Shopper Observer : cinq tendances qui questionnent le commerce

Pour une majorité de consommateurs, cette nouvelle ère post-Covid ne semble pas marquer la fin d’une époque, mais plutôt l’accélération de la précédente. Avec des positions qui se durcissent et des avis qui se font plus tranchés. C'est ce que révèle la nouvelle édition de l'étude "Shopper Observer" conduite par Havas Shopper (1). Baptisée "Commerce : un retour à l’essentiel … ou presque", cette photographie révèle que 58 % des consommateurs estiment que "cette crise aura eu un impact positif sur la manière de consommer". Avec une prise de conscience de la fragilité des écosystèmes écologique et économique, les consommateurs se veulent plus citoyens malgré le fait qu’ils ne semblent pas pour autant prêts à céder leur confort et leurs plaisirs pour une consommation plus rationnelle. Enfin, près de sept consommateurs sur dix (68 %) pensent que, dans 10 ans, les habitudes d’achat resteront les mêmes, voire seront plus élevées. "Une bipolarité qui se traduit également par le fait qu’ils espèrent que la consommation sera plus responsable et plus respectueuse de l’environnement" souligne les auteurs de l'étude.

Cinq tendances

1) Le succès de la consommation locale : la fin de Coca-Cola, Nike et Nutella ?

Si consommer local était déjà devenu un engagement à suivre, la crise n’a été que l’élément déclencheur pour accélérer et ancrer cette tendance dans le réel. Ce climat de grande méfiance a entraîné un besoin d’achat sécurité : traçabilité, produits locaux et de qualité et respect du producteur. 92 % des consommateurs se disent prêts à consommer plus de produits locaux et 89 % souhaitent se tourner davantage vers les produits artisanaux.  70 % des personnes interrogées aimeraient changer radicalement leur manière de consommer. Au-delà de la simple recherche de produits locaux, le consommateur cherche avant tout à revendiquer un modèle social plus vertueux, dénonçant les circuits trop opaques. Ce nouveau mode de consommation devient en fait un mode de vie prônant des valeurs d’authenticité, de terroir et de savoir faire. 60 % se disent prêts à se passer des grandes marques nationales et internationales. Une réflexion qui oblige les grandes enseignes à se remettre en question à leur tour, pour proposer du local, de l’authentique. Produits et communication qui vont à l’essentiel, les grandes marques se veulent plus proches que jamais de leurs consommateurs. Une stratégie pas toujours payante.

2) Toujours plus vite :  entre impatience et prise de conscience

Un consommateur français sur trois  utilise des offres de livraison rapide. De beaux efforts pour une consommation engagée, qui semblent donc aujourd’hui encore fragiles face aux offres massives et autres promesses répondant au désir d’immédiateté. La rapidité d’accès aux produits est devenue en quelques années une composante déterminante de l’offre : produits frais, électroniques ou de mode, la mise à disposition rapide des achats fait la différence. 65 % des consommateurs sont prêts à payer plus cher un produit disponible immédiatement. 24 à 48h, c’est le délai de livraison idéal d’une commande par internet. Une exigence qui impose des défis logistiques aux retailers et qui semble également loin des considérations écologiques, car peu d’acteurs aujourd’hui agissent concrètement pour des livraisons responsables et décarbonnées. 67 % déclarent avoir mauvaise conscience lorsqu’ils optent pour la livraison rapide. De leur côté, les consommateurs ne sont peut-être pas prêts à payer plus cher un service désormais considéré comme normal, mais certains ont tout de même conscience des répercussions environnementales et sociales de leur choix.

3) Fidélité, infidélité et  valeurs

Face à l’abondance de choix en rayon, le consommateur est avide de tester les nouveautés sans devenir fidèle à une marque ou un produit en particulier. Les cartes de fidélité et autres points bonus accumulés, semblent être devenus les grands oubliés des caddies français. 71 % des consommateurs estiment que les programmes de fidélité se ressemblent tous et 77 % d’entre eux estiment qu’ils servent avant tout à collecter et exploiter leurs données personnelles. Un modèle de fidélité daté qui ne séduit plus, remis en cause par le concept d’ultra-transparence, par le service ou encore le besoin de personnalisation. Élevé au rang de science-fiction il y a encore quelques années, les tests ADN pourraient bel et bien faire leur grande entrée dans le monde du retail.

