366 analyse les 10 tendances de la société française

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Stéphane Delaporte, directeur général de 366, lors de la présentation de l'étude « Françaises, Français, etc », le jeudi 5 mars 2020.

La régie publicitaire nationale de la presse quotidienne régionale (PQR) réunissait jeudi matin les acteurs du marché pour présenter la cinquième édition de son étude « Françaises, Français, etc », sous le thème cette année de la « Raison(s) d’être ». L’objectif : apporter un éclairage singulier et prospectif sur notre société. Réalisée par BVA, l’étude présente dix tendances, sur la base de 108 millions articles de la PQR publiés depuis 2009, soit 33 milliards de mots. Stéphane Delaporte, directeur général de 366, a d’abord fait le point sur l’évolution des recettes publicitaires dans le secteur : dans un contexte difficile, la régie a vu l’augmentation des recettes de +0,4% en 2017, +3% en 2018 et +13% l’année dernière, « dans un marché encore un 2019 encore baissier ».

Le print revient à son niveau d’avant 2016, a-t-il souligné. « Le fait sociétal dévient de plus en plus prégnant dans la stratégie de communication des marques. On arrive à une maturité des attentes de la population française : éthique, sincérité, simplicité, quête de sens... ». Pour Stéphane Delaporte, c’est bien la PQR qui est la mieux placée pour répondre à ces attentes. « Il y a une correspondance entre ces valeurs et ce qu’on propose. La confiance est la marque de fabrique de la PQR ».

« Les entreprises deviennent des acteurs politiques »

L’étude a été réalisée autour d’un planning stratégique, pour détecter les trends transversaux, puis bâtie à partir d’une étude quantitative, a expliqué Bruno Ricard, directeur général adjoint de 366 : 3000 personnes interrogées fin 2019. La régie et BVA ont également réalisé des cartographies sémantiques et mentales pour cibler les mots et leurs associations : « il y a des mots qui se consolident, qui sont de plus en plus utilisés ». Ce que révèle ce rapport : « les entreprises deviennent des acteurs politiques », déclare Edouard Lecerf, directeur général adjoint du groupe BVA.

La première tendance mis à jour est la radicalité. Il s‘agit d’un mode d’expression de plus en plus accepté. Pour les entreprises, cela se manifeste avec du populisme de marque, un risque permanent d’être pris en défaut, du dégagisme – « comme en politique » – ou la disruption des marchés par des nouveaux joueurs « nativement responsables ». Des nouveaux acteurs qui « n’ont pas besoin de prouver, puisqu’avant ils n’étaient rien ». La deuxième tendance dévoilée est celle d’une société en mille-feuilles : « chacun écrit sa propre histoire et ne se retrouve pas dans celle qui est écrit par l’autre », indique M. Lecerf.

Être brut, cash, immédiat

Le dialogue devient difficile entre les experts et les expertisés Côté consommation, des nouvelles questions se pose : est ce que les produits me concernent ? En suis-je exclu ? « Toutes les entreprises doivent dire à quoi elles servent, leur raison d’être », souligne pour sa part Dominique Levy, directrice générale adjointe chez BVA. « Comment représenter une société dans la caricaturer ? ». La troisième tendance concerne l’après fake news, qui « sont déjà dépassées ». Si 73% français disent avoir été exposés à des fake news. « Chacun a sa propre vérité. La disparition progressive d’un socle commun rend d’autant plus difficile la recherche d’un sens partagé », indique BVA.

Pour être vrai, il faut désormais être brut, cash, immédiat. « La polarisation s’avère efficace », regrette Edouard Lecerf. Côté marques, la défiance s’est généralisée à la communication mais aussi sur les produits. Dominique Levy cite en exemple l’application Yuka, qui permet de scanner les produits alimentaires pour savoir s’ils sont bons ou mauvais.  Pour rétablir une forme de confiance, cela passe par l’intégrité : réalisme des promesses, clarté des messages et humilité face à la critique. BVA cite notamment Nutella et son discours dépassionné autour du sujet de l’huile de palme. La marque a concentré son discours sur le plaisir du goût, « et ça a fonctionné », selon Dominique Levy.

