Vue du ciel

Dans un bouquin de Philippe Djian sorti il y a dans peut-être 30 ans, l’un des personnages compare l’écriture d’un roman au décollage d’un bombardier trop lourd qu’il faut avec force, délicatesse et persévérance arracher de l’attraction terrestre. Je ne suis pas un fan de Djian, malgré les 37,2 le matin dont je préfère le film, mais j’ai toujours gardé cette métaphore en tête. Personnellement, je suis plutôt resté en bout de piste, faute d’avoir atteint la vitesse suffisante. Mais, avec un formidable équipage, nous avons réussi à faire décoller un journal. Parce qu’après tout, l’image s’applique aussi bien à la presse, si ce n’est qu’il s’agit plutôt d’un vol long-courrier. Au passage du numéro 100, on peut se dire, que malgré les turbulences des débuts, notre vitesse de croisière est plutôt satisfaisante et le ciel relativement dégagé. Pourtant, nous avons perdu l’un des membres de l’équipage lors de notre ascension. Fin de la métaphore. Il y a dix ans et un jour, par un dimanche trop froid, Christian nous a quittés. Quand le téléphone a sonné ce matin-là, j’ai tout de suite compris pourquoi. Je suis sorti, je me suis assis dans la neige et j’ai pleuré. Un ami, un guide, un mec génial, hors du commun, sans qui rien de ce que j’ai fait depuis avec ma bande de CB n’aurait existé. Ce jour-là, sa famille, ses amis, sa bande, la presse, la télé, la pub et d’autres encore ont perdu une immense personnalité. Et il nous manque encore et encore. Mais là-haut, de sa tour de contrôle, il doit voir que nous sommes toujours là, fidèles à son esprit et que le voyage qu’il a commencé bien avant nous continue. Et que nous ne sommes pas près d’atterrir.

Christian Blachas
(© Olivier Roller)

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