Guilhem Fouetillou (Linkfluence) "les marques qui nous permettent de socialiser profitent de la plus grande exposition"

Guilhem Fouetillou - Linkluence

Deuxième semaine de confinement...CB News poursuit sa série d'interviews de professionnels de la filière communication, initiée mardi 17 mars dernier. Guilhem Fouetillou, co-fondateur de Linkfluence, s'est prêté à l'exercice. Voici ses réponses.

1) Qu'observez-vous comme tendances sur le net depuis le confinement : côté marketing et secteur de la communication ?

Guilhem Fouetillou : les marques savent que nous sommes en période de crise, mais que, premièrement, cette crise est plus globale et durable que celles connues récemment et que, deuxièmement, elle induira des changements dans les modes de consommation et dans les valeurs des consommateurs. Pour le moment, les marques appliquent les règles de base de la communication de crise : transparence, solidarité, sobriété et savent que les consommateurs les passeront au scanner condamnant celles qui feront preuve d'un opportunisme déplacé. Pour éviter cela, c’est aux marques de s'interroger sur leur capacité à apporter une contribution qui soit, à la fois, alignée avec leur domaine d'expertise et leur identité de marque et qui ne soit pas assimilée à de la publicité appuyée. Selon les secteurs d'activité, un tel exercice est plus ou moins aisé et une cassure véritable est en train de s'opérer entre les acteurs dont l’utilité explose en ces temps singuliers (besoins de première nécessité, information, communication, divertissement) et ceux stoppés par l'immobilisation de plus d'un milliard de consommateurs dans le monde (transport, voyages, hôtellerie, restauration, sports d'extérieur, événementiel). Mais au delà des bouleversements actuels, qui sont, somme toute, plutôt aisés à appréhender en termes de communication et de marketing, c'est ce qui perdurera de cette crise qui devrait interroger les marques dès aujourd’hui. Nous savons d'ores et déjà que nous ne reviendrons pas à l’état initial et que la transformation des modes de consommation vers plus de responsabilité et de sens va fortement accélérer et être marquée par ce que cette crise aura révélée de nos limites. Tous ces indices, signes sont déjà présents, particulièrement sur les médias sociaux, au sein des communautés et tribus du web qui les diffusent au quotidien, aux marques d'apprendre à les entendre pour d'ores et déjà préparer la suite. 

2) Quelles marques émergent en ce moment ?

 Guilhem Fouetillou : les marques qui émergent sont aujourd’hui celles qui répondent aux besoins décrits par une forme renouvelée de la pyramide de Maslow. Si les achats panique ont donné une forte exposition aux marques d’hygiène, de santé, d’entretien et agro-alimentaire, ce sont avant tout les marques qui nous permettent de socialiser qui profitent de la plus grande exposition.  Communiquer tout d’abord : Facebook a annoncé avoir doublé la taille de son infrastructure Whatsapp pour supporter l’augmentation des usages globalement. S’informer ensuite, ce sont les sites de médias qui connaissent les plus fortes croissances d’audience depuis le début de la crise et enfin se divertir que ce soit au travers des médias sociaux (TikTok, Youtube, Facebook, Instagram), des plateformes de VOD mais aussi de l’ensemble des producteurs de contenus qui profitent d’une occasion unique pour valoriser leurs catalogues en donnant accès librement à ceux ci mettant ainsi en lumière des offres de niche (Opéra de Paris, INA …). Enfin, tout comme nous l’avions observé lors de l’incendie de Notre Dame de Paris, les marques qui contribuent à la lutte contre l’épidémie, soit par des dons, soit par la mise à disposition de ressources ou de savoir-faire, se trouvent positivement exposées et renforcent leur RSE par la même occasion.

 

3) Entre sobriété et communication maladroite ou opportuniste : la voie est-elle difficile à trouver ? Que conseillez-vous à vos clients ?

  Guilhem Fouetillou : encore une fois, toute action non-sincère sera sévèrement sanctionnée par les consommateurs qui vivent un moment inédit de l’histoire. Si le mot d’ordre est à l’authenticité, il faut malgré tout garder certaines règles à l’esprit. Premièrement, le respect de la gravité de la situation, en gardant un ton neutre, empathique et en choisissant dûment son vocabulaire. Ensuite, les consommateurs vont de plus en plus avoir besoin d’un soutien psychologique, et il faut arborer une attitude résolument positive, amenuiser les peurs, et offrir des solutions concrètes. Enfin, nous vivons tous cette épreuve du confinement, et on attend des marques qu’elles portent cet esprit de solidarité, en projetant des messages d’unité face à la crise. Mais au delà de ces principes généraux, c’est dans la capacité des marques à les décliner et les adapter au quotidien et en temps réel que se situe le véritable challenge et cela ne pourra se faire sans écouter en temps réel, globalement et de manière souple les consommateurs, en particulier sur le web social.



4) La crainte d'une "surchauffe" du web et donc d'une coupure est-elle justifiée ?

 Guilhem Fouetillou : en temps d'incertitude, les craintes se démultiplient. Les conversations et multiples publications autour d'une possible surchauffe du web et de son effondrement illustrent avant tout à quel point nous sommes dépendants de cette infrastructure et combien elle est un de nos besoins fondamentaux pour passer cette crise. D'un point de vue rationnel, internet dans son ensemble est un réseau décentralisé, il ne peut donc s'effondrer complètement, c'est d'ailleurs ce qui a présidé à son invention par les militaires américains dans les années 60. Les géants du web et les fournisseurs d'accès déploient des moyens conséquents pour assurer les augmentations d'usages et des moyens existent pour facilement abaisser la charge subie par l'infrastructure par exemple, bloquer l'accès à la vidéo haute définition sur les plateformes de VOD et les réseaux sociaux ce que de nombreux acteurs ont déjà fait ou s'apprêtent à faire. 

 

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