De la pilule au programme d’accompagnement : les laboratoires à l’ère de la prévention
Quand dentsu X imagine demain, septième épisode…
Cet exercice de design fiction, réalisé par dentsu X, a pour ambition d’analyser comment les signaux faibles de notre société pourraient la faire évoluer s’ils devenaient la norme dans vingt ou trente ans. Cet exercice n’a pas vocation à prédire l’avenir, mais plutôt à comprendre comment les marques pourraient s’adapter, voire jouer un rôle dans ces éventuelles transformations ?
En 2053, les laboratoires pharmaceutiques ne se contentent plus de soigner. Ils forment, coachent, accompagnent. Le médicament n’est plus une finalité en soi, mais une étape, souvent non nécessaire, dans un parcours de santé global complétement tourné vers la prévention. Des robots dans les écoles, des crédits de prévention, des programmes « bien-être + émotions » en entreprise… Voici à quoi ressemble la santé dans une société qui a fait le pari du préventif. Et si les laboratoires de demain développaient une offre de santé globale certifiée par l’État ? Et si, grâce à des programmes ultra personnalisés au quotidien, la santé cessait d’être une réponse à un problème pour devenir une culture partagée ?
2053, France.
En moins de trente ans, la France a su repenser son système de soin pour placer la prévention et l’accompagnement personnalisé au cœur du parcours santé de chaque citoyen.
Ce basculement ne s’est pas imposé brutalement, mais s’est progressivement installé dans le quotidien des Français grâce aux pouvoirs publics et associations. Multipliant les campagnes de prévention nationales, renforçant les programmes d’éducation à la santé dans les écoles, et déployant largement des outils digitaux accessibles à tous, les efforts de l’Etat ont encouragé une dynamique collective durable. Peu à peu, application après application, message après message, la population a intégré ces nouvelles habitudes, séduite par la promesse d’une santé active, mesurable et valorisée.
L’enjeu n’était plus de soigner, mais de ne pas tomber malade, de s’épanouir en comprenant ses besoins physiques et psychiques au quotidien. Bien sûr, cette évolution n’exclut pas le maintien nécessaire d’une médecine curative traditionnelle pour les pathologies graves et chroniques. Mais dû à ce changement profond de paradigme, la consommation de médicaments a drastiquement diminué pour les maladies plus bénignes, poussant ainsi les laboratoires pharmaceutiques à se réinventer autour de la prévention.
C’est ainsi qu’est née l’ANPA, l’Agence Nationale de Prévention et d’Accompagnement. Chargée de réguler, certifier et structurer un nouveau marché, elle a été pensée comme un pivot public entre les marques de santé, les professionnels, les collectivités et les citoyens. Dans cette nouvelle grammaire, certains laboratoires pharmaceutiques n’ont pas su évoluer à temps. Restés enfermés dans une logique exclusivement curative, éloignés des attentes émergentes des citoyens, plusieurs acteurs du secteur n’ont pas survécu à ce bouleversement. À l’inverse, d’autres ont choisi de s’adapter rapidement, redéfinissant totalement leur approche. Ne produisant plus seulement des traitements, ils développent des méthodes de vie et promettent un accompagnement personnalisé en temps réel.
La réforme : d’un modèle curatif à l’avènement de la prévention
En 2047, à la suite d’une série de constats en demi-teinte et bien conscient des limites du modèle curatif et les inégalités d'accès aux soins, le gouvernement lance la Mission P.A.S. (Prévenir, Accompagner, Suivre).
Cette mission donne naissance, deux ans plus tard, à l’ANPA. Son rôle est de structurer et centraliser l’écosystème de la prévention, encadrer les programmes proposés par les marques de santé, fixer les seuils de remboursement et assurer une équité territoriale dans l’accès aux dispositifs.
Chaque parcours, validé par l’ANPA selon un cahier des charges précis mêlant éthique et efficacité, est accessible depuis le tableau de bord national Santé+, via un code personnel. Ce dashboard n’est pas un simple outil de suivi, mais une interface de dialogue entre soi et les autres, entre sa vie et son environnement. Ce système repose sur une mécanique incitative de crédits prévention, attribués automatiquement en fonction des bonnes pratiques (activités physiques, alimentation diversifiée et équilibrée, etc.). Ces crédits peuvent financer des modules premium, représentant ainsi un capital santé symbolique, à la fois incitatif et réutilisable, permettant à chacun de devenir acteur de son parcours préventif.
L’ensemble des parcours repose sur un socle commun, mais revêt une logique modulaire grâce à la possibilité d’adhérer à des formules premium, pensées pour répondre à des attentes plus spécifiques. Ces dernières offrent des fonctionnalités supplémentaires, comme un accompagnement individuel, des objets connectés, ou des expériences immersives. Alors que les versions standards sont remboursées par la Sécurité sociale, les formules premium peuvent impliquer un reste à charge, calculé selon le profil de santé, le niveau de revenus ou les éventuels partenariats avec les mutuelles et les employeurs.
