Mélanie Dallé (Traackr) : « le marketing d'influence est passé d'une stratégie expérimentale à un pilier clé des marques axées sur les objectifs »

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Si le marketing d’influence a ces derniers mois véhiculé une image un peu trouble, il est toutefois devenu un rouage de communication important pour les marques. Traackr, outil d’influence et de mise en relation entre les entreprises et les influenceurs, mais aussi de gestion de campagne, d’optimisation budgétaire, de gestion de programme et d’analyse comparative du marché, a étudié de près son rôle dans le social commerce dans une enquête. Mélanie Dallé, EMEA Marketing Manager, Demand Generation chez Traackr, en révèle les résultats en exclusivité pour CB News. Interview.

CB News : Vous venez de publier un rapport sur l’impact en 2023 du marketing d’influence où vous tentez de disséquer « Comment le social commerce, le contenu vidéo et les plateformes orchestrent la pratique du marketing d'influence en France ». Mais quelle est votre définition du « Marketing d’influence » ?

Mélanie Dallé : Le marketing d’influence est le processus consistant à identifier, rechercher, engager et soutenir les individus qui génèrent des conversations à fort impact avec les consommateurs à propos d’un sujet, d’une marque, d'un produit ou encore d’un service.

Le marketing d’influence offre aux marques la possibilité de collaborer et de créer des relations avec des acteurs (influenceurs) qui sont écoutés et suivis pour leur expertise en ligne.

Le marketing d'influence est un canal vital pour de nombreuses marques. Au fur et à mesure que la pratique a mûri, les marques de toutes tailles considèrent le marketing d'influence comme un élément de plus en plus précieux de leur stratégie marketing globale - faisant passer le marketing d'influence d'une stratégie expérimentale à un pilier clé des marques axées sur les objectifs.

CB News : Un marché, certes pas nouveau, mais en plein essor malgré ses soubresauts… Quelle a été la méthodologie de votre enquête ?

Mélanie Dallé : Nous voulions vraiment comprendre comment les générations consomment les contenus en ligne et des influenceurs, quels sont les plateformes, formats et les messages qui ont le plus d'impact sur ces individus aujourd’hui.

Nous avons interrogé 500 personnes issues de la génération Z et Y (les Millennials) sur la plateforme de sondage en ligne Pollfish, entre le 10 novembre 2022 et le 11 novembre 2022, en France.

CB News : Intuitivement, on ne se dit pas que Meta, avec ses contenus, est la plateforme la plus en vue. Et pourtant… Tout est affaire de génération ?

Mélanie Dallé : Oui, Instagram est sans surprise la plateforme la plus utilisée de manière globale et Facebook se trouve également dans le top 5, en 4e position.

Les Millennials utilisent beaucoup plus Facebook que la génération Z, tandis que la génération Z utilise davantage Snapchat que les Millennials. Ce qui est intéressant, c'est que Twitter a vraiment eu du mal à s'imposer dans les premières places, et arrive à peine à égalité au cinquième rang parmi les jeunes de la génération Z. Au contraire, Snapchat arrive dans le Top 5, que ce soit parmi les Millennials ou la génération Z.

Ce qui est également intéressant, c’est de voir Snapchat et TikTok en bas du podium pour les Millennials alors que c’est plutôt l’inverse pour la génération Z.

On peut certainement conclure que les formats d’Instagram, Snapchat et TikTok (certainement plus éphémères et créatives que d’autres plateformes) sont les plus attractifs pour les générations plus jeunes.

CB News : Que regardent ces générations sur ces plateformes ? Pour quelles raisons ?

Mélanie Dallé : Les vidéos humoristiques ! TikTok a vraiment révolutionné les contenus au profit des formats vidéo. Aujourd’hui toutes les plateformes priorisent cette tendance, comme Instagram avec les Reels et Stories, et YouTube qui a récemment lancé Shorts.

Nous avons découvert que 61% des personnes sondées déclarent préférer regarder des vidéos humoristiques sur les réseaux sociaux. Les vidéos culinaires arrivent en deuxième position, les vidéos mode se classent en troisième position, les sportives en quatrième et les voyages en cinquième.

Ces résultats varient également en fonction des sexes. 65% des femmes (s’identifiant comme femmes) ayant répondu au sondage, préfèrent les vidéos culinaires aux vidéos beauté et mode.  En parallèle, 71 % des hommes (personnes s’identifiant comme hommes) préfèrent les vidéos de sport, suivi des contenus humoristiques et des voyages.

CB News : Au final, les médias sociaux pour quoi faire ?

Mélanie Dallé : Très bonne question ! Lorsqu'on leur a demandé avec quel type de contenu elles interagissaient le plus (c'est-à-dire les contenus qu'elles likent, commentent, partagent), les personnes sondées ont également principalement répondu : le contenu humoristique.

D'une génération à l'autre, les préférences varient : les Millennials préfèrent un peu plus les contenus éducatifs et les contenus type conseils/inspiration que la génération Z.

