Arthur Scheuer (Ulyces) : « Nous avons un amour des gens, du beau et du vrai »

Arthur Scheuer

Le média digital Ulyces monte en gamme avec un nouveau positionnement et le lancement de séries premium et affinitaires. Ce changement stratégique s’accompagne  d'une refonte complète de la charte graphique et du design du site. Mais Arthur Scheuer veut rester fidèle à son credo « True People, True Stories ». Le co-fondateur du média s’est confié à CB News.

Quelle est la genèse d'Ulyces ?

Ulyces est avant tout né de notre passion pour les histoires. Nous adorons lire, aller au cinéma, jouer, nous raconter des histoires, les découvrir. En termes d’écriture, d’image, de storytelling, le bureau est rempli de passionné.e.s, mais aussi de maniaques. Nous avons tous.tes en commun un amour des gens, du beau et du vrai. Notre métier, c'est avant tout de trouver les meilleures histoires, les plus belles personnes, et de les raconter du mieux que l'on peut. Et nous avons appris à le faire sur tous les canaux. La longueur n'est pas une garantie de qualité, mais un contenu court ne garantit pas la viralité non plus. Nous savons raconter des histoires écrites, en vidéos, courtes, longues, sur TikTok, sur Twitter, sur Insta ou sur Facebook. Le travail est le même : trouver la bonne histoire, trouver le bon rythme, trouver le bon médium. Nous avons aussi la chance d'avoir la confiance et l'amitié de Joshuah Bearman et Joshua Davis, les producteurs notamment de Little America sur Apple TV, avec qui nous nous associons désormais pour porter au grand écran des histoires vraies. Quand l'histoire est bonne, quand la personnalité est exceptionnelle, il n'y a pas de médium qui ne soit pas pertinent. Faire le choix d’une qualité cinématographique dans nos vidéos, c'est avant tout l’expression de notre volonté de raconter les gens et les choses de façon plus vraie, plus subtile.

Vous montez en gamme, pourquoi ?

L’envie de s’écouter vraiment, d'être ému. L'envie de prendre des risques, l'envie de faire quelque chose que personne n'a encore fait. Ou que peu de gens ont fait. L'envie de beauté et d'humanité, après tous ces mois compliqués. Une envie de faire ce qui nous plaît nous, avant tout. Au bureau, tout le monde est hyper heureux, fier, inspiré. Je pense que c'est la première raison. Après bien sûr nous avons dans l'idée que c'est ce dont le marché à besoin. Mais on fait du web comme So Press fait du papier, à l'instinct, à la passion.

Une série affinitaire, qu’est-ce que c’est ?

Je pense que nous avons une équipe data exceptionnelle, Ana notre social media manager, nous donne des insights incroyables, et nous permet vraiment de comprendre, et parfois d'anticiper le fonctionnement des algorithmes de plateformes comme Facebook, Insta ou TikTok. Ces insights et l'excellente relation que nous entretenons avec les équipes France de Facebook ou de TikTok, nous ont permis de performer très fort, notamment récemment sur TikTok sur lequel nous tournons à une moyenne de 15 millions de vues par mois. Mais pour autant, en tant que producteurs.trices, on est parfois un peu frustré.e.s par le fonctionnement des algorithmes. Donc nous voulions trouver quelque chose qui nous permette de toucher les passionné.e.s plus directement. Et nous avons pensé que la meilleure façon de le faire, c'était de proposer à chaque tribu de passionné.e.s des séries affinitaires, c'est-à-dire des séries vidéo, qui sont construites autour d'un passion point (par exemple, la gastronomie, ou la musique). D'une certaine façon, ces séries sont des mini-séries docu, comme sur Netflix mais en plus court.

Quelles sont ces nouvelles verticales ?

On se passionne pour le futile et l’éternel, en réalité. La musique, la gastronomie, l’amour, ce sont des choses qui peuvent parfois sembler secondaires, mais en réalité quoi de plus important ? D’ores et déjà, les passionné.e.s de cuisine peuvent découvrir Open Kitchen, une mini-série documentaire, dans laquelle nous suivons un chef à l’ouverture de son restaurant. L’idée d’Open Kitchen, c’est vraiment d’essayer de comprendre d’où vient la passion pour la cuisine d’un.e chef.fe cuisinier.ère ou d’un.e fondateur.trice de restaurant. Nous aimons les rencontrer tôt le matin, parce que ce sont des moments intimes, des moments de poésie. C’est aussi un moment, dans la journée d’un.e chef.fe, ou il.elle peut se montrer sous un jour un peu différent, montrer un peu de vulnérabilité, dans un monde très très dur. Barrio est une série qui part à la découverte des artistes émergents du monde entier, dans leur ville, là où ils.elles créent. On veut aller à la rencontre d’artistes qui nous intéressent, on veut être étonné. Cela part d’un constat assez simple, c’est que la musique est un produit culturel totalement mondialisé. Et enfin, nous lançons également Future of Love, une série dont le sujet est l’amour. Cela paraît un peu cheesy, mais c’est sans doute la plus belle expérience dans une vie humaine. Donc nous voulions raconter des histoires d’amour. Cela s’appelle Future of Love, parce que cela s’intéresse à des histoires d’amour un peu différentes, mais l’idée c’est de montrer que peu importe qui le ressent, ce sentiment est universel et inhérent à l’expérience humaine.

Votre credo : « True People, True Stories » reste le même ?

C'est le lien entre le passé, le présent et l'avenir. L'amour des histoires et des gens, le besoin de vérité, c'est ce qui nous a fait naître. Notre nouvelle façon de faire ne le servira que mieux.

Le temps long, c’est possible sur les réseaux sociaux ?

