"L’art est un langage beaucoup plus universel qu’on ne le croit" (Camille Zonca, Label Famille)

Label Famille

Label Famille, fondée par Camille Zonca et Cyril Quenet, se présente comme un projet réunissant la nouvelle génération de créateurs et les entreprises avec l'ambition de faire croiser ces deux mondes. Dernière actualité en date, leur installation dans un nouvel espace parisien dans le 11ème arrondissement de Paris, dans lequel ils réalisent les projets du label et où ils accueillent également des workshops. Par ailleurs, les deux fondateurs ont publié un livre "Artistes corporate" chez Nouveaux débats publics fin 2021. L'occasion de les interroger sur leurs raisons d'être et leurs ambitions.

1/Comment définir Label Famille ? 

Label Famille est ce qu’on appelle un label de création. Parce que c’est avant tout un réseau de 40 créateurs qui représentent une quinzaine de métiers différents (des illustrateurs, artistes plasticiens, designers, architectes, etc), que nous dirigeons Cyril, mon associé, et moi. Ce projet permet d’accompagner des clients corporate pour les aider à incarner leur raison d’être à travers des oeuvres d’art. Ces œuvres peuvent prendre des formes très différentes : des sculptures, des objets, des images, des films… Tout ce qui permet de traduire émotionnellement un propos d’un dirigeant dans le luxe ou dans le corporate. 

2/ Vous venez de vous installer dans un nouvel espace parisien, pourquoi ? 

Nous avons voulu, en sortie de confinement, aller à contre-courant de ce qu’on nous annonçait... C’est à dire une manière très digitale de vivre la relation professionnelle. Nous avons donc créé un lieu de rencontre pour les créateurs de notre label, mais également un lieu dans lequel les dirigeants peuvent venir à toutes les étapes du projet pour ressentir cet environnement créatif qu’on leur propose. C’est aussi un lieu ouvert à d’autres personnes du réseau qui décident d’allier le monde de l’art et de l’entreprise. Par exemple, la semaine dernière, nous avons accueilli le Master innovation de Polytechnique pour un workshop. L’idée était aussi de s’ouvrir à d’autres acteurs du milieu art corporate. 

3/ Quel type de marques font appel à vous ?

Nous avons deux secteurs avec lesquels nous avons l’habitude de travailler. Le corporate avec des marques type la SNCF, Bouygues Immobilier, ICAD, la MAIF. Ces marques viennent nous voir car elles ne connaissent pas forcément le monde de la création. Ces entreprises évoluent vers davantage de narration auprès de leurs parties prenantes ou de leur clientèle en portant une histoire qui a du sens. Pour y parvenir, ils ont besoin de s’associer avec de nouvelles personnes expertes du sens et de l’émotion. Nous sommes persuadés que ces personnes sont les artistes. Nous travaillons également avec le secteur du luxe, dans lequel il existe déjà un savoir-faire dans la collaboration artistes/marques. Nous les accompagnons en collectif d’artistes pour produire des formats très variés et transversaux. 

4/ Comment ça se passe un workshop chez vous ? 

Avant qu’un workshop arrive, nous mettons en place des conversations avec les dirigeants. Nous comprenons alors leur mission et connectons une matière première qui se transforme par la suite en projet de création. Nous proposons vraiment une direction artistique collective ici dans nos bureaux et nous essayons de proposer des temps de workshops à différents stades du projet. En fin de processus, nous intégrons le client pour qu'il puisse s’immiscer dans le processus créatif. 

5/ Quelle est votre ambition avec Label Famille ? 

Il y en a plusieurs. La première est d’arriver à un modèle compris et qui se développe bien en France car nous aurons réussi à avoir des clients variés. Notre ambition ensuite serait de tester ce modèle-là en dehors de la France et d’apporter ce regard français de la création dans d’autres pays, en commençant par les pays anglophones. Pour une réponse plus émotionnelle, notre rêve serait de commencer à voir des créateurs dans les Comex des entreprises. Qu'il s'agisse de la SNCF, de Hermès par exemple. L'objectif serait de commencer à avoir des preuves factuelles que ces deux mondes ont réussi à cohabiter et même collaborer au sein des organisations. 

