Laurent Habib : simplifier les prix publicitaires pour leur donner plus de valeur

Face à la multiplication des prix publicitaires, le président de l'AACC préconise un certain nombre de mesure pour simplifier la lecture des palmarès et rendre leur valeur à ces compétitions.

CB News : Depuis les Cannes Lions 2017, les prix publicitaires sont remis en question. Comment expliquer ce mouvement ?

Laurent Habib : Aujourd’hui, l’économie des médias professionnels mais aussi des organisateurs événementiels a naturellement amené à une multiplication des prix. Parce qu’ils sont très rémunérateurs. Dans le même temps, à la suite de la montée en puissance du digital, on a vu une diversification considérable du nombre de catégories. Ça a commencé par les Titanium à Cannes, puis la reconnaissance de l’importance de la créativité media, la reconnaissance par les publicitaires du rôle de PR, les enjeux de la mesure de l’efficacité, la reconnaissance de l’importance du craft, la diversification des formats, l’intégration de la data… Tout cela a conduit à une multiplication des prix et des catégories. Le problème, c’est que dans le même temps, on a eu une convergence des outils créatifs. Les campagnes de qualité sont devenues des agrégats de toutes ces catégories. Une opération réussie s’appuie aujourd’hui nécessairement sur des formats différents, une stratégie PR, une stratégie media originale, une amplification par les médias sociaux, une mesure de l’efficacité et si possible un peu de data. On a ainsi pu inscrire les mêmes cas dans toutes les catégories. Et malheureusement dans les jurys, on a accepté la reconnaissance des mêmes opérations dans les différentes catégories.

CB News : D’où une situation confuse dénoncée par les grands groupes publicitaires ?

Laurent Habib : C’est ainsi en effet que Publicis en est arrivé à annoncer la suspension pendant un an de sa participation aux prix, décision dont je ne pense pas qu’elle ait été prise en priorité pour infléchir la politique de Cannes. Mais elle a constitué une alerte pour le festival. Cela a déclenché un processus critique avec des voix qui se sont exprimées sur la valeur des prix. Ce d’autant que la multiplication des récompenses n’a évidemment pas contribué à mettre en valeur les campagnes les plus charismatiques. Au point que cette année, l’un des Grand Prix à Cannes est allé à un clip musical qui n’a aucun rapport avec notre métier et notre rôle pour les marques.

CB News : Les décisions annoncées par les organisateurs de Cannes répondent-elles au problème ?

Laurent Habib : Cannes a pris une série de décisions qui ont été annoncées en décembre. Pour progresser dans ce sens il paraît aujourd’hui indispensable de mettre en place de nouvelles pratiques et de nouvelles règles dans l’organisation des prix. Celles-ci pourraient reposer sur quelques principes simples, inspirés de ce qu’a fait Cannes. On pourrait ainsi identifier les prix liés aux grandes causes et aux associations pour éviter que la création sur ces grandes causes finisse par tout préempter. Il faut que notre métier reconnaisse la création de valeur pour les entreprises et les marques avant la reconnaissance de la viralité des grandes causes. Ensuite il faut limiter le nombre de prix. L’AACC se met à la disposition des organisateurs pour y réfléchir. Nous pourrions proposer un système de classement qui permette au jury de délibérer sur des choses comparables et tienne compte de l’intégration naturelle des opérations de communication réussies. Il faut peut-être tout simplement arrêter de raisonner par métier mais plutôt par secteurs économiques. Troisièmement, il faut limiter l’inscription du même objet créatif dans plusieurs catégories. Et enfin il faut veiller à ce que la structure du palmarès permette une vraie valorisation des créations primées, une lisibilité simple pour nos clients et pour le public, ce qui permettra en outre d’améliorer l’organisation de ces événements qui en deviendront moins indigestes.

CB News : L’un des reproches fait par les agences est aussi qu’il y a trop de prix. Comment faire ?

Laurent Habib : Nous avons, avec l’ensemble des professionnels, des interrogations sur notre attitude à l’égard des prix que l’on continue à créer. Par exemple la délégation marketing de l’AACC a participé à la création d’un prix Data et créativité qui était tout à fait intéressant. Mais il est clair aussi que trop de prix tuent les prix. Notre profession, qui a un vrai problème de reconnaissance de sa valeur et son utilité économique, doit commencer par accorder à son propre produit créatif une vraie valeur. Elle doit s’inspirer des métiers qui ont réussi à la préserver. Il n’y a qu’un seul Festival de Cannes dans le cinéma et il y a tout au plus cinq prix au niveau mondial. Comment faire avec une profession qui dans un seul pays organise une trentaine de prix ? Il faut appeler les organisateurs à la raison. Il y a deux prix du brand content, trois de la communication d’entreprise, au moins cinq prix de création publicitaires. Il faut que les organisateurs aient conscience de la nécessité de faire converger les prix et construisent le plus possible des partenariats. L’AACC se met en situation d’être un facilitateur et un partenaire des organisateurs pour les aider à améliorer leur concours. Parce que c’est un sujet qui est très important pour la profession et parce que c’est un enjeu clé de la valorisation de notre propre travail.

À lire aussi

Filtrer par