"Repenser le contrat de confiance entre l’entreprise et ses salariés"- Pauline Caillat et Nicolas Narcisse (Havas Paris People)

Pauline Caillat et Nicolas Narcisse, vice-président de Havas Paris

Nicolas Narcisse et Pauline Caillat - Havas Paris et Havas Paris People

(© Eric Legouhy)

Pauline Caillat, directrice de Havas Paris People et Nicolas Narcisse, vice-président de Havas Paris, analysent les nouveaux enjeux de la relation qui lie les collaborateurs à l’entreprise. Et lèvent le voile sur l’étude * qu’ils viennent de dédier au sujet. Décryptage sur un "choc" dans l'organisation et perception dans le travail.

DANS VOTRE ÉTUDE "SALARIÉS ET ENTREPRISE : VERS UN NOUVEAU CONTRAT DE CONFIANCE", VOUS ÉVOQUEZ L'INSTAURATION D'UN NOUVEAU "PACTE EMPLOYEUR ET SOCIAL" : QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE ?

Pauline Caillat et Nicolas Narcisse : les 18 mois que nous venons de vivre sont un big bang sans précédent dans le rapport des Français au travail, à l’entreprise et à leur manager. Ce que révèle notre étude c’est que rien ne sera plus "comme avant" et qu’en tout cas il n’y aura pas de retour au travail "comme avant". Le choc du confinement et du télétravail a généré de nouveaux comportements et a impliqué, pour beaucoup, plus d’autonomie et une autre relation à l’entreprise. Ainsi qu'un nouveau type de proximité avec son manager.  70 % des salariés des grandes entreprises pensent que leur rapport au management a changé et attendent désormais plus de liberté de la part de leur manager. Ils sont d’ailleurs 63% à penser que demain les collaborateurs seront de plus en plus libres. Par la force des choses et par la brutalité de la crise, chacun a dû apprendre à travailler autrement : 58% des managers attestent avoir vu leur rôle et leur fonction changer. Et on voit bien qu’il sera difficile de revenir sur l’autonomie et la liberté induits par cette situation inédite. Le télétravail, qui n’est qu’une expression de ces "new ways of working", va s’imposer durablement pour 62% des salariés et même pour 70% des managers. C’est en tout cas pour nous chez Havas Paris People le signal d’une incontournable nécessité de repenser le contrat de confiance entre l’entreprise et ses salariés. Et nous avons la conviction que c’est non seulement l’intérêt des salariés mais aussi des entreprises de se consacrer à cette nouvelle promesse employeur. Et franchement, en cette période de forte reprise économique et de pénurie des talents, la promesse employeur est aussi importante que la promesse client !

L'ÉCRASANTE MAJORITÉ DES SALARIÉS ATTEND DE SON ENTREPRISE DES RAISONS DE S'ENGAGER. VOUS DITES MÊME QU'ILS SONT PRENEURS D'UNE SORTE "D'HOMMAGE" ?

Pauline Caillat et Nicolas Narcisse : on a beaucoup dit que si les entreprises françaises avaient tenu le coup, c’était grâce aux efforts des dernières années en matière de digitalisation. C’est incontestable. Mais si elles ont su basculer en quelques heures dans l’inconnu, puis s’adapter en continu et en temps réel à l’évolution de la crise et du contexte sanitaire, c’est surtout grâce à l’engagement, la créativité, l’esprit d’entreprise des collaborateurs, leurs efforts et parfois leur abnégation. C’est évidemment très important de célébrer cet engagement, mais aussi de le reconnaître avec des preuves, des témoignages de confiance. C’est une opportunité pour innover, inventer de nouveaux rapports au travail et de nouveaux modes de management plus souples. Ce sera probablement un critère de choix pour les talents et un nouvel enjeu de compétitivité pour les entreprises. Au sortir de ces mois de crise, les managers sont d’ailleurs 89% à penser que le capital humain est plus important que jamais pour le succès de l’entreprise. De leur côté, 8 salariés sur 10 pensent que "L’employeur devra trouver de nouvelles manières de donner envie à ses salariés de s’engager". Le collaborateur n’est plus simplement une force de travail, il est à considérer dans sa complexité de citoyen, de bénévole, parfois de militant, de parent, d’ami...Bref d’être social à part entière.

 QUE PENSEZ-VOUS DE CETTE NOUVELLE DONNE ?

Pauline Caillat et Nicolas Narcisse : d’abord, c’est un moment charnière pour reconsidérer la relation des collaborateurs à l’entreprise et donner du sens au travail. Une exigence déjà bien présente avant le Covid mais extrêmement partagée aujourd’hui puisque 75% des salariés veulent jouer un rôle actif dans leur entreprise afin qu’elle affronte les grands défis sociétaux. D’ailleurs le Covid a plutôt eu un effet bénéfique puisque 52 % des salariés pensent que leur rapport au travail a changé et qu’ils s’y sentent plus utiles qu’avant. Un score qui monte à 64% pour les managers. Alors qu’on note qu’il y a une forme d’anxiété de nos clients à propos de la manière dont les salariés vont reprendre une vie "presque" normale au travail, on a le sentiment au contraire à travers cette étude que le lien entre les salariés et les entreprises semble renforcé presque apaisé. 72% des salariés pensent que la crise sanitaire les a plutôt rapprochés de leur entreprise et 71% d’entre eux ont le sentiment que leur entreprise les a protégés et leur a apporté du soutien pendant la pandémie. C’est dire qu’on repart plutôt sur de bonnes bases pour repenser ce fameux contrat de confiance !

EST-CE QUE C’EST POUR VOUS L’AVÈNEMENT DE "L’ENTREPRISE LIBÉRÉE" ?

Pauline Caillat et Nicolas Narcisse : ce concept développé par Isaak Getz ne peut certainement pas s’appliquer partout de manière radicale. Mais nous avons le sentiment qu’on bascule, dans l’entreprise, d’une société du contrôle à une société de la confiance. La crise accélère une bascule très importante de l’entreprise. C’est comme si elle allait devoir passer d’une philosophie basée sur la norme (le temps de travail), des cadres établis (CDD, CDI) à une philosophie de l’engagement. Avec plus d’autonomie, plus de liberté individuelle, une relation contractuelle plus flexible, une organisation plus souple (télétravail) et plus de mobilité. Mais si la confiance est là, entre l’employeur et ses salariés, il faut faire le pari qu’il y aura plus de productivité et d’efficacité à la clé. C’est le pari qu’il faut faire et ça va être passionnant !

 * L’étude Havas People « Salariés et Entreprise » a été réalisée les 21 et 22 juin 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 810 salariés, interrogés en ligne par Dynata. La représentativité a été assurée par la méthode des quotas (âge, sexe, région, CSP).   

 

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