Benjamin Cymerman : (Comité du Faubourg Saint-Honoré) : "continuer à faire de Paris, la destination du luxe "

Benjamin Cymerman

La crise sanitaire du virus Covid-19 impacte considérablement l'industrie du luxe depuis deux semaines. Mode, maroquinerie, joaillerie, hôtellerie, horlogerie, galeries d’art, de nombreuses enseignes tentent d'esquiver le coup dans la rue du Faubourg Saint Honoré dans le 8ème arrondissement de Paris. Entretien avec Benjamin Cymerman, président du Comité du Faubourg Saint-Honoré, afin d'aborder la situation économique des membres du Comité.

1) Comment allez-vous au Comité ? et comment vivez-vous l'arrêt total des activités commerciales ?

Benjamin Cymerman : nous sommes à l'arrêt total depuis le premier jour du confinement, mesure que nous comprenons d'ailleurs. Avec une activité à zéro, car nous n'avons pas été considérés comme commerces essentiels pour rester ouverts pendant cette période. Nos employés sont au chômage partiel et le Comité réfléchit à la réouverture des commerces et au retour du tourisme. Au mois de janvier, au mois de février et début mars, nous avions une bonne activité avec 60% du chiffre d'affaires provenant des achats de clientèles chinoise, orientale et américaine mais depuis, c'est la descente aux enfers ! 

2) Quel est votre rôle exact au comité ?

Benjamin Cymerman : Représenter les enseignes de la rue du Faubourg Saint-Honoré (127 membres au Comité et 142 commerces implantés dans la rue) mais aussi représenter les indépendants. Nos missions consistent à faire de la publicité pour ces enseignes et à coordonner des réponses sur des problématiques commerce. 

3) ouvez-vous chiffrer l'impact du Coronavirus (et du confinement) sur le marché du luxe en France ?

Benjamin Cymerman : Nous ne sommes pas du tout optimistes quant à la suite et ce, pour toute l'année.Je pense que la crise aura pour conséquences pour ces enseignes, une baisse de 10 % à  15% de leur chiffre d'affaires à l'année. Et qu'elle aura et a déjà, des conséquences sur les flux touristiques. Reste à savoir si et quand, l'espace Schengen, réouvrira.  Quant à l'hôtellerie, je pense notamment au Crillon, au Sofitel et au Bristol Paris, qui n'ont pas de réservations futures. En début d'année ces établissements rencontraient des taux de remplissage de 80 % à 90%, notamment avec la Fashion Week, alors qu'au début du mois de mars (avant même le début du confinement), ce taux avait baissé à 45%. Il faut surtout anticiper, penser à la relance des activités et au mois de septembre. Pas uniquement à ces deux ou trois prochains mois.

4) Allez-vous recevoir des aides de l'État ou de votre ministère de tutelle ?

Benjamin Cymerman : en plus du chômage partiel, qui est une bonne chose, nous avons deux questions qui restent en suspens : le loyer, qui reste très cher sur cet emplacement à Paris, donc tout ce qui concerne les bailleurs et puis, la question du plan de relance. Sur ce point nous sommes en discussions avec le ministère de tutelle. La problématique est surtout : comment attirer à nouveau les touristes à Paris et comment mettre à contribution les moyens de l'État ainsi que les tours opérateurs, l'Office de Tourisme et ceux qui accueillent ces touristes pour continuer à faire de Paris, la destination du luxe. Le gouvernement apporte des solutions, oui, mais tout dépend du temps que durera cette situation. 

5) Quel est l'impact sur de plus petites marques employant des artisans ?

Benjamin Cymerman : elle a un impact sur les plans de lancement produit. L'horlogerie se voit particulièrement touchée par exemple, avec le report du salon horloger qui a lieu en Suisse. Mêmes inquiétudes en ce qui concerne la Fashion Week en juin et les autres salons qui ont une résonance internationale. Quant aux plus petites marques, ou aux galeries d'art, elles n'ont pas assez de trésorerie contrairement aux grandes enseignes qui peuvent encore tenir. Elles pourront au moins bénéficier du crédit à zéro qui vient d'être lancé. Et puis, aujourd'hui, 80% de l'industrie du luxe est made in France ainsi le luxe est le premier employeur de l'industrie française. 

6) Peut-on encore consommer du luxe en cette période ? 

Benjamin Cymerman : les clients ne cherchent pas vraiment à se faire plaisir en ce moment. Ils peuvent acheter sur internet... mais ça ne pèse pas beaucoup. Nous faisons surtout du BtoB pour présenter des produits en avant-première sur Instagram. 

7) De quelle façon vous adaptez-vous justement ?  Y a t'-il des projets en cours sur le digital pour attirer la clientèle ?

Benjamin Cymerman : oui, on s'adapte avec la diffusion d'annonces sur le digital parce qu'il faut continuer à entretenir le réseau client. Cela passe par prendre des nouvelles par exemple. Nous avons également initié avec plusieurs chefs, un concours de réalisations d'œufs de Pâques via les réseaux sociaux. Nous ferons vivre ce moment en ligne.

8) Comment pouvez-vous être utile à la société, de part votre secteur et activité, pour faire face ?

Benjamin Cymerman : en rendant les métiers plus accessibles et en étant utile à notre pays en étant solidaires mais aussi en faisant en sorte de gagner de nouveaux points de contacts et de nouvelles clientèles. On l'a vu avec Kering et LVMH qui fournissent des gels hydroalcooliques et des masques de protection pour venir en aide à la population. Ainsi, l'utilité des marques à la société passe par une démonstration de nouvelles façons de faire.

9) Quels enseignements faut-il tirer de cette crise pour l'avenir du Luxe ?

Benjamin Cymerman : celui de revenir à des circuits courts dans le luxe. En travaillant sur la fabrication locale, par exemple ou en donnant plus d'attention à une clientèle européenne, notamment lorsqu'on sait que 30% de notre clientèle est chinoise. Mais cette stratégie n'est pas nouvelle, nous l'étudions depuis plus d'un an déjà. 

10) Qu'en est-il du développement des marques et de vos projets à l'international ? 

Benjamin Cymerman : Chanel réouvre en Chine mais de nombreuses boutiques sont fermées en Europe comme sur le continent américain. Et nous n'avons pas le rattrapage sur le e-commerce, du moins ce n'est pas assez. Nous allons donc tenter de préparer la Fashion Week parisienne de septembre et miser sur les efforts à échelle locale. 

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