Super Bowl 2025 : Record d'Audience et Controverses
Exclu : l'analyse de Vincent Létang, Directeur worldwide des études et de la prévision pour l’agence MAGNA (IPG Mediabrands).
Le 59e Super Bowl, dimanche 9 février, n'a pas été un grand match sur le plan sportif, mais il a battu de nouveaux records d'audience. Il reste aussi un baromètre révélateur des tendances médiatiques, publicitaires, marketing, sociétales et même politiques.
Le premier grand événement sportif et médiatique de la saison aux États-Unis, le 59e Super Bowl, la finale de la saison de football américain (NFL), a eu lieu dimanche soir à la Nouvelle-Orléans, entre les Kansas City Chiefs, double tenant du titre, et les Philadelphia Eagles. Le match était retransmis en télévision linéaire sur Fox, et en streaming sur Tubi. Le « Super Bowl LIX » (pour reprendre le style romain traditionnel) était très attendu en raison de nombreuses intrigues, « story lines » et records potentiels : la présence de Taylor Swift en tribune pour encourager son boyfriend Travis Kelce des Chiefs, comme l'an passé, mais aussi la présence de Donald Trump, premier président en exercice à assister au Super Bowl. Une victoire des Kansas City Chiefs aurait constitué un « three-peat », leur permettant d'être la première équipe à remporter le Super Bowl trois années de suite. Enfin et surtout, il s'agissait de la grande revanche du Super Bowl LVII : il y a deux ans, les Chiefs avaient battu les Eagles à la dernière seconde du temps additionnel.
Cette fois-ci, le match a été à sens unique en faveur de Philadelphie, vainqueur 40-22, et plié dès la mi-temps. Considérant l'absence de suspense, c'est donc une surprise que le Super Bowl 2025 ait tout de même battu le record établi l'année dernière de 123,7 millions de spectateurs, en attirant une moyenne de 127,7 millions de téléspectateurs sur l'ensemble des plateformes de diffusion. Fox (en diffusion linéaire et en streaming sur Tubi) a enregistré un total de 125,8 millions de téléspectateurs, soit un rating de 38% parmi les adultes de 18 à 49 ans, 5% de plus que CBS en 2024. C'était la première fois que le Super Bowl était diffusé en streaming gratuit, sans nécessiter d'authentification (preuve d'un abonnement câble). Ce simulcast gratuit en direct sur Tubi a représenté 11 % de l'audience totale, soit 13,6 millions de téléspectateurs. Ce nouveau record pour le Super Bowl illustre un contraste qui continue de se creuser entre le sport - en particulier le football américain - qui réussit mieux que d'autres genres à résister à l'érosion générale des audiences TV, et tous les autres genres de télévision linéaire (fiction, informations, et même reality shows) qui continuent de perdre 10 à 15 % de leurs audiences chaque année. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.
Si le scénario du match a déçu, le « half-time show » a été riche en résonances culturelles et politiques. Après avoir remporté cinq Grammy Awards une semaine plus tôt, Kendrick Lamar était le performeur principal du show, avec des apparitions de Jon Batiste, Ledisi, Lady Gaga, Terrance Blanchard, Harry Connick Jr., Serena Williams, et Samuel Jackson déguisé en « Oncle Sam ». Alors que le hip-hop vient de célébrer ses cinquante ans, c'était la toute première fois qu'un artiste hip-hop solo était la tête d'affiche du half-time show.
Un Super Bowl, ou plus généralement un « Tentpole Event » aux USA, ne serait pas complet sans une dose de controverse. La première a concerné le changement du slogan "End Racism", qui figurait sur le terrain du Super Bowl depuis plusieurs années, en un message antiraciste plus neutre : "Lift Every Voice". Bien que ce changement ait été prévu de longue date, il a déclenché une vive polémique parmi certains activistes qui y ont vu le symbole de la reddition de la NFL aux vues de Donald Trump, qui avait vivement critiqué le « genou à terre » de plusieurs joueurs de NFL pour protester contre les violences policières, pendant son premier mandat (2016-2020) et a annoncé son intention de couper les ailes aux initiatives de DEI (Diversity, Equity and Inclusion) pendant son second mandat. Lamar s'est chargé de la deuxième controverse, surprenant tout le monde en chantant "Not Like Us", une charge ouverte contre le rappeur Drake, à l'encontre de la tradition légère et consensuelle des half-time shows.
Et la pub dans tout cela? 51 minutes de pub sur 3 heures 30 de programme. Comme d'habitude, les spots publicitaires ont rivalisé de créativité, d'humour, d'effet spéciaux, et de célébrités (Ben Affleck, Martha Stewart, Gordon Ramsay, Serena Williams...). Les 30 secondes de publicité ont coûté aux annonceurs jusqu'à 8 millions de dollars cette année. La majorité des spots sont venus, comme d'habitude, d'annonceurs de grande consommation et de fast-food (snacks, sodas, bière, glaces), avec des marques comme Budweiser, Doritos, Taco Bell, Häagen-Dazs et Dunkin' Donuts. Le secteur de la tech a fait son grand retour, avec Google et Meta et - sans surprise - presque toutes les pubs tournant autour de l'intelligence artificielle, avec notamment la présence d'OpenAI (l'éditeur de ChatGPT). Le secteur pharmaceutique, qui se concentre habituellement sur les chaînes de news regardées par les plus de cinquante ans, commence à coloniser aussi le sport : l'émouvant film de Pfizer sur le traitement du cancer a été plébiscité comme le meilleur spot de cette édition.
Rendez-vous dans un an pour au Levi's Stadium de Santa Clara, California, le terrain des San Francisco 49ers, pour le Super Bowl LX (soixante !).
Vincent Létang
Directeur worldwide des études et de la prévision pour l’agence MAGNA (IPG Mediabrands) et résidant à New York depuis 13 ans, Vincent Létang nous apporte le témoignage d’un Français sur les médias et la publicité aux Etats-Unis.