La crise dont vous êtes le héros

Pour gagner la bataille de l'attention, les marques sont prête à tout, y compris se faire épingler pour des erreurs volontaires. Ca peut payer, mais ce n'est pas sans risque. Par Laurent Buanec, directeur général adjoint de Twitter France.

Le CES a fermé ses portes. Une marque aura particulièrement réussi à tirer son épingle du jeu : Netflix. Afin de promouvoir sa série Carbone Modifié, elle a créée de toute pièce la start-up Psychasec. Sa promesse : l'immortalité. Sur son stand, des corps synthétiques dans lesquels télécharger sa conscience. Et autour du CES, de faux manifestants clamant leur indignation. Le décor est posé plus vrai que nature. Netflix est parvenu à interpeller les visiteurs qui réagissent sur Twitter (+10 000 mentions). La presse s'en fait l'écho. Objectif atteint.

Lors de son intervention au dernier HubForum, le DG de Twitter France Damien Viel énonçait
« La principale bataille à mener est celle de l’attention. »

L'enjeu est important, le challenge ambitieux et croissant.

Le multitasking continue à se développer, notre durée de concentration est de plus en plus faible. Dans un contexte où l'exposition aux messages publicitaires explose, marques et agences s'interrogent sur comment émerger face à la saturation.

Notre cerveau s'est déjà adapté et a développé des mécaniques d'évitement (aveuglement publicitaire) tandis que l'usage des adblocks se démocratise.

Parmi les parades mises en place : la qualité des contenus, leur personnalisation, les vidéos non skippables, la pression via la répétition, la multiplication des supports (cf. les trottoirs), l'influence marketing plus ou moins affichée, le clickbait sous toutes ses formes, les incentives etc...

Susciter la curiosité, si ce n'est l'intérêt, n'est pas une mince affaire. Les mécaniques de teasing et révélation jouent sur ce terrain.

Une forme alternative va encore plus loin. Elle consiste à déclencher la foudre sur soi-même.

Comme dans le cas du stunt Netflix, l'idée est d'interpeller, de susciter une réaction. Interrompre sans en avoir l'air. Conduire l'individu à s'exprimer.

La conversation devient le média et l'indicateur de mesure de l'attention.

La prise de risque est certaine mais peut rapporter gros, un tel niveau d'engagement étant synonyme de notoriété, d'attribution, de souvenir...

En France, depuis quelques années, des campagnes ont marqué les esprits : pour Volkswagen, DDB commet volontairement une erreur et affiche Volkswagen sur les panneaux publicitaires du Stade de France pendant le match de football France-Brésil. La synchronisation des usages télé-Twitter joue à plein et permet à la marque auto, nouveau partenaire des Bleus, d'émerger comme le principal sujet de discussion ce soir là.

Pour Mondelez, Romance communique sur le lancement de #MikadoStick, le Mikado sans chocolat. La frustration des amateurs de cacao s'exprime à coup de Tweets jusqu'à la révélation en contre pied du vrai produit : le Mikado King Choco.

Plus récemment, Romance fait passer un chou pour une laitue dans la campagne d'Intermarché, déclenchant moqueries et indignation avant de divulguer la supercherie, prétexte à lancer leur véritable campagne d'éducation #LesBonsLégumes.

Enfin, comment ne pas citer la campagne de Carambar #CetaitUneBlague par Fred & Farid sur le prétendu arrêt des blagues Carambar, canular qui a suscité un vrai débat sur le rôle de la publicité et sur le rapport à l'information.

Outre Manche, Paddy Power, célèbre marque irlandaise de pari, qui a fait de l'irrévérence sa marque de fabrique sur Twitter, est allée jusqu'à faire croire qu'ils avaient défiguré la forêt amazonienne pour un coup de com à l'occasion de la dernière coupe du monde de football. Après 24h de réactions révoltées et de Tweets indignés, la marque a expliqué que tout ceci n'était qu'un piège destiné à attirer l'attention sur le problème de la déforestation.

Jouer au pompier pyromane ne se fait pas sans risque.

Déclencher une crise et la maîtriser à ses fins de communication est une audace qui peut dans certains cas virer à l'excès de confiance. La marque peut créer un monstre qui lui échappe et se retourne contre elle.

La récente étude Link menée par KR Media, en partenariat avec le Celsa, relève une corrélation nette entre confiance et valeur de marque. Si pour une marque comme Carambar, ce terrain de jeu peut être perçu comme légitime car proche de son territoire d’expression, pour d'autres, le sentiment d'avoir été trompé peut s'avérer néfaste.

Enfin, le principal intérêt de ce type de tactique étant de créer une audience captive que l'on peut réengager, il est indispensable pour la marque de s'assurer que l'ensemble des personnes ayant réagi au message initial soit également exposé au message final. Sur Twitter, les solutions de ciblage le permettent et plaident en faveur d'une synergie contenu-media.

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