Wilfried Klucsar (Dix Sept Paris) : « sortir de la frénésie de l’activation »

Wilfried Klucsar

Cofondateur et directeur du développement de l’agence digitale spécialisée dans le luxe Dix Sept Paris, Wilfried Klucsar répond aujourd’hui aux questions de CB News alors que la période de confinement se poursuit et que les professionnels de la publicité, de la création, du marketing, des médias, de l’audio ou encore de la high-tech s’interrogent sur comment vivre avec cette crise et, surtout, comment en sortir.  

6ème semaine de confinement et de télétravail… Après la mise en place d’une nouvelle organisation, y-a-t-il eu des ajustements, des manques, des innovations en la matière. Tout est-il rose dans ce nouveau mode de travail ?

Depuis la création de DIX SEPT PARIS, le télétravail a toujours été utilisé, cela fait partie de notre ADN d’agence à taille humaine, forcément plus flexible pour adopter cette typologie de travail. Nous utilisons des outils nous permettant de garder un lien « comme à l’agence » : Google drive, WhatApp, Zoom, etc. D’une certaine manière nous avions déjà expérimenté cela en décembre dernier, pendant les grèves de transport, en proposant à l’ensemble de nos salariés de rester chez eux pour ne pas accumuler de la fatigue inutile lors des déplacements. Pour garder le lien avec nos clients nous avons mis en place des « talks ». Chaque semaine, nous débattons, discutons sur des thématiques différentes : la génération Z, l’engagement des marques, le slow content…

Ce qui nous manque le plus reste le relationnel car, même si nous restons connectés chaque jour, rien ne remplace le contact humain, les sourires, les bonjours du matin, les discussions à la machine à café… C’est d’ailleurs ce qui ressort des « bulletins d’humeur » que nous avons instaurés lors des entretiens hebdomadaires avec nos salariés afin de faire le point sur leurs ressentis pendant cette période particulière.

La relation entre le secteur du luxe et le digital se sont aujourd’hui apprivoisés ? Quelles sont les urgences de vos clients ? Quelles sont vos préconisations ?

La relation entre le luxe et le digital est aujourd’hui bien établie, cela ne fait aucun doute. Les marques de luxe maitrisent les différents leviers digitaux (réseaux sociaux, e-commerce, CRM, etc.). Néanmoins, on constate que certaines ont une approche encore trop statutaire et centrée sur le produit. C’est pourquoi il nous semble important de développer une approche plus conversationnelle avec un discours sincère et authentique axé sur l’humain.

Il est primordial d'utiliser cette période inédite pour travailler son discours de marque, sa raison d’être et surtout sa raison d’agir. Penser sa ligne éditoriale sur le temps long pour sortir de la frénésie de « l’activation » qui, par essence, n’est pas faite pour durer. Il est également important de penser des contenus et des campagnes plus ambitieux, créatifs, engagés, qui garantiront peut-être des interactions moins nombreuses, mais plus sincères et durables avec ceux qui les consommeront.

Mesurez-vous d’ores et déjà l’impact financier de cette crise pour votre agence ?

Il est encore tôt pour se prononcer, mais il est certain qu’il y aura forcément un impact à court terme car les grands groupes de luxe enregistrent une baisse de chiffres d’affaires importante. Même si le e-retail a permis de ne pas stopper complètement la machine, il n’a pas couvert le manque à gagner en retail.

De notre côté, nous tenions à ce que chacun de nos collaborateurs, prestataires, free-lances soit réglé en temps et en heure et n’ait pas un seul jour de retard. Être solidaire de ces personnes que nous côtoyons chaque jour et qui permettent à notre agence de se développer depuis 5 ans est une de nos priorités.

Y aura-t-il un avant et un après coronavirus pour votre entreprise ? Le luxe est-il bien armé pour sortir plus vite que d’autres secteurs de cette crise ?

Avec mon associée, nous souhaitons ressortir encore plus fort de cette crise pour qu’elle soit autant que possible bénéfique à nos clients et collaborateurs. Nous nous sommes appliqués à nous-mêmes ce que nous avons conseillé à nos clients : profiter de cette période pour réfléchir en profondeur à notre positionnement et notre ambition en tant que marque et, en l’occurrence, en tant qu’agence de communication. Nous voulons mettre au coeur de notre offre les talents qui nous accompagnent depuis cinq ans (notamment des créatifs issus de l’industrie du luxe) ainsi que de nouveaux talents ayant participé à la création et la stratégie des nouvelles Indies Brands. L’objectif est, plus que jamais, de défendre l’idée que la communication des marques ne peut plus se contenter de messages commerciaux et qu'elles ont un rôle à jouer dans la société et une place à trouver dans la vie des gens.

En parallèle, pour que les valeurs prônées dans les campagnes de nos clients soient respectées tout au long du processus de création et de production, l’agence a développé l’eco-production et va maintenant systématiser le bilan carbone pour chaque nouveau projet.

Par ailleurs, l’industrie du luxe est l’une des industries les plus dynamiques dans la lutte contre le coronavirus depuis le début de la crise sanitaire. Certains groupes comme LVMH, L’Oréal, Yves Rocher, Pierre Fabre, Chanel, Clarins, n’ont pas hésité à apporter leurs contributions à « l’effort de guerre du pays » en produisant, au sein de leurs usines, gels désinfectants, masques, respirateurs ou en maintenant le salaire de leurs collaborateurs. Si 50% des français indiquent que le comportement des entreprises déterminera leurs achats futurs (rapport Trust Barometer Edelman 2020) il y a fort à parier que celles qui auront été à l’avant-garde seront les mieux placées pour la reprise économique.

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