Trend Obs 2019 : en même temps, on a envie d'y croire

Thibault Nguyen - Ipsos

Ipsos dévoile, dans son observatoire Trend Obs 2019, quelques pistes pour mieux comprendre le monde. Thibaut Nguyen, directeur du département tendances et prospective, nous éclaire sur cette édition baptisée "America : I am what I do".

C'est le rêve américain originel. Celui d'avant Bush et Trump. Une envie de croire qu'on peut croquer le monde. Liberté à tous les étages de sa vie. Un "effet Macron" largement cité par les trendsetters - les avanguardistes - sondés par Ipsos dans six pays (France, Royaume-Uni, Suède, Argentine, Etats-Unis et Japon) dans son étude TrendObs 2019 (1). Les crises sont un peu oubliées par rapport aux éditions précédentes. Nous serions plus confiants envers la technologie et rêvons de réussir matériellement sans complexe. Thibaut Nguyen, directeur du département tendances et prospective d'Ipsos, dévoile ce qui nous attend (peut-être) l'année prochaine.

Qu'est-ce qui change cette année par rapport à l'édition précédente datant de l'hiver 2016 ? Que signifie le titre (America) I am what I do ?

Thibaut Nguyen : "Une envie d'envisager les choses d'une manière positive. Quitte à mettre de côté la crise écologique, les guerres et la méfiance envers la technologie. Les méchants sont identifiés. Ce sont Trump, Assad et Poutine. Du coup, la lecture du monde est très simplifiée. D'un côté le bien (nous), de l'autre le mal (eux). Très binaire, mais après des années de doutes et de questionnements tous azimuts, les trendsetters tiennent leur rêve américain. C'est le sens du titre de cette nouvelle édition de notre observatoire. Chacun a envie de croire à la liberté. De penser, d'entreprendre, de réussir. Le droit d'essayer du moins. Le mouvement "En Marche", cité un peu partout dans le monde, résume cet état d'esprit. En "même temps", les trendsetters assument davantage vouloir s'engager dans leur vie amoureuse, vivre plus confortablement et pourquoi pas s'enrichir. Au niveau social, ils s'engagent pour des causes "humaines" comme la lutte contre les discriminations raciales ou sexuelles, pour les migrants ou la cause des femmes. Beaucoup moins pour la planète par exemple. Le reste de leur temps est dévolu à créer de la croissance pour eux-mêmes. La technologie ne leur pose plus de problème. Elle peut même améliorer le monde. Enfin, ils se forment professionnellement, rêvent de créer leur entreprise tout en faisant de plus en plus attention à leur santé. Pragmatiques, ils croient que le bonheur viendra de leurs performances". 

Donc trois tendances nous attendraient  : de "jolies choses", sphères "indiverselles" et "voyageurs de l'ailleurs" ? Aidez-nous à comprendre ?

Thibaut Nguyen : "les jolies choses renvoient à un storytelling positif. C'est un raz de marée dans la communication des marques. Après le green washing, c'est l'ère du social washing et de l'inclusive marketing [ndlr : on montre toutes les "minorités" : handicapés, gays, noirs etc.]. Tout cela est un peu bisounours, mais répond à une envie d'y croire et d'espérer un monde meilleur. C'est le cas de Bayer qui fait tout simplement disparaître Monsanto par exemple dans sa dénomination de marque du moins. Les marques tuent symboliquement les méchants. Autre mouvement intéressant c'est le début du déclin des petites marques. Michel & Augustin a été racheté par Danone, Innocent par Coca-Cola. Elles ont signé un pacte : croissance contre sens. Du coup, les grandes marques s'en sortent par le haut. Enfin, on assiste au succès des marques "mouvement sociaux". On peut citer "C qui le Patron?" ici ou "Pantajani" en Inde. Un mouvement crée par un Yogi qui propose des produits cosmétiques ayurvédiques, mais aussi des vêtements, des téléphones. Son chiffre d'affaires a atteint, en cinq ans, un tiers de celui d'Unilever en Inde. Les sphères "indiverselles" est un mix d'individualité et d'universalité. Les trendsetters sont certes très ouverts au monde, mais évoluent dans un très petit territoire. Leur quartier, leur ville, leur tribu. Tout le monde poste et lit la même chose. Du coup, il y a une normalisation culturelle. Ils utilisent les mêmes outils technologiques, consomment les mêmes médias, donc les mêmes marques. Une uniformisation qui crée des vies assez semblables partout. "Voyageurs d'ailleurs" est une contre tendance qui persiste pour une minorité. On y retrouve une propension à la spiritualité, à la détox digitale ou à la déconsommation par exemple. Ils demeurent très méfiants envers la technologie et très soucieux pour l'environnement. C'était la majorité lors de l'édition du Trend Obs précédent". 

(1) Trend Obs : les trendsetters sont âgés de 25 à 40 ans sélectionnés pour leurs capacités à ressentir et à réagir plus vite au contexte que les autres selon leurs attitudes (pas CSP. Entretien quali dans six pays France, Royaume-Uni, Suède, Argentine, Etats-Unis et Japon. Trend Obs se nourrit aussi d'interviews d'experts, de veilles internationales, de web listening. L'Observatoire a été crée en 1997. 

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