26 % des consommateurs se disent prêts à partager leur ADN avec les marques pour disposer de produits réellement sur-mesure. Une décision forte de sens qui permet d’interroger le rapport intime du consommateur avec la marque et expose ses valeurs comme le premier levier de fidélisation. 81 % des consommateurs seraient prêts à délaisser une marque ou une enseigne si elle ne partageait plus leurs valeurs. "Les marques et les enseignes ne doivent jamais oublier que consommer c’est partager une relation intime, équilibrée et que plus que jamais les valeurs défendues par les marques apparaissent comme le meilleur levier de fidélisation" explique David Mingeon, Directeur Général Adjoint, Havas Paris (lire aussi son interview "La bascule n'aura pas lieu dans le commerce").

4) Marketing de la déconsommation

« Consommer moins mais mieux » un leitmotiv déjà intégré, mais malheureusement mis à dure épreuve pendant le confinement même si les consommateurs en ont profité pour se tourner vers l’épargne. 42 % des consommateurs ont le sentiment de moins consommer qu’avant. Une envie qui donne des idées aux marques et aux enseignes qui jouent la carte de la transparence, communiquent sur leurs failles et leurs limites, tout en invitant leurs consommateurs à moins consommer. Vraiment ? Face à des consommateurs sensibles à ces discours de vérité, les marques n’hésitent pas à jouer avec leurs peurs en communicant sur des lendemains incertains dans le seul but de vendre plus. Mais à trop vouloir surfer sur cette tendance elles pourraient finir par en être les premières victimes. 66 % des consommateurs se sentent plus proches des marques qui s’engagent contre la consommation excessive. Stratégie marketing ou véritable engagement, les consommateurs ont choisi leur camp. Cette abondance de produits de consommation ne fait qu’accentuer la peur du monde d’après, fondée sur une société capitaliste nourrie à l’économie à grande échelle. L’inverse du monde imaginé et idéalisé à la sortie des 8 semaines de confinement. 78 % des consommateurs pensent que la surconsommation pourrait entraîner un effondrement de notre civilisation. Le Covid-19 n’en serait que les prémices. Entre tendance et véritable valeur, la frontière reste mince pour les marques, qui n’ont pas droit à l’erreur.

5) Néo-bazar, les nouvelles soupapes

le discount a le vent en poupe. Pourtant situé aux antipodes des nouvelles habitudes de consommation, qui aspirent à un caddie plus vert et local, les néo-bazars constituent une offre de commerce florissante partout en France. Un phénomène étroitement lié au pouvoir d’achat : 66 % des consommateurs estiment devoir faire plus attention qu’avant au prix des produits qu’ils achètent.

Mais aussi au plaisir. Les injonctions permanentes sur l’empreinte carbone des placards et frigos des consommateurs, entraînent chez certains consommateurs un besoin viscéral de succomber à l’achat futile. Une récompense occasionnelle qui ne remet pourtant pas en cause la démarche écoresponsable entamée. 79 % déclarent avoir besoin, de temps en temps, de faire moins attention et de se faire plaisir en consommant pour se libérer de certaines frustrations. 74 % trouvent du plaisir à faire de bonnes affaires en trouvant des produits très bon marché.  Les néo-bazars, leur format déculpabilisant et parcours ludiques, occupent, plus que jamais, une place stratégique dans un environnement retail encore incertain.

 

(1) Méthodologie : Étude Havas Shopper / Paris Retail Week réalisée du 22 avril au 15 mai 2020 auprès d’un échantillon de

2 000 personnes, âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population en France, en Chine et aux États-unis (méthode de quotas, âge, sexe, niveau de revenu, région) sur la base d’un corpus de plus de 100 questions. Sont retranscris ici les chiffres français.

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