Cependant, ce qui donne envie aux consommateurs d'interagir avec du contenu est assez différent de ce qui les pousse à suivre une marque sur les réseaux sociaux. Les personnes interrogées ont toutes répondu que les recommandations de produits/offres sont la principale raison pour laquelle elles suivent une marque.

Assez intéressant, les générations plus jeunes sont plus susceptibles aux messages et valeurs portées par une marque, en effet, la génération Z est 12 % plus susceptible d'envisager de suivre une marque sur les réseaux sociaux en raison de son message et de ses valeurs.

CB News : Vous étudiez ensuite dans votre enquête le comportement des consommateurs sur le social commerce… On ne va pas faire la même chose d’une plateforme à l’autre ? Ne sont-elles pas complémentaires, en fait ?

Mélanie Dallé : Comme dans la vie courante, nous cherchons des informations et des avis sur un produit auprès de différentes sources avant de l’acheter (du moins pour ma part). Sur les réseaux sociaux c’est également le cas.

En France, il apparaît que la plateforme où les consommateurs recherchent des produits n'est pas forcément celle où ils achètent des produits.

23 % des personnes sondées ont classé YouTube comme la plateforme qu'elles sont le plus susceptibles d'utiliser lorsqu'elles recherchent en ligne des informations et des avis de produits

A contrario, 51 % des personnes sondées ont classé Instagram comme la première plateforme sociale sur laquelle elles sont le plus susceptibles d'acheter des produits.

Dans un sens, oui, on peut dire que les plateformes sont complémentaires. Avant tout, ce qui est important c’est de comprendre leur usage - comment sont-elles utilisées, pour quelles raisons, quels messages. C’est pourquoi nous avons décidé de conduire cette enquête. Il est fondamental de comprendre tout ceci lorsque l’on souhaite développer une stratégie d’influence et avoir de l’impact. Une même campagne n’aura pas le même impact sur Instagram que sur TikTok. C’est important de le savoir et de planifier en conséquence.

CB News : Qu’achètent les consommateurs sur les plateformes ? À l’inverse, y-a-t-il des types de produits qui n’intéressent pas du tout ?

Mélanie Dallé : Les consommateurs sont plus intéressés par les produits lifestyle - type mode, beauté, soins personnels, articles pour la maison…

Cependant, ce classement varie lorsqu'il est indexé par génération et par sexe. Les membres de la génération Z sont 12% plus susceptibles d'acheter des produits alimentaires et des boissons que les Millennials. Par ailleurs, les femmes sont 42% plus susceptibles d'acheter des produits de beauté et de soins personnels que les hommes, et les hommes sont 27% plus susceptibles d'acheter des appareils électroniques.

Cependant, les produits fitness sont ceux recevant le moins d'intérêt par les deux générations. 

CB News : Dans le process d’achat, on a pu parfois mettre en cause le rôle des influenceurs. Qu’en est-il ? Tiers de confiance, ou pas ?

Mélanie Dallé : On sait que les consommateurs sont prêts à acheter des produits sur les réseaux sociaux, mais qu'est-ce qui les encourage à passer le pas ?

Notre enquête a révélé que 66% des personnes interrogées sont susceptibles d'acheter un produit si un influenceur qu'elles connaissent et en qui elles ont confiance publie sur ce produit. Et 45 % déclarent qu'elles sont plus susceptibles d'acheter un produit s'il a été recommandé par un influenceur qu'elles suivent sur les réseaux sociaux.

Encore plus intéressant, les personnes issues de la génération Z sont 15% plus susceptibles que les Millennials d'acheter un produit si un influenceur qu'elles connaissent et en qui elles ont confiance publie sur ce produit.

En bref, on peut dire que les influenceurs ont un impact sur le comportement d’achat.

CB News : Sur quoi s’appuie le choix d’un achat… Le prix n’est pas l’essentiel ?

Mélanie Dallé : Le prix restera toujours un élément décisif lors de l’achat mais ce n’est pas l’élément le plus important ! Aujourd’hui les consommateurs mettent un point d’honneur sur la durabilité et les valeurs d’une marque. En effet, 64 % des personnes sondées accordent moins d’importance au prix lorsqu'elles achètent un produit d'une marque qui correspond à leurs valeurs.

Ce n’est donc pas étonnant de voir de nouvelles marques suivant ce principe émerger. Dans l'industrie de la beauté en particulier, des marques comme Rare Beauty et Fenty Beauty ont gagné en popularité grâce au message qu'elles portent et aux initiatives qu'elles mettent en place pour défendre leurs valeurs.

CB News : Pour vous, quels sont les points les plus saillants dans cette étude ?

Mélanie Dallé : L’usage des plateformes sociales est différent suivant les générations, mais Meta s’impose.

L’humour prend le relais en tant que premier choix de contenu vidéo.

Le pouvoir des influenceurs est incontestablement en hausse surtout sur les comportements d’achat.

Les consommateurs s'intéressent plus aux valeurs et purpose d’une marque qu’au prix d’un produit ou service.

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