Baromètre La Croix-Kantar : l'intérêt des Français pour l’information chute

Barometre La Croix Kantar

Le journal La Croix, avec Kantar, publie son baromètre annuel sur la confiance des Français dans les médias. Parmi les principaux enseignements de cette 33ème édition, on apprend la chute de l’intérêt des Français pour l’information, qui atteint son plus bas niveau historique (59%) en baisse de 8 points par rapport à l’an passé. « Depuis le lancement en 1987 du baromètre jamais autant de personnes interrogées (41 % ; + 8 points sur un an) n’avaient assumé le fait de s’intéresser « assez » faiblement (28 %, + 4) ou « très » faiblement (13 %, + 4) aux nouvelles », indique La Croix.

Des sujets trop traités…

Toutefois, après une chute en 2019, la confiance envers les médias traditionnels remonte légèrement (46%, +2 points), « alors qu’Internet suscite une incrédulité jamais atteinte (23%, -2 points) ». Le baromètre pointe également les sujets qui ont été trop traité en 2019. En tête, les mobilisations des gilets jaunes, à 55%. Puis viennent la fausse arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès dans un aéroport en Ecosse (51%), l’incendie de Notre-Dame de Paris (45%) ou les polémiques sur le port du voile par des mères accompagnant les sorties scolaires (42%). Concernant l’actualité autour de Xavier Dupont de Ligonnès, les Français qui en étaient informés en incombent moins la responsabilité aux journalistes (19 %) qu’aux policiers écossais (25 %) ou à un emballement médiatique et policier (61 %). Seuls 10 % (dont 16 % des partisans du RN) y ont perçu une volonté d’induire le public en erreur.

…Et d’autres pas assez

A contrario, les Français ont jugé qu’un certain nombre de sujets n’étaient pas assez traité : les feux en Amazonie (50%), le Grenelle des violences faites aux femmes organisé par le gouvernement (45%) ou les élections européennes en mai et la nouvelle composition de la Commission européenne (37%). Néanmoins, le décès de Jacques Chirac, l’attentat à la Préfecture de Police de Paris ou le 30ème anniversaire de la chute du mur de Berlin sont des actualités dont les médias ont parlé comme il faut. « Il s’agit de jugements très subjectifs », souligne Guillaume Caline, qui a piloté l’étude chez Kantar.

« Les plus jeunes sont les plus critiques »

Trois grandes thématiques sont mal traitées dans les médias, selon les Français : les violences faites aux femmes, les mobilisations sociales tout au long de l’année, ainsi que le dérèglement climatique et ses conséquences. « Les plus jeunes sont les plus critiques », explique Guillaume Caline. Selon les âges, les sources d'information divergent. Les plus de 65 ans préfèrent à 65 % le poste de télé, tandis que les plus jeunes s’en détournent (18 % des 18-24 ans). Les chaînes généralistes restent privilégiées (29 %), mais celles d’information en continu sont aussi appréciées (19 %), notamment par les 35-49 ans. La défiance envers les médias reste bien installée : 71 % des Français n’ont pas le sentiment que les médias rendent « mieux et davantage compte » de leurs préoccupations.

Les journalistes soumis à des pressions

Les Français estiment également que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis politiques et du pouvoir (68%), ainsi qu’aux pressions de l’argent (61%). Ils expriment aussi qu’ils sont confrontés aux fake news une fois par semaine ou plus (40%). « Interrogés sur les acteurs qui devraient agir contre la propagation des fausses nouvelles, les jeunes citent en premier (à 36 %) les « citoyens eux-mêmes ». L’ensemble des sondés comptent d’abord sur les journalistes (38 %, + 2) et les organismes de contrôle (36 %, +2), suivis des citoyens (29 %, -2), du gouvernement (26 %, +3), des enseignants (5 %) et des universitaires (2 %) », explique La Croix.

Un effet de polarisation dans la société

Dans une table-ronde organisée à l’issue de la présentation des résultats du baromètre, Valérie Nataf, directrice de la rédaction de LCI, a déclaré que « le désintéressement des jeunes générations est un défi majeur ». Pour Vincent Giret, directeur de franceInfo, la défiance envers les médias s’est accrue suite à la crise des gilets jaunes. « On avait dû faire accompagner nos reporters d’officiers de sécurité, ce qui n’est pas habituel pour le média radio ». Selon lui, « la relation à l’autre s’est dégradée, pas seulement à l’égard des médias ». L’ensemble des participants à la table-ronde ont critiqué l’effet de polarisation dans la société, une « culture du meme », selon Valérie Nataf, qui pousse les gens à se rapprocher de ceux qui pensent comme eux.

Rendez-vous le 27 janvier

François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef de Ouest France, se veut rassurant. « Si on regarde en 1987, c’est quasiment les mêmes chiffres ». Pour lui, des motifs d’espoirs subsistent : le numérique et l’appétit des Français pour l’actualité internationale. Le 27 janvier prochain, La Croix et ses partenaires dévoileront les résultats de sa grande consultation sur le lien entre citoyens et médias. 11 000 contributeurs ont déjà été enregistrés, et leurs propositions sont analysées par la société de conseil Bluenove. A la suite de cette large étude, les médias seront amenés à prendre des engagements pour renouer le lien avec la population et faire diminuer la défiance. Pour François-Xavier Lefranc, « les gens ne veulent pas qu’on les brossent dans le sens du poil, mais qu’on s’intéresse à eux ».

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