Edouard Renker (Makheia) : « c’est la fin probable d’une sorte de foi païenne dans les marques »

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Avec cette 5ème semaine de confinement, CB news poursuit ses entretiens avec les professionnels de la publicité, de la création, du marketing, des médias, de la high-tech… Aujourd’hui, l’éclairage d’Edouard Rencker, président du groupe de communication Makheia.

4ème semaine de confinement, c’est long ? Comment faites-vous à l’agence ?

Nous avions déjà organisé les process de télétravail bien avant la crise. Nous étions donc prêts : infrastructure et ressources humaines. On utilise, comme toutes les entreprises, massivement les outils de visioconférence. Nous multipliions les réunions, notamment entre les managers et les équipes, pour conserver un lien social le plus étroit possible, et s’assurer que tout le monde va bien.

Comment réagissent vos clients ? En ces temps de crise majeure, quelles sont vos principales préconisations pour les discours/créations/dispositifs/travaux en cours ?

Beaucoup sont fortement impactés, notamment dans l’automobile ou le tourisme, avec un chiffre d’affaires quasi nul. Leurs pertes vont être colossales. Ils en profitent néanmoins pour revoir leur organisation, imaginer la reprise. Les autres poursuivent, avec courage, leur activité. Pour l’instant la plupart de nos clients n’ont pas modifié leur dispositif de prise de parole. Nos préconisations : une communication la plus « authentique » possible, sans récupération, sans « pathos » mais avec sincérité ! Plus que jamais la communication consiste à garantir un équilibre vertueux des informations et de la parole : ni paranoïa, ni catastrophisme, ni optimisme naïf. Une parole juste ! Et vers tous les publics.

Mesurez-vous d’ores et déjà l’impact financier de la situation ?

Je pense que personne n’a vraiment en tête l’impact économique réel de la crise. J’aimerai rappeler que le PIB annuel de la France est d'environ 2 500 milliards d’euro. Donc deux mois de confinement avec une activité des entreprises quasiment à l’arrêt, représentent probablement 250 à 300 milliards de manque à gagner. Nous sommes très loin des 50 milliards évoqués par les responsables politiques et repris par les médias. Je suis effaré par le manque de capacité d’analyse économiques de la plupart d’entre eux. Nous estimons pour Makheia une baisse de marge probable de 15%. Notamment due à l’arrêt des compétitions qui va fortement pénaliser notre « new-business ». Et si l’économie repart cet été.

Quand et comment sortir par le haut d’une telle situation ? C’est quoi le monde d’après ?

Revenons aux fondamentaux, reposons-nous les questions essentielles sur le rôle de la communication et des communicants. Nous avons trois fonctions majeures. D’abord, celle de passeurs et d’agents de la transformation sociale et culturelle, via notamment nos visions sociétales et créatives. Ensuite, celle d’organisateurs des signes. Ces temps de crise soulignent plus que jamais la nécessité de maitriser les signes et la sémantique. Enfin, celle de médiateurs, garants d’un équilibre entre ce que souhaitent dire les émetteurs et entendre les récepteurs.

Cette crise nous amène à repenser considérablement l’expression des marques : leur nature, leurs sens, leurs modes d’échanges avec le monde. C’est la fin, probable, d’une sorte de foi païenne dans les marques.

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