Eric Fottorino édite une nouvelle « Légende »

Eric Fottorino

Eric Fottorino - déjà à l’initiative avec « Le 1 », « Zadig » ou « America » - fait paraître ce jeudi 17 juin « Légende », un nouveau trimestriel « dont chaque numéro pourrait inspirer un film ». L’ancien directeur du Monde nous dévoile les dessous de ce lancement, dans une période où la distribution de la presse patine.

Après « Le 1 », « Zadig » et « America », vous lancez « Légende » : pourquoi ?

Pour montrer qu’il est toujours possible de créer une presse en papier désirable et pérenne en proposant un véritable objet de presse. Alors que la dématérialisation gagne l’information et l’ensemble de nos usages, que la miniaturisation devient la norme, je voulais lancer un journal original dans la forme et sur le fond comme le fut le 1 en 2014.

En quelques mots, « Légende » c’est quoi et pour qui ?

Une grande figure contemporaine qui raconte notre époque à travers des photos, des textes de reporters, d’écrivains, de sociologues, historiens. Un moment de nos vies s’incarnant à travers une icône.

le crowdfunding, la recette miracle ?

En tout cas une bonne manière de passer un concept neuf au banc d’essai, de populariser une idée, de faire en sorte que de futurs lecteurs se l’approprient. On peut ainsi mesurer leur attente et leur enthousiasme qui se traduit aussi par une grande générosité. Il faut ensuite être au rendez-vous, tenir la promesse de lecture, ne pas décevoir et créer un effet de surprise une fois l’objet en main.

Le premier numéro est consacré à Zidane : comment choisissez-vous vos « légendes » ?

Nous voulons consacrer deux numéros par an à des femmes de légende, deux à des hommes. Nous varierons les horizons, du sport à l’histoire contemporaine, du cinéma à la chanson en passant par des figures militantes et courageuses. Nous voulons nous aussi laisser la surprise entrer dans nos choix, sans les figer trop à l’avance, écouter le monde, la société, puis choisir. Des vivants et des disparus dont le halo reste fort et inspirant. Combien de morts sont encore vivants !

La photographie prend une large place...

C’est d’abord une question de point de vue au sens propre du terme. Donner au lecteur un point de vue sur une légende passe par l’image. Nos autres publications privilégient le dessin et l’illustration, mettre la photo à l’honneur est bien sûr une façon de soutenir ce secteur ravagé par la gratuité et les non-choix de photos raflées sur la toile. Une photo n’est pas un bouche trou, c’est une information et un témoignage.

Par rapport à « Zadig », « Légende » perd le dos carré : est-ce un mook ou un magazine ?

Un magazine tiré à trois épingles, plutôt à trois agrafes. C’est une approche patrimoniale. Donner envie de garder Légende, comme Le 1, Zadig et America.

Ce trimestriel évoque un documentaire sur papier...

D’autant plus juste que je pense que chaque numéro pourrait inspirer un film.

L’abonnement, une formule plus fiable que le kiosque selon vous ?

Oui pour l’instant à cause des soucis récurrents de la distribution. Mais l’électricité du kiosque est irremplaçable. Un kiosque c’est comme aller chercher des produits frais et vivants.

La communauté du « 1 » vous suit projets après projets : que recherchent-ils ?

C’est une chance et une exigence de qualité chaque fois lourde en responsabilités. Cette communauté veut être informée autrement, elle est sensible à notre indépendance absolue, à notre liberté éditoriale, à notre goût pour l’écrit bien écrit, pour la découverte d’auteurs nouveaux. Publier des textes-événement qu’on ne lit pas ailleurs, comme celui qui parait ce mercredi dans le 1 sous la plume du réalisateur Raoul Peck sur le déni du racisme en France, c’est pour nos lecteurs une motivation pour nous être fidèles. Je dirais même pour être attachés à ce que nous représentons dans le paysage.

Presstalis vous doit 800 000 euros : pensez-vous les récupérer un jour ?

J’ai bon espoir qu’un fonds d’aide à la presse indépendante voie le jour prochainement, c’est le sens de mes discussions avec les pouvoirs publics, en particulier avec le  ministère de la Culture, pour préserver un réel pluralisme de la presse en France, pour que le droit d’informer ne soit pas abandonné aux seuls groupes de presse détenus par des industriels.

Dans ce contexte, l’avenir s’annonce-t-il toujours radieux pour la presse indépendante ?

Oui si nous préservions nos recettes et si notre distribution est assurée à des coûts raisonnables. A partir de là, il faut continuer à inventer la presse de l’avenir, celle qui compte avec le temps long. Je m’y emplie avec mon équipe. Les idées ne manquent pas pour poursuivre ce chemin très stimulant. Jusqu’ici les lecteurs ont toujours été là. A nous de continuer à les stimuler par nos propositions inattendues à condition qu’elles répondent à des besoins même inexprimés. La presse de demain devra avant tout être utile.

Legende

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