La santé au quotidien : à la rencontre des Français
Pour comprendre ce basculement en profondeur, nous avons suivi plusieurs citoyens dans leur quotidien augmenté.
Théa, six ans, suit le programme ÉquiliM® dans son école primaire à Lormes, en zone rurale. Ce matin, Théa choisit sa carte-émotion. Aujourd’hui, c’est la joie. Enthousiaste, elle rejoint Milo, la loutre-robot, pour un atelier ludique de yoga animal, un moment qu’elle attend chaque semaine avec impatience. « Théa est plus calme, plus attentive et heureuse de venir à l'école », constate avec satisfaction son institutrice, grâce à l’application enseignant associée au programme. Une version premium, proposée dans certaines écoles urbaines, enrichit ces ateliers de capsules de réalité augmentée et d’interfaces parentales interactives.
Léo, quarante-deux ans, employé dans une entreprise parisienne, a intégré dans son quotidien le programme de prévention du laboratoire NeuroEssen®. Chaque vendredi après-midi, Léo attend sa séance de déconnexion active proposée par son application Santé+. Il se confie « C’est un rendez-vous précieux où je peux souffler, me recentrer sur moi, loin du stress quotidien ! ». Ces séances consistent en des exercices de respiration guidée, sans écran et plongé dans une ambiance musicale binaurale. Grâce à des capteurs connectés et discrets disposés sur ses tempes, Léo visualise son niveau de charge cognitive en temps réel et adapte ses sessions. Avec sa femme Alba, ils suivent aussi le programme CyclePos®, axé sur les cycles hormonaux et le stress oxydatif, à l’aide du DermaLoop. Ce bijou n’est pas un gadget ostentatoire mais leur permet d’ajuster leur routine alimentaire et sportive, ainsi que les soins cutanés et les plages de repos conseillées en fonction de leurs fluctuations hormonales. Tous ces programmes se synchronisent dans leur dashboard Santé+, financés en partie par leur employeur et leur mutuelle.
Camille, soixante-sept ans, retraitée vivant dans la banlieue lyonnaise, participe au programme Graliva®, développé par un groupe spécialiste des oligo-éléments. Pourtant, elle n’a pas toujours été convaincue par ce modèle : « Au début, j’étais très réticente. Les scandales pharmaceutiques du passé m’avaient rendue méfiante envers les laboratoires. Je n’étais pas sûre de vouloir confier autant de données sur ma santé », confie-t-elle. Pourtant, la transparence exigée par l’ANPA, le contrôle strict des données personnelles par l’État et les choix responsables opérés par ces nouvelles marques de santé l’ont rassurée. Aujourd’hui, trois fois par semaine, elle retrouve avec plaisir ses amis au centre municipal partenaire pour ses ateliers cognitifs. Son serre-tête Memento, accessoire élégant qu’elle oublie presque, monitorise discrètement la santé de cette senior coquette. Depuis quelques mois, elle utilise aussi le programme Noxea® pour améliorer son sommeil. Chaque soir, la Sphère Noctis diffuse dans sa chambre un mélange d’ondes sonores et lumineuses, et d’essences relaxantes. « Finalement, je me sens écoutée et respectée. J’ai retrouvé confiance, et surtout, je me sens vraiment actrice de mon bien-être », conclut-elle. Ces dispositifs sont entièrement pris en charge par l’État en raison de ses facteurs de risque.
Santé augmentée, société transformée
Ces portraits croisés illustrent une révolution silencieuse mais profonde dans notre rapport au soin, passant d’un système centré principalement sur la performance des traitements personnalisés des maladies à une culture collective de la santé préventive et du bien-être.
Outre les cabinets médicaux, la santé se déploie désormais dans toutes les sphères de la vie, intime ou collective. Chaque citoyen pilote son capital santé via un portail intuitif, intégrant des gestes quotidiens simples pour mieux manger, bouger, dormir et ressentir.
Derrière chaque méthode, une marque de santé. Non plus seulement vendeuse de médicaments ou de traitements, mais avant tout accompagnatrice du quotidien, curatrice du mieux-être. Et derrière chaque marque, un laboratoire.
Pourtant, au-delà de ce modèle prometteur, certaines interrogations émergent déjà : comment préserver pleinement la vie privée et l’autonomie face à ce suivi constant et connecté ? Demain, l’enjeu sera certainement de trouver un équilibre subtil entre prévention personnalisée et droit à la déconnexion, pour que la santé reste toujours une source de liberté et non une contrainte supplémentaire.