Google News et l’intelligence artificielle à la croisée des chemins

Accusé de contribuer au déclin de la presse et de laisser proliférer la désinformation, Google s’est lancé dans une vaste refonte de ses "News", avec, en guest star, l’intelligence artificielle. Le but affiché par Google est double : aider les médias à trouver des abonnés et limiter les effets pervers des algorithmes, qui ont tendance à ne faire apparaître en priorité que certains médias ou sujets. Avec comme but de casser la "bulle" ("filter bubble") ainsi créée, prisme qui a tendance à entretenir le lecteur dans ses convictions plutôt que de lui ouvrir des horizons. Grâce à l’intelligence artificielle, la nouvelle application Google News "fait apparaître les actualités qui vous intéressent provenant de sources fiables tout en vous offrant un éventail complet des points de vue sur les événements", a promis le numéro un de Google Sundar Pichai, en dévoilant en détail cette nouvelle version au début du mois. Elle "se sert du meilleur de l’intelligence artificielle pour dénicher le meilleur de l’intelligence humaine, l’excellent journalisme effectué par les reporters à travers de monde", assure le chef du projet, Trystan Upstill, selon lequel "un débat productif suppose que tout le monde ait accès à la même information". Google, qui entretient des relations pour le moins difficiles avec la presse, a multiplié ces derniers mois les annonces destinées à les apaiser. Comme Facebook, il est à la fois accusé de laisser proliférer les "fake news", de laisser trop de contenus en accès gratuit et de capter l’essentiel des recettes publicitaires en ligne. L’application propose donc des articles personnalisés ("Pour vous") mais aussi des actualités importantes ("A la une"), et de favoriser les sources "fiables", de façon à briser la fameuse "filter bubble". Avec sa nouvelle application, Google s’est aussi engagé à aider les éditeurs de presse à attirer des abonnés payants en permettant aux lecteurs de s’abonner de façon simplifiée, en utilisant leur compte Google. Pour Dan Kennedy, professeur de journalisme à la Northeastern University, ces mesures semblent positives pour l’écosystème de la presse. "Pendant de nombreuses années, Google a refusé de partager les revenus avec les groupes de presse, sous prétexte que Google leur amenait du trafic, et qu’il leur revenait de se débrouiller pour en tirer un profit financier", souligne-t-il. "Maintenant, avec plus de 90 % de toutes les recettes publicitaires en ligne qui sont captées par Google et Facebook, Google finit par reconnaître qu’il faut essayer autre chose", poursuit l’universitaire. Toutefois, estime Nicholas Diakopoulos, spécialisé dans le journalisme numérique à la Northwestern University, reste à savoir quel sera l’impact, notamment parce que Google "concentre ses efforts sur un nombre relativement réduit d’éditeurs de presse, c’est très concentré". D’autre part, l’idée de déterminer et de mettre en avant les sources "fiables" peut aussi être problématique, dit-il. "Peut-être est-ce positif pour les gros poissons, ou les (éditeurs) qui ont compris comment jouer avec les algorithmes", dit-il. "Mais qu’en est-il des sites d’informations locales (ou) des sites d’infos récents ?", s’interroge l’universitaire. Des reproches qui rejoignent en partie ceux qui avaient fusé après que Facebook, il y a quelques mois, eût annoncé qu’il allait privilégier les sources "fiables", selon les avis des… utilisateurs. Même si l’intelligence artificielle peut apporter des avantages dans la sélection, l’édition et le partage des contenus d’actualité, "on a toujours besoin d’humains […]. On a besoin de refléter des valeurs humaines, des valeurs éditoriales… on ne peut pas quantifier chacun des critères susceptibles d’être importants dans une décision éditoriale", dit aussi M. Diakopoulos. (avec l’AFP)

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