Le digital fait décoller Lufthansa

Alexander Schlaubitz, vice-président marketing de Lufthansa Group, explique pourquoi la compagnie aérienne a fait évoluer son identité visuelle après 30 ans d’existence et quelle est sa stratégie digitale.

À 92 ans, la vieille dame Lufthansa s’est refait une beauté. La compagnie phare du premier groupe aérien européen (qui possède également Austrian Airlines, Swiss International Airlines, Edelweiss Air, Brussels Airlines et Eurowings) s’est offert en février dernier un lifting de son identité visuelle. Le logo — la fameuse grue qui s’envole, dessinée il y a pile un siècle par le graphiste berlinois Otto Firle – a été rajeuni. Il va décorer toute la signalétique et les 700 catégories d’objets (couverts, couvertures, oreillers, kits de bienvenue, cartes d’embarquement, etc.) qu’on trouve dans un avion qui seront remplacés petit à petit. Une première en 30 ans. Sans oublier l’énorme chantier consistant à repeindre avec le nouveau logo et la nouvelle couleur (un bleu plus profond) les 300 appareils de la flotte, qui va s’étendre sur plusieurs années (chaque avion est repeint tous les sept ans). Un budget considérable que le groupe ne dévoile pas mais qui est sans doute de l’ordre de plusieurs millions d’euros. Un rebranding visuel effectué par l’agence de Munich Martin et Karnczinski, avec qui Lufthansa collabore depuis longtemps. Le tout soutenu par une campagne publicitaire réalisée par l’agence créative indépendante Kolle Rebbe de Hambourg, sous le slogan #SayYesToTheWorld décliné en huit visuels qui posent des questions en rapport avec le voyage : l’endroit idéal est-il toujours ailleurs ? Faut-il se perdre pour se trouver ? Ou encore : en quelle langue le monde vous paraît-il plus beau ? Pour le spot télé de 30 secondes, le dispositif consistait à installer deux sièges d’avion dans divers endroits de la planète (Bombay, Paris, Berlin, Tokyo, etc.) et à demander à de « vrais gens » pourquoi ils aiment le monde.

La première vague de cette campagne a eu lieu en France du 1er mars au 22 avril dernier sur divers supports (affichage, web, print, cinéma) à Paris, Marseille, Nice et Lyon. Une seconde vague est prévue pour le deuxième semestre. Une campagne qui a pour but, selon Alexander Schlaubitz, vice-président marketing, de révéler « la couche humaine » (human layer) du voyageur : « nous pensons que les gens ont toujours envie de se rencontrer en personne, d’aller dans des endroits inconnus ». Cet ancien de Facebook et Intel a été embauché il y a cinq ans par le groupe pour ses compétences digitales. « Ce qu’il y a de révolutionnaire dans ce rebranding, c’est qu’il a été pensé pour être pertinent même sur le petit écran d’une Apple Watch. Nous voulions être certains que le nouveau design fonctionnait de manière optimale sur tout type de support digital, y compris le petit écran de cette montre connectée. Mais nous avons dû éduquer notre board en leur expliquant que la marque est désormais présente sur une multitude de services digitaux, et que l’interaction avec les clients s’effectue bien avant qu’ils ne montent dans un avion » explique le patron du marketing du groupe dans un anglais parfait.

Six personas

La digitalisation est l’autre grand chantier de la compagnie de Francfort. Pour le vice-président marketing, la transformation digitale est d’abord un moyen de démontrer l’empathie de la compagnie à l’égard de ses clients : « grâce aux outils digitaux, nous comprenons de mieux en mieux nos consommateurs, nous connaissons tous les petits événements qui jalonnent leur parcours. Dans l’ancien monde, nous communiquions avec tout le monde tout le temps. Désormais, nous savons que si un passager a déjà reçu une information, ce n’est pas la peine de lui renvoyer le même message deux ou trois fois ». Pour réussir cette transformation, Lufthansa a lancé il y a quatre ans le programme Smile. Objectif : rassembler les 85 sources de datas existantes, puis établir une cartographie de ces données, sans pour autant construire une énorme base unique. Il s’agit plutôt de mieux comprendre toutes ces informations, qui ont servi à créer six personas (personnages imaginaires représentant un groupe ou un segment cible). « Exemple : en général, étudier le comportement des utilisateurs de notre site Web sert à faire du cross selling (proposer la vente d’un produit complémentaire) et de l’up selling (proposer un produit ou service plus cher). Or, nous avons identifié un segment de clients qui veulent pouvoir réserver en 90 secondes. Nous avons créé pour eux un canal de réservation ultrarapide, mais nous ne leur proposons aucune offre complémentaire » détaille Alexander Schlaubitz. Le personnel de bord a été équipé d’iPad, qui leur permet de s’adresser au voyageur de manière plus personnalisée grâce à une connaissance de leur historique. La grande idée du vice-président marketing étant d’apporter plus de transparence aux voyageurs via le digital grâce à une multitude de petites informations ciblées (choisir son siège, savoir où sont ses bagages) pour éliminer au maximum tous les points de frictions. « L’identité de marque originelle avait été pensée pour un monde statique. Il était temps de la repenser pour un monde numérique plus dynamique et agile » conclut Alexandre Schlaubitz. Première compagnie aérienne européenne à se voir décerner cinq étoiles par Skytrax, organisme britannique indépendant qui publie un classement annuel, Lufthansa espère bien conserver ce rang dans les années futures grâce à ce rebranding associé à une transformation numérique réussie.

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