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Jocelyn Jarnier, directeur général de FullSix s'interroge sur l'engouement crée par l'introduction en Bourse de Twitter. Et si la vraie valeur de l'oiseau bleu, c'était le rêve?

Jeudi dernier, @Wall Street a une fois de plus démontré sa capacité à faire croire aux rêves. 

Troisième introduction la plus faramineuse de tous les temps derrière Facebook et Google dans le secteur de la technologie, Twitter a enregistré des chiffres qui font tourner la tête : 1, 82 Mds de dollars levés pour une valorisation boursière totale de 24,9 Mds de dollars soit 30 fois son chiffres d’affaires.Fidèle à sa devise « Keep it simple », elle a également tiré les leçons de son grand frère social,  en fixant un cours modéré qui lui a permis d’afficher une surperformance de 73% au cours de la séance et de garder le rêve intact. Et pourtant il fallait avoir envie d’y croire. Fort certes de 230 millions d’utilisateurs, le site de micro-blogging affiche pourtant des pertes qui se sont creusées de manières inquiétantes sur le dernier trimestre (-134 M$ au total depuis début 2013) et surtout une croissance de ses abonnés qui enregistre son plus bas historique : +6,13% seulement sur la même période. Des performances  à même de remettre en question la capacité de la société à relever l’un de ses deux enjeux principaux : l’extension de sa base d’utilisateurs.

Une base qui si elle lui permet de figurer à la troisième place des réseaux sociaux, la laisse très loin derrière Facebook et Youtube (plus d’un milliard d’utilisateurs chacun) et à seulement quelques encablures devant les quatre suivants (Google, Tumblr, Instagram, Linkedin). Alors si l’oiseau bleu ne fait pas la différence sur la puissance, qu’est-ce qui lui permet de faire croire en son rêve ?

La granularité du ciblage? Elle reste aujourd’hui bien inférieure à celle permise par Facebook et risque de rester, intrinsèquement limitée par le manque de richesse des actions possibles sur la plateforme. A moins que les nouvelles applications ne se multiplient dans les mois à venir, le « Keep it Stupid » cher au site pourrait s’avérer être un frein majeur pour se développer de ce côté là. 

Et si la valeur du rêve TWTR était le rêve lui-même ?Twitter est avant tout une marque forte, avec d’abord une #Big Idea au cœur « Quoi de neuf ! ». Une phrase simple et universelle, qui met des mots tant sur une raison d’être unique que sur la vision aspirationnelle du monde qu’elle propose. Autour de cette idée il y a un écosystème évident et cohérent qui propose des expériences enthousiasmantes : #l’ultra-proximité #l’ultra-fraîcheur de l’actualité et le plus précis des #baromètres de tendance.

Si la première de ces expériences est probablement la plus en concurrence avec le réseau de Mark Zuckerberg, elle a connu au cours de ces derniers mois une évolution nouvelle vers l’instant-messaging, devenant l’un des premiers media des cours d’école. Une évolution récente qui n’est pas sans expliquer la croissance forte du nombre d’impressions (+50% sur le dernier trimestre).

La seconde expérience proposée est celle qui a permis à l’apôtre du micro-blogging d’affirmer son positionnement et de trouver ses premières audiences. Très utilisé dans l’univers des media, Twitter a réussi à s’imposer comme son prolongement naturel et compte parmi ses développements les plus prometteurs la floraison des Hashtags sur la plupart des émissions TV. Ce phénomène devrait lui permettre de commercialiser un grand nombre de Tweets de marques, qui y trouveront là un coût d’impression beaucoup moins élevé que ceux proposés par les écrans publicitaires des chaînes TV elles-mêmes.

Enfin, la troisième fonction de Twitter renferme peut-être la plus grande des 3 promesses d’avenir du gazouilleur de San Francisco. Son moteur de recherche efficient ainsi que sa box « Trends » devraient lui permettre demain d’asseoir son modèle sur un système «#d’Adwords des tendances ». 

Le rêve Twitter valorisé si fortement lors de son introduction en bourse tient donc de la promesse de « Quoi de neuf !» portée par la marque. Une vie au plus près de l’actualité et des tendances tellement prisée dans notre monde en accélération permanente. Un potentiel de valeur porté par la marque qui lui permet, malgré ses audiences décevantes, de faire progresser de manière encourageante la monétisation de ses espaces : +14% au dernier trimestre. Néanmoins, compte tenu de l’ampleur des montants évoqués, on ne peut faire l’économie de s’interroger sur un autre facteur : la faculté des Etats-Unis à croire et à faire croire en ses rêves. Plus qu’une capacité, une pré-destination culturelle et une nécessité de leur modèle économique. Un récent bilan du fameux «Job Acts» du président Obama, qui assouplissait notamment les conditions d’entrée des entreprises sur les marchés financiers, montrait que sur la totalité des 200 sociétés entrées en bourse en 2013, très peu étaient rentables. 

Créer des marques et faire croire dans le rêve qu’elles incarnent est plus que jamais l’immense talent outre-Atlantique. Mais dans l’Hollywood de la finance, les rêves peuvent rapidement se transformer en bulle. Si la capacité de Twitter à « faire de l’argent » semble certaine, celle de créer de l’emploi et donc de la valeur à moyen terme pour l’économie mondiale est plus discutable, et il en est de même pour Google, Facebook,…et pour beaucoup de valeurs boursières.    

Un rêve qui risque une fois de plus de détourner les capitaux de la seule économie réelle qui vaille, celle qui crée des emplois et assure la croissance de demain. 

Jocelyn JARNIER

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