan d’économies de 4 millions. "Aucun investisseur n’accepterait de venir maintenant pour reprendre le journal en l’état", dit la source proche du dossier, "d’autant moins quand les journalistes déclarent vouloir prendre le pouvoir". Depuis lundi, la rédaction a décidé de raconter tous les jours sur deux pages son combat contre le projet de ses actionnaires, qui veulent créer un réseau social et transformer le siège du journal en espace culturel. "Libération, ce n’est pas un projet immobilier. Libération ça doit être d’abord une discussion autour d’un contenu éditorial", a déclaré le directeur de la rédaction Fabrice Rousselot vendredi. Il assure aussi que les salariés sont "prêts à envisager des économies" et plaide pour un "projet Libé", mais sans le définir.

Deux options pour l’instant sont sur la table. D’une part le projet de l’homme d’affaires Bruno Ledoux, qui détient depuis un an 26 % du capital de Libération, et cherche pour son idée de réseau social et d’espace culturel de nouveaux investisseurs. Ce projet a pour handicap de n’être encore qu’une idée et de nécessiter de gros investissements pour rénover l’immeuble du siège du journal. Il faudra aussi faire déménager la rédaction. Pour l’instant Bruno Ledoux et ses coactionnaires, Edouard de Rotschild et le groupe italien Ersel, ne proposent qu’un renflouement "symbolique" et espèrent un prêt de l’Etat. Bruno Ledoux s’est dit prêt à remettre de l’argent dans son projet, mais sans citer de chiffre. La seule autre hypothèse visible est celle d’un dépôt de bilan rapide du journal, ce qui permettrait d’effacer une partie des dettes. Il pourrait être décidé soit par le tribunal de commerce, qui a nommé un conciliateur il y a plusieurs mois, soit par les actionnaires. En ce cas, Libération pourrait intéresser un repreneur mais qui chercherait probablement à réduire les charges. L’État, via le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), réfléchit à aider un repreneur, mais à condition qu’il s’engage à effectuer des investissements, selon la source proche du dossier. François Hollande, selon Le Monde, a d’ailleurs "laissé entendre qu’un investisseur pourrait examiner le dossier, mais seulement dans le cas d’un dépôt de bilan – qui permet d’éviter une reprise des dettes et le financement d’une clause de cession". Les propriétaires du Monde, Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé, qui sont en train de constituer un pôle de presse de gauche avec leur récent rachat du Nouvel Observateur, sont régulièrement cités par les analystes comme potentiels repreneurs. 

 

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