Sommet sur l'IA : la France veut lancer un "réveil européen"
J-7 avant ce grand événement dédié à l'intelligence artificielle.
Face aux Etats-Unis et à la Chine, la France veut émerger comme une grande puissance de l'intelligence artificielle (IA) générative et sonner un "réveil européen" avec son sommet pour l'action sur l'IA qui doit réunir à Paris une myriade d'acteurs du secteur. Plus de 80 pays seront représentés lors de cette séquence qui s'étire sur une semaine. Dès mardi, le président Emmanuel Macron se rend à l'Institut Gustave Roussy et au Paris-Saclay Cancer Cluster pour illustrer les usages de l'IA dans le domaine scientifique et la santé, avant de recevoir mercredi soir des scientifiques et des prix Nobel. Jeudi et vendredi, une conférence scientifique aura lieu à l'école d'ingénieurs Polytechnique, avant le sommet, les 10 et 11 février au Grand Palais.
Face au rouleau compresseur américain, la Maison Blanche ayant annoncé 500 milliards de dollars d'investissements pour développer des infrastructures d'IA, et l'onde de choc provoquée par la start-up chinoise DeepSeek, il s'agit de susciter un "réveil européen" et de s'assurer que "la France ne passe pas à côté de cette révolution", a souligné l'Elysée.
"Ni catastrophiste, ni angélique"
Le sommet entend ainsi valoriser l'écosystème français et ses 750 start-up liées à l'IA. Le tout avec une approche "ni catastrophiste, ni angélique", a assuré son envoyée spéciale Anne Bouverot. Des grands noms du secteur ont confirmé leur venue, comme Sam Altman, patron d'OpenAI qui a popularisé l'IA générative avec le lancement de ChatGPT en 2022, mais aussi Sundar Pichai (Google), Demis Hassabis, pionnier de l'IA et directeur de Google Deepmind ou Arthur Mensch, cofondateur de la pépite française MistralAI. La participation du fondateur de DeepSeek, Liang Wenfeng, est en "discussions", selon l'Elysée, qui n'a pas précisé si le patron de X, Elon Musk, invité, serait également présent. Les gouvernements américain et chinois enverront des représentants "de très haut niveau", a fait savoir la présidence française. Sont aussi attendus la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ou le chancelier allemand Olaf Scholz.
Paris espère des annonces d'investissements "massifs", notamment dans les infrastructures numériques en France. L'entourage d'Emmanuel Macron évoque un ordre de grandeur "au moins" comparable à celui du sommet annuel "Choose France", dont la dernière édition a attiré en 2024, 15 milliards d'euros d'investissements. Un volet culturel se penchera aussi durant le week-end sur les questions posées dans la création artistique et la production de l'information.
Ouvertes au public, ces manifestations doivent permettre de montrer "les usages positifs de l'IA" pour "créer de la confiance et accélérer son adoption", a indiqué la ministre française déléguée au Numérique Clara Chappaz. Les craintes s'amplifient chez les Français, avec 79% des sondés qui se disent "inquiets vis-à-vis de l'émergence des intelligences génératives" (contre 68% en mai 2023), selon un baromètre Ifop pour le groupe de conseil Talan.
Une vision plus "inclusive" de l'IA
La France entend surtout profiter du sommet pour faire valoir sa vision d'une IA plus "éthique", "accessible" et "frugale". "L'intelligence artificielle qui se développe aujourd'hui est portée par quelques grands acteurs de quelques pays, on souhaite promouvoir un développement plus inclusif", a expliqué Anne Bouverot. "Seulement sept pays dans le monde peuvent dire qu'ils sont partie prenante" des nombreuses initiatives en matière de gouvernance de l'IA, tandis "qu'à l'inverse, 119 États ne sont membres de rien du tout", a pointé de son côté David Bertolotti, secrétaire général adjoint du ministère français des Affaires étrangères, lors d'une conférence organisée par l'école de commerce ESCP. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre indien Narendra Modi copréside ce sommet.
Le sommet doit aboutir à la création d'une fondation pour l'intérêt général pour laquelle Paris espère lever 2,5 milliards d'euros sur cinq ans. Il s'agira "d'un partenariat public-privé entre différents gouvernements, entreprises, fondations philanthropiques de divers pays" qui fournira des outils en source ouverte "pour tous ceux qui souhaitent construire leur propre système d'IA", a détaillé l'Elysée. Au moment où les premières mesures du règlement européen AI Act sont entrées en application dimanche, la France veut aussi créer une cartographie des différentes initiatives de gouvernance mondiales. Elle vise enfin à ce que de nombreux acteurs prennent des engagements pour une intelligence artificielle durable et respectueuse de l'environnement, mais sans cadre contraignant.
"On a beaucoup de grands principes qui émergent autour d'une IA responsable, de confiance, mais la traduction technique n'est pas du tout claire ou facile à mettre en oeuvre pour les ingénieurs", a toutefois noté auprès Laure de Roucy-Rochegonde, directrice du Centre géopolitique des technologies de l'Institut français des relations internationales (Ifri).