La BBC inquiétée par une réforme de la redevance

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Les Britanniques qui ne payent pas la redevance audiovisuelle doivent-ils continuer à être poursuivis en justice ? Pour le gouvernement britannique, c'est non, mais la mesure inquiète la BBC dont le financement devient de plus en plus incertain. La ministre de la Culture, Nicky Morgan, a annoncé mercredi lancer une consultation publique sur la décriminalisation du non-paiement de la redevance. Si la population approuve la mesure, celle-ci entrera en vigueur en avril 2022.

C'est une mauvaise nouvelle de plus pour la BBC. Le géant audiovisuel public est à la peine pour enrayer l'exode du jeune public vers les plateformes numériques. Privé désormais de la redevance télé des plus de 75 ans, exemptés, le groupe est déjà contraint aux économies. Actuellement à la recherche d'un nouveau directeur général, la BBC a annoncé le mois dernier 450 suppressions d'emplois dans sa rédaction, affectant des émissions emblématiques. Elle demande désormais à ses journalistes de traiter moins de sujets mais pour plus de supports.

Le gouvernement conservateur, avec qui les relations sont tendues, semble vouloir aller plus loin. La BBC est dotée d'une charte qui sécurise sa mission jusqu'en 2027. Des premières discussions auront lieu à mi-chemin, en 2022, mais le grand chamboulement est surtout redouté au terme de cette période. Concernant l'après-2027, « il faut garder l'esprit ouvert », a averti Nicky Morgan, laissant envisager des changements voire une suppression de la redevance.

Le groupe audiovisuel public doit « s'adapter », a-t-elle affirmé lors d'un discours à Londres. Elle a qualifié d'« anachronisme » le risque d'amende ou de peine de prison pour les mauvais payeurs de la redevance, fixée à 154,50 livres (183 euros) par an. La ministre a cependant reconnu que mettre fin aux poursuites conduirait "presque certainement" à des baisses de recettes pour la « Beeb ». La BBC avait auparavant estimé que cela la priverait de 200 millions de livres.

Actuellement, 25,8 millions de foyers payent la redevance annuelle, rapportant au total 3,6 milliards de livres à la BBC. En 2018, plus de 121.000 personnes ont été condamnées pour non-paiement de la redevance et ont dû verser une amende de 176 livres environ. Seules cinq personnes en Angleterre et au Pays de Galles ont été emprisonnées pour ne pas avoir payé d'amendes. Pour Philippa Childs, cheffe du syndicat Bectu dans le groupe audiovisuel, la mesure n'a « aucun sens ».

« Cela semble être totalement motivé par l'apparente obsession du gouvernement actuel d'affaiblir la BBC chaque fois qu'il en a l'occasion », a-t-elle déclaré dans un communiqué. La ministre Nicky Morgan a balayé les critiques, assurant qu'il ne s'agissait « pas d'une attaque contre la BBC », qualifiée d'organisation « chérie » des Britanniques. La BBC a cependant été attaquée à gauche comme à droite pour sa couverture politique dans le contexte très polarisant du Brexit.

Lors de la campagne des élections législatives de décembre, Boris Johnson a refusé d'être interviewé par un journaliste particulièrement mordant de la BBC, et depuis des semaines, ses ministres ne participent plus à l'émission matinale de radio phare du groupe public, sur BBC radio 4. « L'avenir de la BBC est sérieusement menacé par ce gouvernement conservateur », a déclaré Tracy Brabin, une porte-parole du Labour, principal parti d'opposition. « Décriminaliser le non-paiement de la redevance télé laissera le groupe sans revenu prévisible et le privera potentiellement de centaines de millions de livres ».

Pour parachever un plan d'économies de 80 millions de livres sterling (95 millions d'euros environ) d'ici 2022, la BBC a annoncé un plan de « modernisation » la semaine dernière. Outre les 450 suppressions d'emplois, le géant aux plus de 20.000 employés compte investir davantage dans le numérique, pour attirer les jeunes. La BBC prévoit également de réorganiser sa rédaction afin de réduire les doublons entre les différents médias et de déployer davantage de journalistes hors de Londres, pour répondre aux critiques qui l'accusent d'être un média déconnecté du grand public. Ces mesures vont dans le sens d'un rapport du régulateur audiovisuel britannique, l'Ofcom, qui avait appelé la BBC à s'adresser davantage aux jeunes pour éviter de perdre une « génération » entière de contributeurs à la redevance.

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