Breakthrough Brands : disruptions sectorielles et culturelles

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En découvrant le classement Interbrand des Breakthrough Brands, nous avons souhaité analyser si, du point de vue du branding et de la communication, ces marques étaient véritablement disruptives. Nous avons donc examiné les différentes composantes de leur identité (naming, codes visuels, tone of voice, écosystème digital...) A priori, rien d’exceptionnel lorsque l’on connait les best practices du moment... Mais en y regardant de plus près, la disruption se révèle être avant tout sectorielle et culturelle.

1/ Naming

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En premier lieu, difficile de ne pas remarquer le trait commun aux différents noms choisis par ces marques pour se présenter au public : des noms directs, simples, quasiment transparents du point de vue du sens (Too Good To Go, kindbody, Houseplant… ).

Ces marques disent ce qu’elles sont ou ce qu’elles font, sans métaphore complexe. Une manière assez immédiate d’aborder le (grand) public pour la plupart. La tendance est finalement assez “mainstream”, observable dans de nombreux secteurs d’activité et il s’agit le plus souvent de marques jeunes.

Cependant, ce qu’il y a de notable dans ce type d’approche très consumer-centric et au niveau de discours très direct, ce sont les secteurs d’activités auxquels cette démarche s’applique. Si adopter un tone of voice simple et décomplexé est plutôt courant dans le loisir, la cosmétique ou l’habillement, c’est en soi une rupture lorsqu’un nouvel acteur de l’aviation (Boom) ou du médicament (Thirty Madison) applique ces bonnes pratiques à sa verticale métier.

2/ Codes visuels et communication digitale

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Il en va de même pour les codes visuels. Si la plupart arborent des univers graphiques aux couleurs franches, pop, acidulées, des motifs généreux et un traitement en flat design, rien ne semble a priori très révolutionnaire. On peut même se dire qu’elles suivent une tendance plus globale de simplification et de “ludification” des marques.

Toutefois, il faut à nouveau replacer certaines d’entre elles dans le contexte de leur activité, où ce type de traitement est inédit et marque une volonté nouvelle d’aborder les sujets avec optimisme et audace.

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Les breakthrough brands sont pour beaucoup les fruits d’une génération traversant une multi-crise globale, œuvrant à résoudre des problèmes écologiques et/ou sociaux. Leur posture est alors celle d’un « thought leader » (Daring, Arcadia, Tia..) qui doit certes maintenir un business rentable, mais dont la raison d’être est avant tout celle d’un changement bénéfique. Leur site web se fait ainsi le reflet de leurs convictions. Et plus qu'un point de contact dédié au business, il se veut manifeste, introduisant leur approche et marquant leur différence (« ce qui a toujours été versus ce que nous vous proposons et pourquoi »). Leurs touchpoints sont riches en contenus pédagogiques, parfaitement adaptés aux attentes des millenials et permettant à ces marques de faire infuser leur culture auprès de cette génération. Leur tone of voice bien que positif, reste expert et suffisamment neutre pour respecter la gravité des sujets adressés.

Et même lorsqu’elles proposent de l’e-commerce, le discours, les convictions et les engagements sont mis à l’honneur, et le parcours est pensé pour enclencher une relation, générer de l’émotion. Certaines marques comme Youthforia vont proposer un quizz pour apporter une recommandation personnalisée. Rien de plus logique pour une génération de marques visant à éviter le gâchis, et à célébrer les différences de chacun.

Nous avons également observé deux modèles alternatifs qui restent certes des exceptions, mais porteuses d’inspiration :

  • 100Thieves, fondée par un gamer champion, est une équipe de joueurs de compétition. Chaque « thief » rejoignant le cercle est muni de son aura propre... et de son réseau. Ensemble, ils cumulent des millions de fans et followers qui les idolâtrent et suivent de très près. Leur « tribu » génère un effet de halo et permet de démultiplier les sources de revenu dérivées (marque apparel, entertainment, deals d’influenceurs...) Il s’agit donc d’une marque éminemment communautaire... dotée d’un sacré sens du business ! Leur tone of voice porte donc tous les marqueurs de cette dimension quasi tribale, avec de nombreuses « private jokes » que seuls les membres peuvent saisir, l’usages de hashtags du type #WeTheThieves renforçant l’esprit d’appartenance.

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  • Une marque comme Monogram , quant à elle est disruptive puisque Jay-Z, son fondateur, élève un produit tel que le cannabis au rang des produits de luxe, très inspiré notamment de l’univers des spiritueux haut de gamme. Mais la rupture va sans doute au-delà du seul produit... Dans une campagne intitulée « The good life redefined », le photographe Hype Williams revisite les images iconiques de Slim Aarons (très représentatives des 70s et d’une richesse réservée aux « blancs »). En se réappropriant ces codes du faste américain et en y intégrant des personnages issus de la culture hiphop afro-américaine, Monogram bouscule les a priori et revendique un ADN de marque culte, s’adressant à des initiés qui savent célébrer le  caftsmanship et l’art de partager des histoires autour d’un « joint d’exception ». Une véritable redéfinition des codes et des plaisirs de luxe...

L'étude de ces marques rupturistes est plutôt réjouissante a priori et l’on ne peut que saluer leurs efforts pour s’inscrire de manière authentique et franche comme contributrices d’une société en demande d’optimisme, d’audace et de sincérité. Par leur offre de produits et de services autant que dans la manière de les proposer au public, elles se veulent simples, ludiques, honnêtes... bref, rafraîchissantes ! Et on apprécie d’autant plus que ce type d’approche inspire des acteurs de l’industrie, de la finance, du service ou encore de la santé : l’optimisme semble contagieux et c’est tant mieux !

Toutefois, et pour apporter une lecture critique malgré tout, il faudrait veiller à ce que cet élan collectif ne se transforme pas en uniformisation, au risque de provoquer l’effet contraire à celui recherché, c’est à dire de diluer l'unicité et la singularité de ces entreprises dans une espèce de bain tiède et multicolore où l’enthousiasme serait imposé, et le sourire probablement un peu figé...

D'où l’importance, pour les marques désirant disrupter un secteur, de trouver le juste équilibre entre l’écoute des tendances et des attentes d’une génération et la revendication d’une identité unique, fruit de valeurs fortes et propres à chacune.

Lucile Gouvernel – Head of Strategy

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