Vrais journalistes et fausses news

Journalistes formidables

Évidemment, avec un titre pareil, difficile d’être complètement critique. On se sent flatté. Mais au-delà de l’anecdote, le livre de Francis Morel et Jean-Michel Salvator est intéressant à plus d’un titre. Parce que pour en arriver là, les deux auteurs prennent le soin de raconter l’histoire moderne de la presse. Plutôt la presse écrite que la radio ou la télé, mais c’est normal étant donné le CV des auteurs. Si Jean-Michel Salvator dirige les rédactions de BFM TV, il a longtemps fait de même au JDD et au Figaro. Quant à Francis Morel, c’est un homme de presse jusqu’au bout des doigts, des Editions Mondiales aux Echos en passant – entre autres — par Le Figaro. Bref, deux personnalités qualifiées pour raconter et rappeler comment on en est arrivé là. Là, c’est maintenant avec des réseaux sociaux qui diffusent à leurs dépens des news fake ou suspectes, un monde dans lequel les médias traditionnels doivent se battre face à des géants qui leur pompent leurs contenus tout en affirmant qu’ils les aident.

Sans remonter à Théophraste Renaudot, le livre revient sur les principaux facteurs de l'affaiblissement de la presse depuis cinquante ans. Bien avant les Gafa. Les imprimeries conservées dans leur antique état pour préserver l’emploi protégé, la distribution engorgée par l’afflux de titres dans un réseau débordé, le conservatisme et les certitudes qui ont retardé les réactions face à la révolution numérique… Morel et Salvator détaillent et décryptent ces facteurs. Mais ils ne se contentent pas de déplorer. Ils soulignent aussi comment la presse, notamment la presse quotidienne, a finalement su se moderniser et réagir face à la numérisation. Comment les médias audiovisuels ont réussi à s’adapter à la déferlante de blog, live et autres tweets pour en faire une force.

Il y a un an, le titre de ce livre aurait sans doute été différent. Non que les journalistes fussent moins formidables, mais les gilets jaunes ne s’étaient pas encore installés dans le paysage médiatique. Plus qu’un phénomène à décrire, les auteurs rappellent le jeu critique de ces contestataires, qui en plus de leur revendications, mettent en cause — parfois violemment - la manière dont les médias les traitent. Nés dans les discussions sur les réseaux sociaux, nourris aux infos souvent faussent que laissent véhiculer ceux-ci, les gilets jaunes posent un problème aux journalistes et à leurs supports. Francis Morel et Jean-Michel Salvator ne donnent pas de clés, de solutions miracle. Certains pourront leur reprocher, mais leur livre se veut avant tout un état des lieux, finalement pas si négatif que cela. Car si les journalistes et leurs entreprises sont dans une position délicate, voire difficile, ils n’en demeurent pas moins des pièces essentielles de notre système démocratique et économique. Ce n’est pas près de changer et ça n’est pas plus mal.

"Les journalistes sont formidables. Cinquante ans d'histoire des médias" par Francis Morel et Jean-Michel Salvatore. Calmann Lévy.  250 pages, 17€

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