beIN Sport-Canal+ : l'Autorité de la concurrence dit non

Même pas un "non, mais...". Non. L'Autorité de la concurrence a clairement considéré jeudi que les conditions "ne sont pas remplies" pour lever l'interdiction de distribution exclusive de chaîne sportive premium qui pèse sur Canal+ depuis 2012 (parmi 32 autres injonctions de l'instance), point qui aurait pu permettre à la filiale de Vivendi d'activer la mise en place d'un contrat de distribution exclusive des chaînes beIN Sports. Selon le président de l'Autorité, Bruno Lasserre, la demande de Canal+ a fait l'objet d'une consultation des différents opérateurs présents sur les marchés en cause (chaînes de TV, détenteurs de droits sportifs, distributeurs de télévision payante et notamment les FAI, etc.) ainsi que du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Et même si le groupe Canal+ a proposé "une série d'engagements", testée auprès des différents acteurs intéressés en mai dernier, la levée d'interdiction de distribution exclusive de chaîne sportive premium " ne se justifie pas à la présente date". Car pour l'Autorité, depuis 2012, les circonstances de droit ou de fait n'ont "pas été modifiées de manière significative au point de remettre en cause l'analyse concurrentielle" menée à ce moment-là.

Un marché dominé par Canal+

Ainsi, l'Autorité pointe-t-elle que, comme en 2012, les groupes Canal+ et beIN Sports détiennent les droits de diffusion "de la quasi-totalité des compétitions sportives les plus attractives", en particulier en matière de droits du football avec la Ligue 1. De même, ajoute-t-elle, la structure de marché, "proche d'un duopole", reste caractérisée "par la dominance de Canal+". Même la récente acquisition, par le groupe Altice de Patrick Drahi (groupe SFR), des droits TV de la Premier League anglaise de football, ne vient pas non plus faire plier l'instance, qui par la voix de son président, lors d'une conférence de presse dans ses locaux, juge au final ces droits "peu significatifs". Implacable, l'instance juge même l'opération comme une "expérience isolée" qui ne démontre pas l'émergence d'une concurrence "suffisante et pérenne" sur le marché. Les droits sportifs les plus importants en France (Ligue 1 et Top 14) étant largement sécurisés sur au moins les quatre prochaines années, M. Lasserre juge encore que SFR "ne pourra pas apparaitre" dans la course sur ces deux principaux droits avant plusieurs années. Parallèlement, sur le marché de la distribution de services de télévision payante, le groupe Canal+ "conserve une position dominante avec une part de marché comprise entre 70 et 80 %", assène l'Autorité.

12 mois de concertation à venir

Avec cette décision, aussi, le président de l'Autorité de la concurrence a voulu "préserver la cohérence et l'efficacité" du dispositif de 2012 qui voyait des secteurs tels que l'édition, les chaines thématiques, le cinéma ou encore le sports être interdépendants. "Tout aménagement isolé" d'une injonction "risque de mettre en péril l'effet utile de cet ensemble de mesures", insiste-t-elle. Quoi qu'il en soit, "dès cet été", assure le président de l'instance, un travail approfondi en concertation avec tous les acteurs va être menée sur ces 12 prochains mois pour réexaminer l'ensemble des injonctions imposées en 2012 et définir "un cadre clair et prévisible" pour la période 2017-2022. Une date butoir est d'ores et déjà fixée : le 23 juin 2017.

Un plan B pour Canal+ ?

Interrogé, Bruno Lasserre, s'est pourtant montré optimiste pour Canal+ qui a la possibilité de faire appel auprès du Conseil d'Etat. "Je n'imagine pas une seconde que Canal+ n'ait pas de plan B". De toute façon, selon lui" "Canal+ est rentable" en tant que groupe. Même s'il concède que la dégradation financière est "incontestable" en France. Avec en cause, l'explosion des montants des droits sportifs, l'érosion du nombre d'abonnés mais aussi les pertes publicitaires des tranches en clair. Et tout cela, souligne-t-il, "n'est pas lié à nos injonctions de 2012". De même, toujours selon lui, "l'accord avec beIN Sports n'aurait pas  restauré la situation financière. Un accord qui, au passage, "coûte très cher". Alors ? "Il a valu mieux dire non, plutôt que de vivre une situation périlleuse, non contrôlée, sur un contrat dont notre instance n'a jamais connu les termes définitifs". Et puis, alors que l'Euro se profile, Canal+ et beIN Sports proposent actuellement une offre commerciale commune "dont nous n'avons rien à redire". "Vous voyez", remarque M. Lasserre, "avec une simple inventivité commerciale, il est possible de faire des choses".

Canal+ et beIN Sports réagissent

Dans deux communiqués distincts, Canal+ indique avoir pris "acte" de la décision de l'Autorité. Il souligne qu'il devra "travailler sur d'autres solutions pour faire cesser les pertes des chaînes françaises de Canal+. De son côté, même si beIN Sports prend également acte, le groupe souligne qu'il "ne partage pas" l'analyse de l'instance qui "ne tient pas compte" de ses enjeux de développement, lui "nouvel entrant" sur le marché français de la TV payante. Une décision, donc, qui "contraint" beIN Sports à envisager de nouvelle modalités pour sa commercialisation. Le groupe souligne en outre que la décision de l'Autorité "favorise de fait" les distributeurs qui ont "exprimé avec vigueur leur souhait de continuer à pouvoir distribuer la chaine dans leurs propres offres". La chaine s'en réjouit en "ne doute pas" que ceux-ci donneront "des preuves tangibles" de leur intérêt pour la chaîne en assurant "effectivement" les moyens de continuer son développement tout en mettant une stratégie de distribution "efficace".

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