Sir Martin Sorrell : "S4Capital va construire un nouveau modèle et disrupter l’ancien"

Sir Martin Sorrell + Wale Gbadamosi Oyekanmi

Quelques jours après l’annonce de l’entrée de l’agence Dare. Win dans le groupe S4Capital, Sir Martin Sorrell et Wale Gbadamosi Oyekanmi ont accordé une interview exclusive à CB News sur leurs ambitions. Elles sont grandes et l’ex patron de WPP n’a toujours pas la langue dans sa poche.

CB NEWS : S4Capital investit en France avec le rachat de Dare. Win, pourquoi ce choix ?

Martin Sorrell : Nous avions déjà une offre en data et média digital en France avec Mighty Hive et nous devions nous étendre notre offre sur le contenu. Et Wale nous a approchés, via un ami commun. Les gens de MediaMonks le connaissaient bien et nous avons pensé que Dare. Win serait une parfaite représentation de la philosophie de MediaMonks à Paris. La France est l’un des grands marchés européens. Nous sommes en Espagne, en Italie, en Grande Bretagne et avec le gain de BMW (remporté au sein d’une alliance nommée The Engine et composée de MediaMonks, ServicePlan et Berylls Strategy Advisors, N.D.L.R.) nous serons également en Allemagne.

CB NEWS : Wale, pour quelle raison avez-vous initié ce rapprochement ?

Wale Gbadamosi Oyekanmi : Nous avions l’ambition de progresser et de changer de taille. Nous avons vu comment S4Capital s’est développé en trois ans et nous connaissions évidemment le travail de MediaMonks dont les récentes acquisitions, Circus en janvier dernier, Firewood, l’an dernier nous ont fait comprendre qu’il y avait un immense potentiel à rejoindre un tel groupe.

CB NEWS : Dare. Win a 10 ans et c’est une forme d’accomplissement de rejoindre le groupe de Sir Martin ?

Wale Gbadamosi Oyekanmi : Oui, j’ai gagné un peu en sagesse en dix ans et je suis prêt aujourd’hui à entrer dans une nouvelle ère. Cela va nous permettre de changer de taille, de renforcer nos équipes, nos moyens et nos talents. En rejoignant MediaMonks et S4, nous serons plus efficace en digital, en data, nous pourrons créer plus de valeur. C’est clairement un avantage compétitif d’entrer dans ce groupe.

CB NEWS : Pour S4, Dare. Win est un apport naturel du fait de sa jeunesse et de son profil digital entertainment ?

Martin Sorrell : Nous avons quatre caractéristiques opérationnelles chez S4. La première est que nous sommes purement digitaux, ce que Dare.Win est également. Plus de 55 % de nos revenus proviennent de clients du monde de la tech. Les plus gros sont Google, Facebook… Les clients de Dare.Win sont également de cet univers, comme Netflix. La seconde caractéristique est ce que nous appelons " la sainte trinité" qui passe par la maîtrise de la data first party, permettant la création de publicité digitale distribuée principalement de manière programmatique sur des médias digitaux. La troisième caractéristique est notre capacité à agir et décider plus vite que nos concurrents. Ce qui suppose d’être agile mais aussi de comprendre la manière dont nos clients, nos partenaires, les entreprises technologiques agissent. La quatrième partie de notre mantra, est une structure unifiée. Nous avons ainsi fusionné MediaMonks avec sept autres sociétés et nous avons fait la même chose avec Mighty Hive autour de la data et de l’achat digital qui doivent fonctionner de pair avec la partie contenus. C’est notre avantage stratégique par rapport aux holdings. Publicis a beau affirmer s’organiser comme le "Power of one", la réalité est que ce n’est pas vrai. En réalité, dans la plupart des pays où Publicis est implanté, il y a des dizaines d’autres noms d’agences.

CB NEWS : Vous n’en avez toujours pas fini avec Publicis ?