En fait, lorsque nous nous sommes lancés, il y avait cette marotte du slow media. C'est comme la slow food, ça ne la rend pas meilleure en soit. Le court n'est pas une garantie de viralité, le long n'est pas une garantie de qualité. Lorsque nous nous sommes lancés, nous avons eu la chance de publier des grand.e.s journalistes, des prix Pulitzer, donc on nous a identifiés comme un média du temps long. Puis nous avons percé sur Facebook avec des vidéos virales, pour atteindre parfois jusqu'à 60 millions de vues vidéos sur la plateforme, avec des vidéos de plus de 3 minutes. Du coup aujourd'hui, les jeunes de 18 ans ne sont parfois même pas au courant que sur le site d'Ulyces il y a des enquêtes sur l'écologie au Costa Rica ou sur les tensions autour du pétrole en mer de Chine. Pour eux nous sommes avant tout soit une page facebook, soit un compte instagram, soit un Tiktok qui raconte des histoires.

Le plus important ce n'est pas la longueur du contenu, ni même sa forme, c'est la cohérence entre le médium et le message. On le voit sur Tiktok, en 15 secondes, on peut raconter une histoire qui va toucher des millions de personnes. Nous avons beaucoup travaillé avec l'équipe de Tiktok France pour que le lancement du Tiktok d'Ulyces soit un succès, et ça a dépassé nos attentes : en 4 mois près de 220K fans, plus de 7 millions de likes, et en moyenne 15 millions de vues vidéos par mois, à +6secondes. On peut raconter des histoires en 15 secondes, et on va continuer à le faire. On peut aussi être viral en 8 minutes, et sans aucun doute même avec des formats plus longs. Il faut qu'il y ait une pertinence totale entre le message et le médium, et qu'il soit adressé aux bonnes personnes.

Quels changements dans la production des vidéos ?

C'est assez radical. Nous ne voulions plus attendre. C'est une époque incertaine, et nous nous sommes offert un luxe : celui de créer des belles choses, celui de voyager, lorsque l'on pouvait et où l'on pouvait. On voulait montrer ce qu'était vraiment Ulyces. Mon associé et mes collaboratrices et collaborateurs sont des gens extrêmement talentueux, et j'avais envie qu'ils puissent le montrer.

Vous changez la charte graphique et le design de votre site : dans quelle direction ?

Pour le coup, on boucle la boucle. Évidemment les marques sont toujours en évolution, mais nous avons atteint une forme de maturité en termes d'identité. À l'origine, Ulyces avait un design très flat. À notre sortie, en 2014, on voulait juste être un bel objet web et ne pas déranger. Ilyes Griyeb, notre directeur artistique d'alors, qui est un artiste exceptionnel, avait designé un flag assez génial, qui était une voile, un drapeau ou un livre ouvert. Puis nous avons jugé qu'il était temps de montrer la diversité des sujets, des contenus, et c'est là que nous avons fait entrer le gradient arc-en-ciel, en 2017. Là, nous revenons à une certaine sobriété, tout en intégrant toutes les étapes du développement de notre identité, le logo ULYCES assez bold, le gradient arc-en-ciel, et le drapeau.

Comment se différencier de Konbini, Brut, Loopsider ?

Ce sont trois super plateformes, très différentes, complémentaires quelque part, en réalité. Nous faisons ce que nous aimons, ce qui nous inspire. Nous avons la chance d'avoir une communauté très large et très impliquée, qui aime être étonnée, est positive, étonnante, cultivée. Nous sommes pour l'instant une entreprise à taille humaine, nous avons plusieurs fois refusé des offres de rachat, parce que nous aimons ce que nous faisons, et nous croyons à ce que nous faisons. Quand on nous a chanté la musique du rachat, nous n'avons même pas voulu entendre parler de chiffres. C'est flatteur en tout cas. Nous avons aussi plusieurs fois remis sine die des levées de fonds, parce que les conditions, les propositions n'étaient pas celles que nous souhaitions. Nous sommes des gens humbles mais ambitieux, nous sommes obsédé.e.s par la perfection, qui est bien sûr difficilement atteignable, surtout en production. Nous aimons être libres de faire ce que nous aimons. Être libres de dire non, ça n'a pas de prix.

Avec le changement de positionnement de Facebook notamment, qui laisse moins de place aux médias, est-ce nécessaire d’évoluer ?

Notre expérience personnelle, c'est que malgré le fait que nous soyons un média et une agence indépendante, les équipes de Facebook France nous ont toujours accompagnés avec énormément de patience et de bienveillance. Lorsqu'il y a des changements, nous discutons, nous les prenons en compte bien sûr. Mais il faut considérer la masse des inventaires de contenu présent sur Facebook. Il y aura toujours de la place pour la qualité. Lorsque Facebook serre le robinet, ce n'est pas pour le fermer, c'est pour tenter d'être plus précis dans sa quête de pertinence et de qualité.

Quels sont vos objectifs pour Ulyces en 2021 ?

C'est un moment assez exaltant, bien sûr. Mais l'idée bien évidemment c'est d'abord de continuer à voyager au bout du monde pour rencontrer les jeunes et les créateurs.trices qui sont en train de le changer. Et ce n'est pas toujours simple avec la Covid, même si l'on commence à avoir l'habitude. Et l'idée bien évidemment c'est d'emmener des marques avec nous, de continuer à travailler avec nos partenaires dans les agences pour proposer des contenus extraordinaires, différenciants. Nous avons construit des objets éditoriaux d'une qualité exceptionnelle pour séduire à la fois nos audiences de passionné.e.s et partager cette aventure avec des marques de passionné.e.s.

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