Affaire Mediapart : une proposition de loi pour protéger la presse

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La sénatrice centriste Nathalie Goulet a déposé une proposition de loi en réaction à la procédure utilisée pour interdire à Mediapart de publier de nouvelles informations sur le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau, après ses précédentes révélations de chantage présumé.

Le texte a reçu le soutien du président de la commission de la Culture Laurent Lafon (centriste). Son article unique vise à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en ajoutant qu'"une publication ne peut être interdite qu'en application d'une décision judiciaire rendue contradictoirement". "On ne peut pas laisser la situation en l'état et ne pas protéger davantage la presse", a déclaré mardi M. Lafon à l'AFP. Il estime que l'ordonnance sur requête (procédure d'urgence non-contradictoire, ndlr) rendue par le tribunal judiciaire de Paris vendredi 18 novembre, selon Mediapart, "remet en cause une des libertés fondamentales, la liberté de la presse". "On se place au niveau des principes", a souligné Mme Goulet.

Selon la sénatrice, avocate de profession, l'ordonnance sur requête est une procédure "classique, urgente", mais utilisée "de façon totalement inédite en matière de presse". "C'est l'aspect non contradictoire qui fracasse le droit de la presse", a-t-elle précisé. "En matière de presse, ça revient à censurer a priori", a affirmé la sénatrice. "Il était important de réagir rapidement et de dire notre soutien à la presse", a ajouté M. Lafon. De son côté, le groupe CRCE à majorité communiste a estimé dans un communiqué que "le contradictoire et le droit à un procès équitable n'ont pas été respectés à l'égard de Médiapart". "Chaque parcelle de cette décision va manifestement à l'encontre des droits fondamentaux et ouvre la voie à une nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l'homme", selon le groupe CRCE.

Le média d'investigation avait dénoncé lundi une "censure préalable sans précédent". "Mediapart n'était pas informé de cette procédure et l'ordonnance a été prise par une juge sans que notre journal ait pu défendre son travail et ses droits", avait indiqué son directeur de la publication Edwy Plenel. L'ordonnance fait injonction de ne pas publier "de nouvelles révélations sur les pratiques politiques du maire de Saint-Étienne, appuyées notamment sur les mêmes enregistrements qui nous ont permis de révéler le scandale du chantage à la sextape dont a été victime son premier adjoint centriste Gilles Artigues", avait précisé M. Plenel.

Mediapart contre-attaque

De son côté, Mediapart va tenter vendredi de faire annuler une décision de justice l'empêchant de publier son enquête. "Nous plaiderons ce dossier le 25 novembre à 14H au tribunal judiciaire" de Paris, a annoncé l'avocat du site d'investigation, Emmanuel Tordjman, mardi lors d'une conférence de presse. Il s'agira d'obtenir la rétractation d'une ordonnance du même tribunal, rendue en urgence le 18 novembre à la demande du maire stéphanois, Gaël Perdriau. L'audience de vendredi permettra ainsi d'expliquer en quoi l'information portée par l'enquête "censurée", dont des éléments seront ainsi publiquement révélés, est d'"intérêt général", a-t-il ajouté. À l'issue de l'audience, Mediapart pourra soit publier son enquête. "Toute la profession a compris que c'est un enjeu qui dépasse Mediapart" a souligné mardi son directeur, Edwy Plenel. Une trentaine de sociétés de journalistes, parmi lesquelles celles du Monde, de l'AFP, de Libération ou de BFMTV, et une dizaine de syndicats et d'organisations (Reporters sans frontières, Fédération internationale des journalistes, etc.) ont exprimé leur solidarité dans un texte dénonçant "une grave et flagrante attaque contre la liberté de la presse". "Jamais une telle procédure, à notre connaissance, n'avait été utilisée pour censurer préalablement un média" depuis la loi de 1881 "qui a instauré en France le droit d'information et la liberté d'expression", ont estimé les signataires.

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