« How dare you ? »

La quatrième tendance concerne la data. Malgré l’inquiétude de la population face à l’usage des données personnelles, cela ne freine pas le « data deal » entre les consommateurs et les GAFA. « S’oriente-t-on vers un data luddisme (ndlr : attitude de ceux qui critiquent les nouvelles technologies et s'y opposent en les considérant comme des moyens d'aliénation et non d'émancipation) ? », s’interroge Edouard Lecerf. Les échanges sont acceptés : le questionnement n’a que très peu modifié les comportements, ce qui ouvre des opportunités pour de nouveaux data deals. La cinquième tendance de l’étude 366/BVA s’intéresse à la fin du monde. Avec l’urgence climatique, le sentiment d’être rattrapés par notre passé, présent et futur, se renforce. « Il y a une contraction du temps et des interpellations entre générations » : OK Boomer, « How dare you ? » de Greta Thunberg.

Selon BVA, un paradoxe s’est créé : si la consommation menace la planète, cela n’empêche pas les marques de s’engager pour la sauver. Les marques doivent choisir, elles sont sommées de faire quelque chose. Autre tendance : celle d’une génération sans normes. « La diversité devient normative, la différence devient le standard ». Les marques doivent sortir des représentations normées et faire la démonstration de leur inclusive. Mais il y a le risque du « diversity washing » (ndlr : améliorer l’image de la marque uniquement à l’extérieur), le syndrome du casting ou l’appropriation cultuelle.

Eloge du neuf

La huitième tendance mis en avant est celle de la relation avec l’animal, qui rejoint les questions de l’IA, de l’homme augmenté, du transhumanisme : « maltraitance animale, droit des animaux, destruction de l’écosystème, sont des sujets politiques ». Deux types de questions se posent pour les marques : quels usages pour la technologie ? Quelles garanties pour le végétal ? « L’humanité va-t-elle trouver une voie qui permette de gérer cette nouvelle porosité entre le naturel et l’artificiel ? », s’interroge 366. Autre tendance : le sens du/au travail. « Il est plus difficile désormais de dissocier ce qu’une entreprise fait à l’intérieur et ce qu’elle dit à l’extérieur », déclare Edouard Lecerf. Par exemple, Saint Maclou met au centre de sa communication – notamment télévisuelle – le métier de la pose, interne à l’entreprise, plutôt que le client.

Les années à venir seront small. Selon BVA, « small is beautiful » : la population a une défiance à l’égard de tout ce qui est grand et puissant, et cela impacte les politiques, les entreprises et les marques. « Tout ce qui vient d’en haut est suspecté. Manifester est devenu un acte économique ». Dominique Levy cite les briques de lait « C’est qui le patron ». Il faut inventer du neuf, des marques qui n’ont pas de passé, « du clean ». L’Oréal a ainsi récemment créé la marque « La Provençale Bio » : « je vous mets au défi de trouver l’endorsement de L’Oréal sur leur site, mais vous trouverez une carte de France des sites de production ».

Trouver sa place

Car la société veut du local. « C’est la revanche de la géographie sur l’histoire ».  Il va falloir être « quelque part », recourir à des signes de proximité, trouver une légitimation locale. Certains l’ont déjà bien compris : MacDonald’s France, les distributeurs, le secteur du luxe – notamment Guerlain et son abeille noire d’Ouessant –, ou les services comme La Poste. En conclusion, l’institut BVA s’interroge : « comment créer des pactes de responsabilité partagée entre les gens, les pouvoirs publics et les entreprises ? ». Il y aurait de l’espoir : « les marques ne sont pas démunies », mais doivent désormais respecter certaines règles : ne pas être tout puissant (« on ne vous demande pas de tout régler ») et choisir ses combats, ses messages – au crible de l’authenticité –  et ses supports. « Il faut assumer qu’on ne va pas plaire à tout le monde ».

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