6/ Pourquoi avoir publié un livre sur les artistes corporate ? 

Parce que les univers des dirigeants d’entreprises et l’univers des créateurs sont deux univers dans lesquels nous avons pris l’habitude de naviguer. Nous nous sommes rendus compte qu'il existait des préjugés très forts sur les uns et sur les autres. En travaillant avec ces deux mondes, nous avons réalisé qu’il existait bon nombre de points communs. Travailler ensemble peut être une solution pour un monde plus vivable pour tous. Également, parce que les créateurs ont cette capacité de raconter des histoires, d'embarquer le grand public, de leur proposer des imaginaires et de faire rêver sur le monde de demain. Les dirigeants d’entreprises, de leur côté, à travers leurs produits et leurs services décident ce que sera le monde de demain. Nous sommes persuadés que s’ils travaillent ensemble ils pourront proposer des projets sensibles, utiles mais également émotionnels, créatifs et bénéfiques pour la société. 

7/ Nouer le dialogue entre deux mondes, celui des artistes et celui des dirigeants, pourquoi est-ce important ?

C’est important car en sortie de crise covid des deux côtés, nous avons de nouvelles problématiques. Nous sommes dans un changement de société. Les dirigeants ont besoin d’avoir un coup d’avance sur ce qui va se passer demain et de transformer leurs entreprises en organisations porteuses de sens. Il y a un vrai enjeu stratégique pour eux. Ils doivent trouver de nouvelles manières de se raconter. Peut être aussi ne pas travailler qu’avec des grandes agences de communication, se rapprocher de nouvelles typologies de prestataires, comme les artistes. Côté artistes, d’être soutenus et accompagnés par l’État n’était pas suffisant. Nous voulions favoriser ce nouveau marché. Si un artiste a, à côté de sa pratique, une démarche plus corporate, c’est un moyen pour lui de soutenir son activité financièrement. 

8/ Les entreprises, nouveaux mécènes de l’art ? Pourquoi ont elles tant besoin aujourd’hui de ce supplément d’âme ?

Nous ne pensons pas qu'ils soient les nouveaux mécènes. Les artistes ont toujours vécu grâce au mécénat dans des formes diverses et variées. Les plus grands artistes que l’on connait avaient des mécènes qui n’étaient pas forcément le roi, l’État ou le public. Par exemple, dans le livre nous parlons de Picasso. Un artiste reconnu pour son sens commercial et qui avait su développer plusieurs formes de mécénat. Déjà à son époque, il savait très bien communiquer pour être soutenu dans son art et par divers types de personnes. Nous avons le sentiment que le dialogue s’est un peu distendu et qu’il faut le reformer. Cela a commencé un peu avec le luxe, il faut que ça le soit dans d’autres secteurs. Les entreprises ont compris que leur objectif principal n’était plus seulement économique en 2022. C'est l'une des raisons qui les encouragent à se transforment en entreprises à mission. Elles ont besoin de prouver à leurs actionnaires qu’elles s’engagent pour l’environnement et pour la société plus largement. Cela ne peut pas se faire avec les mêmes outils que les outils économiques. Nous sommes persuadés que l’art est un langage beaucoup plus universel qu’on ne le croit.

9/ Qu’est ce que c’est être créateur aujourd’hui ?

Dans notre ouvrage, nous évoquons la question de la formation des créateurs. Aujourd’hui, factuellement, un créateur pour qu’il puisse vivre de son art, est obligé de devenir un entrepreneur. Il doit savoir se vendre et communiquer. Parce que ce métier de créateur n’est pas qu’un métier passion. Il faut savoir jouer ce jeu du marché de l’art ou de la commande corporate que nous soutenons. Nous avons fait le choix de trouver un terme qui englobe toutes les pratiques, c'est celui de créateur. Aujourd’hui il doit jongler entre deux types de pratiques : produire pour soi et pour les autres. 

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