Martin Sorrell : Non, ce n’est pas la question de Publicis, c’est un fait ! En réalité je connais bien le problème parce que je l’ai connu chez WPP. Nous appelions cela horizontalité. C’est le problème des sociétés holdings qui sont fragmentées. Le système des clauses d’earn out conduit à la fragmentation des grands groupes. C’est pourquoi j’ai dit à Wale et à tous les gens qui nous ont rejoints :"Si tu veux vendre ta société, va voir Publicis, Omnicom ou WPP. Si tu veux construire avec nous un nouveau modèle de services et de publicité digitale et que tu veux grandir avec nous, alors tu es au bon endroit. Publicis a raison : le Power of One est le plus puissant. Mais il n’existe qu’aux Champs Elysées alors que la réalité est totalement différente sur le terrain. Publicis mais aussi Omnicom, WPP, IPG, ou Dentsu ont le même problème. Les clients veulent les meilleurs pour répondre à leurs problèmes et peu importe sous quelle marque ils sont.

CB NEWS : C’est ce que vous avez fait pour BMW, dans l’alliance The Engine ?

Martin Sorrell : Le montage pour BMW est dirigé par MediaMonks qui est au cœur d’un dispositif composé par la tech, la création de contenu et production. ServicePlan gère le média et Berylls sur le consulting. Nos principaux concurrents ne sont d’ailleurs pas les holdings mais les groupes de consulting. Sur BMW, nous étions en finale contre Accenture. Or, ce que nous voulons faire, la mission que nous nous sommes donnée chez S4, est de construire un nouveau modèle et de disrupter l’ancien.

CB NEWS : Et ça se présente bien ?

Martin Sorrell : Nous sommes minuscules par rapport à nos compétiteurs. Accenture a une capitalisation de 150 milliards de dollars, la nôtre est de près de 3 milliards de dollars mais nous n’avons que trois ans. Nous sommes en quelques sortes une triple licorne. Nous sommes donc un petit bouton sur les fesses d’un éléphant, si vous m’autorisez l’image. Nous avons donc du chemin mais je pense que nous sommes plus souples, plus rapides, pour tout dire meilleurs avec tout le respect que je dois à ces entreprises.

CB NEWS : Vous connaissant, il y a peu de chances que vous restiez petit très longtemps ?

Martin Sorrell : Nous verrons. Je n’aime pas faire de conjectures quand à notre futur. Nous verrons comment se présente l’année prochaine avec le Covid. Mais il est vrai que nous avons connu une croissance chaque mois de cette année 2020 puisque nous somme à +22 % sur le premier semestre à périmètre comparable. Nous avons continué à embaucher là où les holdings ont réduit leurs effectifs. Le seul gain de BMW va nous amener à augmenter nos effectifs d’environ 300 personnes et nous seront 3 000 au total d’ici peu. Et si l’on regarde les perspectives économiques pour 2021, elles sont plutôt positives si nous avons un vaccin au deuxième trimestre.

CB NEWS : Du coup, S4 est l’une des rares sociétés a ne pas avoir souffert de cette terrible année 2020.

Martin Sorrell : C’est une année terrible sur le plan sanitaire. Mais il est vrai qu’en ce qui concerne S4, nous sommes au bon endroit au bon moment. La crise du Covid-19 a accéléré la transformation digitale dans les entreprises mais aussi dans le commerce, la santé, les médias et les consommateurs. Et en effet nos revenus ont continué à augmenter pendant que ceux des holdings baissaient.

CB NEWS : Pour revenir à Dare. Win, quel est son avenir dans son nouvel environnement. Une plus grande agence ?

Wale Gbadamosi Oyekanmi : Elle sera certainement plus grande mais surtout encore plus rapide, plus agile. Nous allons prendre plus de place sur le marché français

Martin Sorrell : Ce que ne dit pas Wale, c’est que Dare.Win va aussi prendre de l’importance dans le monde. Wale regarde avec intérêt l’Afrique et nous aussi. Nous sommes déjà en Afrique du Sud, nous sommes au Moyen-Orient et nous avons des ambitions en Europe, et en particulier en Europe de l’Est, mais aussi en Asie et en Amérique.

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